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sies au point d’être devenues solides & dures. Peut-être néanmoins ne seroit-il pas impossible, dit M. de Réaumur, de faire développer le poulet d’un œuf hardé : mais il faudroit, ajoute-t-il, que l’art lui donnât l’équivalent de ce que la nature lui a refusé. Il faudroit suppléer par quelque enduit à la coquille qui lui manque, lui en faire une de plâtre, ou de quelque mortier, ou de quelque ciment poreux. Cette expérience qui ne seroit que curieuse, ne réussiroit sans doute, qu’après avoir été tentée bien des fois, & ne nous apprendroit rien de plus que ce que nous savons déja sur la nécessité d’une transpiration mesurée. (D. J.)

Œufs, conservation des, (Physique générale.) il n’est pas indifférent de pouvoir conserver des œufs, & en particulier des œufs de poule, frais pendant long-tems. Tous les œufs que couve une poule, ne sont pas également frais ; si elle les a tous pondus, il y en a tel qui est de quinze à seize jours plus vieux qu’un autre. L’embryon périt dans l’œuf, lorsque l’œuf devient trop vieux, parce que l’œuf se corrompt ; mais il y vivroit quelquefois plus long-tems, si on empêchoit l’œuf de se corrompre.

Malgré la tissure compacte de sa coque écailleuse, malgré la tissure serrée des membranes flexibles qui lui servent d’enveloppe immédiate, l’œuf transpire journellement, & plus il transpire & plutôt il se gâte. Il n’est personne qui ne sache que dans un œuf frais & cuit, soit mollet, soit au point d’être dur, la substance de l’œuf remplit sensiblement la coque ; & qu’au contraire il reste un vuide dans tout œuf vieux qui est cuit, & un vuide d’autant plus grand, que l’œuf est plus vieux. Ce vuide est la mesure de la quantité du liquide qui a transpiré au-travers de la coque. Aussi, pour juger si un œuf même qui n’est pas cuit, est frais, on le place entre une lumiere & l’œil ; la transparence de la coque permet alors de voir que l’œuf vieux n’est pas plein dans sa partie supérieure. Mais des observations faites par les Physiciens, leur ont découvert les conduits par lesquels l’œuf peut transpirer. Ils ont vu que dans les enveloppes qui renferment le blanc & le jaune de l’œuf, il y a des conduits à air qui communiquent au travers de la coque avec l’air extérieur. On voit où sont ces passages, lorsqu’on tient un œuf sous le récipient de la machine pneumatique dans un vase plein d’eau purgée d’air. A mesure qu’on pompe l’air du récipient, celui qui est dans l’œuf sort par des endroits où la coque lui permet de s’échapper.

Un fait qui prouve encore très-bien que la coque de l’œuf est pénétrable à l’air, c’est que le poulet prêt à éclore fait entendre sa voix avant qu’il ait commencé à becqueter sa coque, & avant qu’il l’ait même filée. On l’entend crier très-distinctement, quoique sa coque soit bien entiere ; malgré sa tissure serrée, l’œuf transpire ; il est pour nous d’autant plus vieux, ou, pour parler plus exactement, d’autant moins bon, qu’il a transpiré davantage. Les paysans de nos provinces & des autres pays agissent comme s’ils savoient cette physique. Pour conserver long-tems leurs œufs en bon état, ils les tiennent dans des tonneaux où ils sont entourés de toutes parts de cendre bien pressée, de son, de sciure de bois de chêne, &c. cette cendre, ce son, cette sciure de bois de chene s’applique contre les coques, en bouche les pores & rend leur transpiration difficile. Les œufs ainsi conservés sont mangeables dans un tems où ils eussent été entierement corrompus sans ces précautions.

