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sucs qui sont tels que ceux qu’on trouve dans les visceres des mélancholiques.

L’oréxie, ou la faim immodérée qui vient des vers qui consument le chyle, se guérit en détruisant ces insectes. On peut en connoître la cause par les symptomes qui leur sont propres. Celle qui vient de l’acidité ou âcreté des humeurs se guérit par les remedes qui corrigent cette acidité ou cette âcreté. Villanovanus rapporte qu’un homme se guérit de sa faim dévorante en mangeant du pain chaud trempé dans du marc d’huile. La voracité causée par l’action de la bile sur l’estomac se tempere par les acides. En général l’oréxie naturelle est une maladie fort rare ; il faut bien la distinguer de la boulimie & de la faim canine, avec lesquelles on la confond d’ordinaire. Voyez Faim canine. (D. J.)

ORFA, (Géogr.) M. de Lisle dit Ourfa, ville d’Asie à l’Orient de l’Euphrate dans le Diarbeck ; Thévenot l’a décrite comme elle étoit de son tems ; nous dirons seulement que c’est l’ancienne ville d’Edesse. Voyez Edesse. Orfa est située à 33 lieues N. E. d’Alep. Long. 55. 20. latit. 36. 20. (D. J.)

ORFEVRE, s. m. artiste, fabriquant & marchand tout ensemble, membre d’un des six corps des marchands de la ville de Paris, qui a la faculté de vendre, acheter & fabriquer toutes sortes de vaisselle, ouvrages & bijoux d’or & d’argent.

Le terme d’orfevre a son étymologie dans les deux mots or & fabriquant, procédante & imitée du latin auri faber, fabriquant en or.

Les Orfevres se nomment Orfevres, Joyailliers, Bijoutiers : on entend assez communément par orfevre simple celui qui ne se mêle que de fabriquer ou vendre de la vaisselle d’argent ; par orfevre-bijoutier, celui qui vend ou fabrique les bijoux d’or ; & par orfevre-joyaillier, celui qui vend & met en œuvre les diamans, perles & pierres précieuses : le droit exclusif à tous autres qu’ont les Orfevres de monter & mettre en œuvre les diamans, leur a fait donner le surnom de metteur-en-œuvre.

Cet art a de tous les tems été considéré & protégé : dès que l’or & l’argent ont été connus, des artistes se sont formés pour employer ces précieux métaux, dont on n’a d’abord destiné l’usage qu’au service des temples, sur les autels des dieux, & à augmenter la splendeur des souverains ; mais les richesses s’étant accrûes, & le luxe avec elles, les Orfevres se sont multipliés, leur art s’est perfectionné, & dans le dernier siecle (pour nous conformer à l’expression de l’illustre écrivain qui nous en a tracé le tableau) de simples orfevres ont mérité de faire passer leurs noms à la postérité & de s’immortaliser, tels que les Germains & les Ballins, &c. & c’eût été en effet une injustice de refuser à ces grands hommes le tribut de louange qui leur étoit dû : ni eux, ni les artistes célebres qui les remplacent aujourd’hui, tels que les sieurs Roettiers & Germain, n’ont atteint ce haut degré de perfection où ils sont parvenus, qu’à force d’étude & de travaux : quoique nés avec un génie mâle, il leur a fallu d’abord savoir dessiner & modeler, joindre à ces premieres études celles de l’Architecture & de la Perspective, pour savoir donner à leurs ouvrages & de belles formes & de justes proportions. S’ils n’eussent été consommés dans ces sciences, bases de tous les arts, on n’eût jamais vû sortir de leurs mains ces productions savantes qui ont embelli leur patrie, orné les cours étrangeres, consacré la réputation de l’Orfevrerie de Paris, & décidé sa supériorité sur toutes les Orfevreries de l’univers. A ces connoissances qui eussent suffi pour faire un bon sculpteur, il leur en a encore fallu joindre d’autres détails, comme de savoir cizeler, graver, retraindre &c. toutes opérations méchaniques, mais

