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te, & par conséquent elle n’en peut former la nature ou l’essence.

Le sentiment le plus commun parmi les théologiens catholiques, est que le péché originel n’est autre chose que la prévarication même d’Adam, qui nous est imputée intrinséquement, c’est-à-dire dont nous sommes réellement coupables, parce que nous l’avons commis en lui, en ce que toutes nos volontés étoient renfermées dans la sienne.

On n’est guere moins partagé sur la maniere dont se communique le péché originel.

Le pere Mallebranche déduit le péché originel de causes naturelles, & prétend que les hommes conservent dans leur cerveau toutes les traces & impressions de leurs premiers parens. Comme les animaux produisent leur semblable avec les mêmes traces dans le cerveau, & que ceux de la même espece sont sujets aux mêmes sympathies & antipathies, & qu’ils font les mêmes choses dans les mêmes occasions, de même, dit ce pere, nos premiers parens, après avoir transgressé le commandement de Dieu, reçurent dans leur cerveau des traces profondes par l’impression des objets sensibles, de sorte qu’il y a beaucoup d’apparence qu’ils aient communiqué ces impressions à leurs enfans.

Or, comme suivant l’ordre établi par la nature, les pensées de l’ame sont nécessairement conformes aux traces du cerveau, on peut dire qu’aussitôt que nous sommes formés dans le sein de notre mere, nous devenons infectés de la corruption de nos parens, puisqu’ayant dans notre cerveau des traces semblables à celles des personnes qui nous donnent l’être, il faut nécessairement que nous ayons les mêmes pensées & les mêmes inclinations par rapport aux objets sensibles ; par conséquent nous devons naître avec la concupiscence & le péché originel. Avec la concupiscence, supposé qu’elle ne consiste que dans l’effort naturel que les traces du cerveau font sur l’ame de l’homme pour l’attacher aux choses sensibles ; & avec le péché originel, supposé que ce péché ne soit autre chose que l’efficacité de la concupiscence, comme en effet, ce n’est autre chose que les effets de la concupiscence, considerés comme victorieux & maîtres de l’esprit & du cœur des enfans. Et il y a grande apparence, ajoute cet auteur, que le regne de la concupiscence, ou la victoire de la concupiscence, est ce qu’on appelle péché originel dans les enfans, & péché actuel dans les hommes libres. Recherch. de la vérité, l. II. c. vij. n. v.

Ce sentiment paroît fondé sur ce qu’enseigne S. Augustin, l. I. de nupt. ch. xxiv. Ex hac concupiscentiâ carnis tanquam filia peccati, & quando illi ad turpia consentitur, etiam peccatorum matre multorum, quæcumque nascitur proles originali est obligata peccato.

Parmi les anciens, quelques-uns, comme Tertullien, Apollinaire & d’autres, au rapport de S. Augustin, epist. lxxxij à Marcellin. ont cru que dans la génération l’ame des enfans provenant de celle de leurs parens, comme le corps des enfans provient de celui de leurs peres & meres, ceux-ci communiquoient aux premiers une ame souillée du péché originel.

D’autres ont pensé que le péché originel se communique, parce que l’ame que Dieu crée est par sa destination unie à un corps infecté de ce péché, à-peu-près comme une liqueur se gâte quand on la verse dans un vase infecté. On trouve quelques traces de cette opinion dans S. Augustin, l. V. contr. Julian. c. iv. ut ergo, dit ce pere, & anima caro pariter utrumque puniatur, nisi quodnascitur, renascendo emendetur, profecto aut utrumque vitiatum ex homine trahitur, aut alterum in altero, tanquam in vitiato vase corrumpitur :

ubi occulta justitia divinæ legis includitur. Mais il n’approuve ni ne désapprouve ce sentiment, & se contente de dire qu’il n’est pas contraire à la foi.

Enfin les théologiens catholiques qui font consister la nature du péché originel en ce que celui d’Adam est imputé à ses descendans, parce que toutes leurs volontés étoient contenues dans la sienne, en expliquent la propagation en disant que Dieu, par sa suprême volonté, a statué que toutes les volontés étant contenues dans celle d’Adam, elles se trouveroient toutes coupables du péché de ce premier homme, de même qu’elles auroient été justes, s’il n’eut point prévariqué.

Les effets du péché originel sont l’ignorance, la concupiscence ou l’inclination au mal, les miseres de cette vie, & la nécessité de mourir.

ORIGNAL, (Hist. nat.) grand animal quadrupede qui se trouve dans les parties septentrionales de l’Amérique. Quelques auteurs ont confondu cet animal avec celui, qu’on appelle renne ; mais de meilleurs observateurs nous disent qu’il ne differe de l’élan que par la grosseur qui égale celle d’un cheval. L’orignal a la croupe large, sa queue n’a qu’un pouce de longueur ; il a les jambes & les piés d’un cerf. Un long poil lui couvre le cou, le garot & le haut du jarret. Sa tête a environ 2 piés de long ; son mufle est gros & rabattu par le haut ; ses naseaux sont fort larges : son bois est beaucoup plus large que celui d’un cerf ; mais il est fourchu comme celui d’un daim : ce bois se renouvelle tous les ans. On prétend que cet animal est sujet à l’épilepsie, & comme dans ses accès il se gratte l’oreille de son pié de derriere, on en a conclu que sa corne étoit un spécifique contre cette maladie : on en vante les vertus contre les palpitations, les vertiges, la pleurésie, le cours-de ventre, &c. Le poil de l’orignal est mêlé de gris blanc & de rouge noir ; il conserve toujours une certaine élasticité, ce qui le rend très-propre à faire des matelas, &c. Sa chair est d’un très-bon goût : sa peau préparée est douce, forte & moëlleuse.

ORIGUÉLA, (Géog.) ou ORIHUELA, comme écrivent les Espagnols ; ville d’Espagne au royaume de Valence, avec un évêché suffragant de Valence. Elle est dans une campagne fertile, sur la riviere de Ségura, à 14 lieues N. E. de Carthagene, 14 S. O. de Valence. Long. 17. 2. lat. 37. 58.

Cette ville est ancienne, à ce que prétendent les Géographes, qui croient que c’est l’Orcelis de Ptolomée. En tout cas son évêché est moderne ; car il n’en est fait aucune mention dans les trois anciennes notices ecclésiastiques d’Espagne. Il y a lieu de penser que l’église d’Origuela fut fondée en collégiale l’an 1414, & érigée en cathédrale par Alphonse, cinquieme roi d’Arragon. Son gouvernement est indépendant de Valence, & sa jurisdiction s’étend sur environ 12 lieues de longueur & 6 de largeur. (D. J.)

ORILLON, s. m. en terme de Fortification, c’est une partie avancée du flanc vers l’épaule du bastion, qui est arrondie, & qui sert à couvrir le reste du flanc. Lorsque cette partie avancée est terminée par une ligne droite, on la nomme épaulement. Voyez Épaulement.

On fait des orillons arrondis, afin de couvrir davantage le flanc, de rendre les angles qui sont exposés aux batteries des ennemis plus forts, & qu’il y ait moins de parties qui puissent être battues perpendiculairement par une même batterie. On ne fait des orillons qu’aux places revêtues de maçonnerie, parce que la terre a trop peu de solidité pour qu’ils puissent se soutenir long-tems.

Les Ingénieurs avancent plus ou moins leur orillon. M. de Vauban l’avance de 5 toises, & M. de