M. de Réaumur a imaginé d’abord un meilleur moyen d’empêcher l’insensible transpiration des œufs, c’est en les enduisant d’un vernis impénétrable à l’eau ; ce vernis est composé de deux parties de gomme, laque plate, avec une partie de colo-

phone dissoute dans de l’esprit-de-vin. Une pinte d’esprit-de-vin, dans laquelle on dissout une demie livre de laque plate & un quart de livre de colophone, peut vernir 72 douzaines d’œufs, c’est-à-dire que la dépense en vernis pour chaque douzaine d’œufs ne sauroit aller à un sol ; & si l’on fait les couches très-minces, cette dépense n’iroit qu’à la moitié du prix.

Quoique la composition de ce vernis & son application soient faciles, M. de Réaumur a trouvé depuis qu’on pouvoit substituer à ce vernis une matiere moins chere encore, plus connue & aisée à avoir par-tout, c’est de la graisse de mouton fraîche. Les œufs qui ont été enduits de cette graisse, se conservent frais aussi long-tems que ceux qui ont été vernis. Cette graisse ne coûte presque rien de plus que le suif ordinaire, qui réussiroit également, mais qui blesseroit l’imagination. On fait fondre de la graisse de mouton fraîche ; & après l’avoir rendue liquide, on la passe à-travers un linge, on la met dans un pot de terre, on l’échauffe près du feu, on plonge chaque œuf dans cette graisse, & on le retire sur le champ : s’il est bien frais, il peut se conserver ainsi pendant près d’une année.

On peut plonger l’œuf dans la graisse avec des pinces, dont l’attouchement ne se feroit que dans deux points ; & quand la graisse seroit figée sur tous les autres endroits, on porteroit avec une plume ou un pinceau une petite goutte de graisse liquide sur les deux endroits qui sont restés découverts. Mais pour n’avoir plus à revenir à l’œuf après qu’il a été tiré du pot, il sera peut-être plus commode de donner à chaque œuf un lien d’un brin de fil long de 6 à 7 pouces ; on entourera l’œuf vers son milieu, c’est-à-dire à distance à-peu-près égale de ses deux bouts avec ce fil, on lui fera une ceinture arrêtée par un double nœud, lequel nœud se trouvera très-près d’un des bouts de ce fil, c’est par l’autre bout du fil qu’on tiendra l’œuf suspendu pour le plonger dans la graisse liquide. Celle qui s’attachera sur la partie du fil qui entoure l’œuf, arrêtera aussi-bien toute évaporation dans cet endroit, que celle qui sera immédiatement appliquée contre la coquille. On imaginera peut-être qu’il est difficile de mettre un œuf en équilibre sur un tour de fil, & de faire que cet œuf ne s’échappe pas ; mais pour peu qu’on l’éprouve, on trouvera le contraire.

La graisse de mouton ne communique pas le plus léger goût de graisse à l’œuf ; car quand on le retire de l’eau bouillante, il n’y a que le-dessus de la coquille qui soit un peu gras, & on emporte toute trace de graisse en frottant l’œuf avec un linge. L’enduit de graisse est préférable au vernis pour les œufs destinés à être couvés, parce qu’il est difficile de dévernir les œufs, & que l’enduit de graisse est très aisé à enlever. Enfin on pourroit par le moyen de l’enduit de graisse transporter dans les divers pays un grand nombre d’œufs d’oiseaux étrangers, les y faire couver, & peut-être, en naturaliser plusieurs. Cependant, malgré toutes ces vérités, ni le vernis des œufs, ni leur enduit de graisse proposés l’un & l’autre par M. de Réaumur, n’ont point encore pris faveur dans ce royaume. (D. J.)

Œuf, (Chimie.) voyez Substances animales.

Œuf, (Diete, Pharmac. & Mat. méd.) les œufs les plus employés à titre d’aliment sont ceux de poule. On mange aussi en Europe les œufs d’oie, de canne, de poule-d’inde, de paon, de faisan, &c. Les Africains mangent les œufs d’autruche, & ceux de crocodile. Les œufs de tortue sont un aliment très-usité dans les îles de l’Amérique.

C’est aux œufs de poule que convient principalement ce que nous allons en observer en général, & cela instruira suffisamment sur les qualités essen-