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corriger les fautes des traducteurs eux-mêmes, par la comparaison qu’il en faisoit avec l’original hébreu. Il s’y en trouvoit beaucoup de ces dernieres ; il y avoit des omissions, des additions, & des endroits très-mal traduits. La loi elle-même qui étoit pourtant ce qui avoit été traduit avec le plus de soin dans cette version, avoit plusieurs de ces défauts. Le reste en avoit encore bien davantage. Il vouloit donc remédier à tout cela, sans rien changer au texte original des Septante.

Pour cet effet, il se servit de quatre différentes especes de marques, déja en usage alors parmi les Grammairiens : l’obélisque, l’astérisque, le lemnisque, & l’hypolemnisque. L’obélisque étoit une ligne droite, comme une petite broche (–) ou comme une lame d’épée ; & c’est aussi de-là qu’elle prend son nom. L’astérisque étoit une petite étoile (*) ; le lemnisque étoit une ligne entre deux points (÷) ; & l’hypolemnisque, une ligne droite avec seulement un point dessous (—.).

L’obélisque lui servoit à marquer ce qu’il falloit retrancher dans les Septante, parce qu’il ne se trouvoit pas dans l’hébreu. L’étoile étoit pour ce qu’il y falloit ajouter, tiré de l’hébreu, & ces additions il les prenoit presque toûjours de la version de Théodotion ; ce n’étoit que quand il ne la trouvoit pas juste, qu’il avoit recours aux autres. Pour les lemnisques & les hypolemnisques, il s’en servoit, à ce qu’on croit, pour marquer les endroits où les traducteurs n’avoient pas attrapé le sens de l’original. Mais on n’a pas trop bien éclairci jusqu’à présent à quoi ces deux marques servoient précisément.

Enfin, pour montrer jusqu’où s’étendoit le retranchement d’un obélisque, ou l’addition d’une étoile, il avoit une autre marque qui, dans quelques exemplaires, sont deux points (:), &, dans quelques autres, un dard la pointe en bas (). Avec le secours de ces marques, on voyoit où finissoit ce qu’il y avoit de trop ou de trop peu, comme avec l’obélisque & l’étoile on voyoit où cela commençoit. Mais tout cela se fit sans rien changer dans la version originale des Septante. Car, en retranchant toutes ces marques & les additions des étoiles, vous aviez l’édition des Septante pure & simple, telle qu’elle étoit sortie des mains des traducteurs.

Voilà ce qu’on appelloit l’édition d’Origène, à cause des soins qu’il s’étoit donnés pour la corriger & la réformer. C’étoit un travail immense ; aussi lui fit-il donner le surnom d’Adamantius, qui veut dire infatigable ; & qui a été d’une grande utilité à l’Eglise. On ne sait pas au juste quand il mit la derniere main à cet ouvrage ; mais il y a apparence que ce fut l’an 250, quatre ans avant sa mort.

L’original de cette traduction fut mis dans la bibliotheque de l’église de Césarée en Palestine, où saint Jérôme le trouva encore long-tems après, & en tira une copie. Mais apparemment que les troubles & les persécutions que l’Eglise eut à essuyer dans ce tems-là furent cause qu’elle y fut bien cinquante ans, sans qu’il paroisse qu’on y songeât, jusqu’à ce que Pamphile & Eusebe l’y déterrerent, en prirent des copies, & firent connoître cette édition. Depuis lors on en connut le prix & l’excellence ; les copies s’en multiplierent, & se répandirent dans les autres églises. Enfin, elle fut reçue par-tout avec une approbation générale & de grands applaudissemens. Il arriva néanmoins que la grosseur de l’ouvrage, & la peine & la dépense qu’il falloit pour en avoir des copies complettes, la firent bien tôt tomber ; outre la dépense, il étoit embarrassant de faire copier tant de volumes, & très-difficile de trouver parmi les Chrétiens des copistes assez habiles pour écrire l’hébreu avec ses caracteres propres. Tout cela fut cause que la plûpart se contenterent de faire copier simple-