nécessaires pour parvenir à ces brillantes exécutions où se développe tout le goût de l’artiste, comme son génie se déploye dans la composition. La préparation de l’or & l’argent n’a pas été même pour eux un objet indifférent, en effet ces métaux renferment souvent dans leur sein des parties hétérogenes qui en alterent la pureté & la ductilité ; savoir les en dépouiller & les en allier en qualité & quotité convenables sont des fruits de l’étude de la Métallurgie & de la Docimasie, dont il convient qu’un orfevre soit instruit : que tout orfevre qui veut se distinguer sache que la réunion de toutes ces études firent les grands hommes que nous avons cités ce qu’ils parurent, & que cette carriere épineuse qu’ils remplirent avec honneur, est la seule que doivent courir ceux qui se proposent d’acquérir une gloire semblable à la leur.

Chaque orfevre a un poinçon à lui particulier, composé des lettres initiales de son nom, d’une devise, d’une fleur de lis couronnée, & de deux petits points, il lui sert comme de signature & de garantie envers celui qui achete les ouvrages de sa fabrique ; lors de sa reception à la cour des monnoies, il est obligé de donner une caution de 1000 liv. pour répondre des amendes qu’il pourroit encourir, s’il étoit surpris en contravention aux réglemens sur le titre des matieres ; ce poinçon est insculpé sur une planche de cuivre déposée au greffe de la cour des monnoies, & sur une autre planche de cuivre déposée au bureau des Orfevres, pour y avoir recours en cas de contestation, soit par voie de comparaison ou de rengrênement. Indépendamment du poinçon de chaque orfevre, il y a encore trois autres poinçons qui doivent être apposés sur les ouvrages de la fabrique de Paris ; savoir, le poinçon de charge, le poinçon de la maison commune, & le poinçon de décharge.

Tous ces poinçons s’appliquent en différens tems, & pour causes différentes : dès qu’un orfevre veut fabriquer une piece d’or ou d’argent, il l’ébauche au marteau ; il met alors son poinçon dessus, qui constate que cette piece est de sa fabrique ; il la porte ainsi revêtue de son poinçon au bureau du fermier des droits du roi, où il signe une soumission de rapporter cette piece lorsqu’elle sera finie, pour acquitter les droits, que le roi préleve dessus en vertu de ses édits & à raison du poids de ladite piece ; le fermier applique alors dessus cette piece un poinçon, que l’on appelle poinçon de charge, parce qu’il charge le fabriquant des obligations ci-dessus expliquées. La piece revêtue de ce second poinçon passe au bureau des Orfevres, appelle maison commune, les gardes orfevres, préposés pour la police du corps, & singulierement pour l’essai des ouvrages, coupent un morceau de cette piece du côté qu’il leur plaît, l’essayent, & si la matiere est trouvée au titre qui est de 11 deniers 12 grains pour l’argent au remede de 2 grains de fin, de 20 karats un quart pour l’or au remede d’un quart de karat, & de 22 karats un quart au remede pareillement d’un quart de karat pour les grands ouvrages d’or, comme chandeliers, lampes &c. ils apposent alors leur poinçon dessus : c’est ce poinçon qui est toujours une lettre de l’alphabet couronnée, laquelle change tous les ans, qui est le garant du titre des ouvrages ; ce poinçon est aussi insculpé sur une planche de cuivre au greffe de la cour des monnoies & au bureau des Orfevres lors de l’élection des gardes, lesquels sont responsables en leurs propres & privés noms de la sûreté de ce poinçon, & s’il y avoit erreur ou contravention, on les poursuivroit extraordinairement : aussi si l’ouvrage n’est pas au titre prescrit, les gardes biffent les deux premiers poinçons, déforment la piece, & la rendent en cet état au fabriquant, en lui délivrant un bordereau du titre auquel sa ma-