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ciers publics, qui pussent être d’autant plus surement les dépositaires des intentions de chaque partie, qu’ils y seroient des tiers desintéressés.

Mais comme les notaires mêmes, & tous ceux qui furent successivement autorisés à recevoir les conventions des parties, eurent besoin d’être surveillés, la justice de la loi fut encore obligée de venir au secours des uns, & de s’armer contre l’injustice des autres. Les papier & parchemin timbrés, les droits de sceau, les notaires en second dans certains lieux, & dans d’autres les témoins ajoutés aux notaires mêmes, ont été successivement employés pour remplir l’objet que l’on s’étoit proposé ; & ce sont, à proprement parler, autant de droits de contrôle, qui, sous différentes dénominations, ont le même objet & la même utilité que le contrôle des actes proprement dit.

Celui-ci considéré dans son établissement, a deux époques différentes, suivant la forme dans laquelle ces actes se trouvent rédigés.

Il a été établi par édit du mois de Mars 1693 pour les actes passés pardevant notaires, greffiers & autres personnes publiques autorisées à passer, à recevoir, à rédiger les actes & conventions des parties.

Par la déclaration du 14 Juillet 1705, pour les actes passés sous signature privée, on sent assez que sans ce dernier établissement, le premier seroit devenu illusoire pour un très-grand nombre de conventions.

On dit les notaires, à l’exception de ceux de la ville de Paris ; car ils ont été exemptés du droit & de la formalité du contrôle par une déclaration, & puis assujettis par autre déclaration, enfin rétablis dans leur exemption, dont on les a laissés jouir jusqu’à présent par différentes considérations pécuniaires & politiques, dont on aura ailleurs occasion de rendre compte.

On dit les greffiers, lorsqu’ils sortent des bornes de leurs fonctions ordinaires, qui sont d’écrire les jugemens émanés d’une jurisdiction involontaire & forcée, pour écrire & rédiger les conventions, les décisions libres & volontaires que leur dictent les parties ; ils auroient sans cela sans cesse abusé de la loi qui dispense du contrôle les actes judiciaires, c’est-à-dire, qui se font en justice réglée. Cet article est de la plus grande importance dans la matiere dont il est ici question. Tout acte juridique est incontestablement exempt du contrôle, tant pour le droit, que pour la formalité ; mais tout acte cesse d’être juridique, & devient extrajudiciaire, dès qu’il est émané de la volonté des parties, sans que le juge intervienne comme juge, ni le greffier comme ministre établi pour écrire les jugemens. Toutes ces distinctions sont très-essentielles, mais en même tems fort délicates & très-difficiles à saisir : on y reviendra plus d’une fois dans le cours des observations que l’on donnera sur la matiere dont il est ici question.

Quant aux actes sous seing privé qui ne sauroient être produits en justice sans être contrôlés, il faut en excepter les lettres-de-change de place en place & les billets simples à ordre ou au porteur, non entre toutes personnes, mais seulement entre marchands, négocians & gens d’affaires, encore est-il nécessaire que ce soit pour raison de leur commerce réciproque. Ces derniers mots sont extrèmement importans, parce que dans tous autres cas les négocians, marchands & gens d’affaire rentrent dans l’ordre général des citoyens, & leurs engagemens dans la classe ordinaire des conventions.

Si l’on veut, après avoir considéré le contrôle dans sa définition & dans son établissement, le regarder par rapport aux actes sur lesquels il porte,

on verra que ces actes eux-mêmes peuvent être envisagés relativement ; 1°. à la matiere ; 2°. à la nature des conventions ; 3°. aux différens objets qu’ils renferment ; 4°. à la forme dans laquelle ils peuvent être rédigés ; 5°. au nombre des parties qui peuvent s’y trouver intéressées ; 6°. aux droits & à la formalité auxquels ils sont assujettis, ou dont ils sont exempts.

La matiere des actes ne sauroit être que laïque ou civile, ecclésiastique ou bénéficiale : mais comme ces derniers ont été traités plus favorablement que les autres, il est essentiel de bien connoître ce qui les caractérise, de ne pas confondre les actes que font les Ecclésiastiques avec ceux qui se font en matiere ecclésiastique, puisque c’est la chose & non l’homme, le bénéfice & non tel ou tel bénéficier, que l’on a voulu favoriser.

Relativement à la nature des conventions que les actes & contrats peuvent renfermer, il seroit impossible de les prévoir & de les énoncer toutes explicitement ; mais toutes les clauses dont un acte quelconque peut être susceptible, pourroient implicitement se trouver dans les quatre divisions de préparatoires, obligatoires, conservatoires & résolutoires, puisqu’on ne peut jamais passer un acte quel qu’il soit, que pour préparer une obligation, pour la contracter, pour la conserver ou pour l’anéantir.

Les actes purement préparatoires ou conservatoires, qui contiennent mention, énonciation, déclaration, interpellation d’une obligation faite ou à faire, mais qui ne la renferment pas, doivent passer pour actes simples, & sont connus sous cette dénomination.

Les obligatoires sont obligatoires, simples ou synallagmatiques : simples, quand ils n’obligent qu’une seule partie vis à-vis d’une seule personne ou de plusieurs : synallagmatiques, lorsque l’acte oblige plusieurs parties à la fois, & réciproquement les unes avec les autres.

Conservatoires, lorsqu’ils confirment l’obligation déja faite, & qu’ils ont pour objet la conservation d’un droit, d’une convention, d’une action.

Résolutoires, lorsqu’ils anéantissent un engagement, quel qu’il soit, par l’accomplissement des conditions, ou par le désistement de ce qui pourroit être exigé.

Considérés relativement aux différens objets qu’ils renferment, les actes peuvent être passés & convenus entre les mêmes parties pour raison du même fait, ou bien entre différentes parties pour des intérêts différens, ce qui doit nécessairement occasionner différente perception de droits, parce que le contrôle étant relatif aux actions que l’on peut intenter en vertu d’un acte, il doit y avoir autant de droits à recevoir, que l’on peut intenter d’actions.

Par rapport à la forme dans laquelle ils peuvent être rédigés, les actes ne peuvent l’être que par des personnes autorisées à les recevoir, ou sous signature privée, en observant que pour éviter des abus d’une conséquence extrèmement dangereuse, il est des actes qui ne peuvent être reçus & passés que par des officiers publics, tels que les contrats de mariage, les donations, &c. & que pour subvenir à certaines circonstances, on a autorisé dans certains cas, certaines personnes à recevoir certains actes, & tels sont, pour les testamens, les curés, les vicaires, officiers de terre ou de mer.

Quant aux parties qui peuvent se trouver dans un acte, elles sont principales, comme les futurs conjoints dans un contrat de mariage, ou intervenantes, comme un parent qui paroît dans ce contrat pour faire une donation à ceux qui se marient.