ment la cinquieme colonne, ou les Septante, avec

les étoiles, &c. qu’Origène y avoit mises ; parce qu’avec cela on avoit en quelque maniere l’abrégé de tout l’ouvrage. Ainsi il se fit très-peu de copies du grand ouvrage, & beaucoup de cette espece d’abrégé. Et comme en copiant il arrivoit souvent de ne pas marquer avec exactitude les étoiles, il s’est trouvé dans quantité de copies des Septante faites dans la suite, bien des choses supposées de cette version qui n’y étoient pas d’abord, & qui n’y sont entrées que par voie de supplément avec cette marque.

Cependant il y avoit encore plusieurs copies de l’ouvrage entier, tant de la tétraple que de l’hexaple, dans les bibliotheques, où on alloit les consulter jusqu’à ce que, vers le milieu du septieme siecle, l’inondation des Sarrasins dans l’orient ayant détruit les bibliotheques par-tout où ils passoient, on n’en a plus entendu parler. Il n’en est parvenu jusqu’à nous que quelques fragmens qu’ont recueillis Flaminius Nobilius, Drusius, & le pere Bernard de Montfaucon. Ce dernier dans un livre qu’il a publié, presqu’aussi gros que l’étoit l’hexaple, & d’une impression magnifique, nous avoit fait espérer beaucoup, & nous a donné fort peu de choses.

Pamphile & Eusebe qui découvrirent, vers la fin du troisieme siecle, l’hexaple d’Origène dans la bibliotheque de Césarée (ou, selon d’autres auteurs, qui l’apporterent de Tyr & la mirent dans cette bibliotheque) corrigerent sur cette édition la version des Septante telle qu’on l’avoit communément. Voyez Septante. (Le chevalier de Jaucourt.)

ORIGÉNISTES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) anciens hérétiques dont les abominations surpasserent celles des Gnostiques.

Saint Epiphane en parle comme d’une secte qui subsistoit encore de son tems, mais en très-petit nombre. Il semble qu’il fixe leur origine au tems du grand Origenes ; mais il ne dit pas que c’est de lui qu’ils ont tiré leur nom : au contraire il les distingue d’autres origénistes, auxquels il donne pour chef Origenes Adamantius. Il ajoute qu’à la vérité les premiers tiroient leur nom d’un certain Origencs, & par-là il fait connoître que ce n’étoit pas du grand Origenes. D’ailleurs S. Augustin dit expressément que c’en étoit un autre.

À l’égard de leur doctrine, tout ce que la modestie nous permet d’en dire, c’est qu’ils condamnoient le mariage ; qu’ils se servoient de plusieurs livres apocryphes, comme les actes de S. André, &c. & que pour excuser la publicité & l’énormité de leurs crimes, ils accusoient les Catholiques de faire la même chose en particulier.

Origénistes, suivant l’histoire ecclésiastique, étoient les sectateurs d’Origenes, qui soutenoient que J. C. n’étoit fils de Dieu que par adoption ; que l’ame des hommes existe, & a péché dans le ciel avant la création de leur corps ; que les tourmens des damnés ne seront point éternels, & que les démons seront enfin délivrés eux-mêmes des peines de l’enfer.

Saint Epiphane réfute amplement les erreurs de ce pere de l’Eglise ; mais il le fait, comme il en convient lui-même, avec trop de chaleur ; de sorte qu’il peut bien y avoir de l’exagération dans ce qu’il a dit du grand Origenes. Il paroît même que S. Jérôme & Théophile d’Alexandrie parlant de ce grand homme, n’ont point donné à leur zele les bornes convenables ; & sans doute, c’est la raison pour laquelle S. Jean Chrysostôme fut accusé lui-même d’être origéniste, comme n’ayant point déclamé avec assez de véhémence contre Origenes.

L’Origénisme fut adopté principalement parmi les moines d’Egypte & de Nitrie, qui avoient tiré di-