Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/653

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nale ; mais qui se trouve placé de main d’homme presque partout dans ces différens pays, par le grand cas que l’on en fait. L’orme devient un très-gros & très-grand arbre, d’une tige droite, dont la tête est garnie de beaucoup de rameaux, & dont les racines s’étendent au loin entre deux terres. Son écorce, qui est roussâtre, se couvre, dès sa jeunesse, de rides & d’inégalités qui augmentent avec l’âge. Sa fleur, qui n’a nul agrément, paroît au mois de Mars, & bientôt elle est remplacée par une follicule arrondie, membraneuse, plate & fort legere, qui contient dans son milieu une petite graine, dont la maturité s’accomplit dès le commencement de Mai : circonstance particuliere & remarquable dans l’orme, dont on recueille les graines avant la venue des feuilles. En effet, elles ne commencent à se développer que dans le tems de la chute des semences. Ses feuilles sont ovales, dentelées, sillonnées en-dessus, & relevées de fortes nervures en-dessous : elles sont fermes, rudes au toucher, & d’un verd brun.

Cet arbre, par la stature, par le volume & l’utilité de son bois, a mérité d’être mis au nombre des arbres qui tiennent le premier rang dans les forêts. On convient que le chêne & le chataigner lui sont supérieurs à juste titre ; mais le bois de l’orme convenant particulierement à certains ouvrages, il est d’un plus grand prix que le bois de chêne & de chataigner, ce qui fait que ces trois sortes d’arbres sont à peu-près dans un même degré d’estime.

L’orme se plaît dans un terrein plat & découvert, bas & aqueux ; dans les lames noires & humides, dans les glaises mêlées de limon, & sur-tout dans les terres douces & fertiles, pénétrables & humides, où le pâturage est bon, & particulierement le long des chemins, des ruisseaux & des rivieres. On le voit aussi réussir souvent dans les craies humides mêlées de glaise, dans les terres mêlées de sable & de gravier où il y a des suintemens d’eau. Il se contente d’un sol médiocre & de peu de profondeur, & il vient assez bien dans toute sorte de terreins ; mais il ne profite pas dans les terres trop seches, trop sablonneuses & trop chaudes, ni dans celles qui sont trop froides & trop spongieuses, & il croît bien lentement dans la glaise pure, & dans les terres trop fortes & trop dures.

Il est très-aisé de multiplier cet arbre. On peut le faire venir de graine, de rejetton, de branche couchée, de bouture & de racine : on peut aussi le greffer. Ce dernier expédient ne s’emploie que pour multiplier les especes d’ormes rares & curieuses. Si l’on veut se servir des racines, c’est une foible ressource qui exige beaucoup de travail. Les boutures demandent aussi des préparations sans pouvoir remplir l’objet en grand. Les branches couchées supposent des arrangemens donnés. Les rejettons sont la voie la plus courte, quand on se trouve a portée de s’en procurer. Mais la semence, quoique le moyen le plus long, est cependant le plus convenable pour fournir une pépiniere, & obtenir un grand nombre de plants.

Si l’on prend le parti de semer, il faut recueillir la graine lorsqu’elle commence à tomber, ce qui arrive ordinairement entre le 10 & le 20 de Mai. Elle est plus parfaite, & il vaut beaucoup mieux la ramasser après sa chûte : mais on ne peut guere se servir de cet expédient que quand on est à portée d’un assez grand nombre d’ormes rassemblés ; car quand il n’y en a qu’une petite quantité, le vent disperse les graines de façon, qu’il est presqu’impossible de les amasser. Il faudra l’étendre & la laisser sécher à l’ombre pendant quelques jours. On disposera des planches de quatre piés de largeur dans une bonne terre de potager, grasse, meuble & cultivée de longue main. On y formera sur la longueur avec la

pioche des rayons à-peu-près comme si l’on vouloit sémer des épinards. On espacera ces rayons de six ou huit pouces les uns des autres, afin d’avoir la facilité de sarcler avec la binette. On y répandra la graine d’orme uniformément & assez épais. On la recouvrira ensuite légerement avec la main d’un terreau très-fin, très-léger & bien criblé, d’un doigt d’épaisseur au plus : puis on humectera largement toute la planche, mais avec tel ménagement que la terre ne soit pas battue : car ici l’objet principal est de donner à cette graine toutes les facilités pour lever : elle est petite, & d’ailleurs entravée par une membrane, ensorte qu’on ne sauroit apporter trop de soin à ce premier arrangement qui décide du succès. Enfin, on laissera la planche en cet état sans la niveller, afin que les sillons, en retenant l’eau des pluies ou des arrosemens, puissent conserver plus de fraîcheur. Il faudra répéter deux fois par semaines les arrosemens, selon la sécheresse, & sarcler au besoin. Les graines leveront en moins de quinze jours, & la plupart auront en automne depuis un pié jusqu’à deux de hauteur. On pourra dès cette premiere année tirer à la main les plants les plus forts pour les mettre en pepiniere ; mais ce ne sera qu’après la seconde année qu’il faudra tout transplanter. L’ormille aura alors trois ou quatre piés de haut. On pourra y travailler dès l’autonne, ou bien attendre le printems, si la terre est grasse & humide. Il faut qu’elle soit meuble & en bon état de culture. On réduit l’ormille à un pié, & on accourcit les racines. On la plante avec un gros piquet en rangée de deux piés, où les plants sont espacés à quatorze ou quinze pouces. Rien à y faire cette premiere année qu’une légere culture pour détruire les mauvaises herbes. L’année suivante on retranchera avec beaucoup de ménagement les branches latérales, c’est-à-dire, en bien petite quantité, & à proportion que l’arbre se soutient de lui même ; mais il ne faut faire cette petite taille qu’à ceux qui marqueront de la disposition à former une tige droite. Quant à ceux qui se chiffonnent, ce qui n’arrive que trop, il faudra les laisser aller jusqu’au printems de la troisieme année. Alors point de meilleur parti à prendre que de les couper entierement jusqu’à un pouce de terre : c’est le seul moyen de les faire profiter. Ils s’éleveront dès cette même année au double de la haûteur qu’ils avoient, & prendront naturellement une tige droite. Au bout de trois autres années, ils auront communément deux pouces de diametre, & seront en état d’être transplantés à demeure.

En se servant des rejettons mis en pepiniere, & conduits comme on vient de le dire, on gagnera deux années ; ensorte qu’au bout de cinq ans ils seront propres à la transplantation. Ces rejettons se trouvent soit au pié des vieux ormes, soit dans les places où l’on a arraché de gros arbres de cette espece, ou bien on pourra s’en procurer en faisant ouvrir la terre sur les racines des gros arbres.

Si l’on veut multiplier l’orme en couchant ses branches, cette méthode prendra autant de tems que si on les faisoit venir de graine. Les branches couchées n’auront qu’au bout de deux ans des racines suffisantes pour être mises en pépiniere, où on les conduira comme les plants venus de semence. Voyez Marcotter.

Pour faire venir l’orme de bouture, il faut autant de tems que de semence ; mais le double de travail. On ne doit se servir de cet expédient que quand on ne peut faire autrement. Voyez sur la façon de faire ces boutures le mot Meurier.

On peut élever des ormes par le moyen des racines. Il faut les couper de huit ou dix pouces de longueur, les choisir de la grosseur du doigt pour le