Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/708

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le rendre au cœur. C’est ainsi que s’acheve la circulation dans ces animaux : voilà comment les veines du poumon deviennent arteres, pour animer & nourrir la tête & le reste du corps ; mais ce qui augmente la singularité, c’est que ses veines mêmes des poumons, sortant de la gouttiere des côtes par leur extrémité qui regarde la paroi, conservent la tunique & la fonction des veines, en rapportant dans le réservoir de tout le sang veinal une portion du sang artériel qu’elles ont reçue des arteres du poumon. Comme le mouvement des machoires contribue aussi à la respiration des poissons, il ne sera pas hors de propos de faire remarquer que la supérieure est mobile, qu’elle est composée de plusieurs pieces, qui sont naturellement engagées les unes dans les autres, de telle maniere qu’elles peuvent, en se déployant, dilater & alonger la machoire supérieure. Toutes les pieces qui servent à la respiration de la carpe, montent à un nombre si surprenant, qu’on ne sera pas faché d’en voir ici le dénombrement. Les parties osseuses sont au nombre de 4386 ; il y a 69 muscles : les arteres des ouies, outre leurs huit branches principales, jettent 4320 rameaux, & chaque rameau jette de chaque lame une infinité d’arteres capillaires transversales, dont le compte passe de beaucoup tous ces nombres ensemble. Il y a autant de nerfs que d’arteres ; les ramifications des premiers suivent exactement celles des autres ; les veines, ainsi que les arteres, outre leurs huit branches principales, en jettent 4320, qui sont des simples tuyaux, & qui, à la différence des rameaux des arteres, ne jettent point de vaisseaux capillaires transversaux. Quelque longue que soit la description que nous venons de transcrire, elle est si intéressante, que nous espérons n’avoir pas fatigué le lecteur.

Le sang qui est rapporté de toutes ces parties du corps des poissons, entre du réservoir où se dégorgent toutes les veines, dans l’oreillette, de-là dans le cœur, qui par sa contraction le pousse dans l’aorte, & dans toutes les ramifications qu’elles jettent sur les lames de l’ouie, & comme à sa naissance elle est garnie de plusieurs colonnes charnues fort épaisses, qui se resserrent immédiatement après ; elle seconde & fortifie par sa contraction l’action du cœur, qui est de pousser avec beaucoup de force le sang dans les rameaux capillaires transversaux situés de part & d’autre sur toutes les lames des ouies. On a déja observé que cette artere & ses branches ne parcouroient de chemin que depuis le cœur jusqu’à l’extrémité des ouies, où elles finissent ; ainsi, ce coup de piston redoublé doit suffire pour pousser le sang avec impétuosité dans un nombre infini d’artérioles, si droites & si régulieres, où le sang ne trouve point d’autre obstacle que le simple contact, & non le choc & les reflexions, comme dans les autres animaux, où les arteres se ramifient en mille manieres, sur-tout dans leur derniere subdivision : voilà pour ce qui concerne le sang dans le poumon. Voici comment s’en fait la préparation : les particules d’air qui sont dans l’eau, comme l’eau est dans une éponge, peuvent s’en dégager en plusieurs manieres. 1. Par la chaleur, ainsi qu’on le voit dans l’eau qui bout sur le feu. 2. Par l’affoiblissement du ressort de l’air qui presse l’eau où les particules d’air sont engagées, comme on le voit dans la machine du vuide. 3. Par le froissement & l’extrème division de l’eau, sur-tout quand elle a quelque degré de chaleur. On ne peut douter qu’il n’y ait beaucoup d’air dans tout le corps des poissons, & que cet air ne leur soit fort nécessaire. Diverses expériences faites dans la machine du vuide le prouvent, & montrent en même tems que l’air qui est mêlé dans l’eau a la principale part à la respiration des poissons ; on remarque aussi que

lorsque la surface des étangs est gelée, les poissons qui sont dedans meurent plus ou moins vîte, suivant que l’étang a plus ou moins d’étendue ou de profondeur ; & quand on casse la glace dans quelque endroit, les poissons s’y présentent avec empressement pour respirer cette eau impregnée d’un nouvel air. Ces expériences prouvent manifestement la nécessité de l’air pour la respiration des poissons. Voyons maintenant ce qui se passe dans le tems de cette respiration. La bouche s’ouvre, les levres s’avancent ; par-là la concavité de la bouche est alongée, la gorge s’enfle ; les couvercles des ouies, qui ont le même mouvement que les pannaux d’un soufflet, s’écartant l’un de l’autre, se voutent en-dehors par leur milieu seulement, tandis qu’une de leurs pieces qui joue sur une espece de genou tient fermées les ouvertures des ouies, en se soulevant toutefois un peu, sans permettre cependant à l’eau d’entrer, parce que la petite peau qui borde chaque couvercle, fermant exactement l’ouverture des ouies, tout cela augmente & élargit en tous sens la capacité de la bouche, & détermine l’eau à entrer dans sa cavité, de même que l’air entre par la bouche & les narines, dans la trachée artere & les poumons ; par la dilatation de la poitrine dans ce même tems, les côtés des ouies s’ouvrent en s’écartant les uns des autres, leur ceintre est élargi, le sternum est écarté en s’éloignant du palais, ainsi tout conspire à faire entrer l’eau en plus grande quantité dans la bouche. C’est ainsi que se fait l’inspiration des poissons ; ensuite la bouche se ferme, les levres, auparavant alongées, s’accourcissent, sur-tout la supérieure, qui se plie en évantail, la levre inférieure se colle à la supérieure, par le moyen d’une petite peau en forme de croissant, qui s’abat comme un rideau de haut en bas qui empêche l’eau de sortir, le couvercle s’applatit sur la baie de l’ouverture des ouies. Dans le même tems les côtes se serrent les unes contre les autres, leur ceintre se retrécit, & le sternum s’abat sur le palais ; tout cela contribue à comprimer l’eau qui est entrée par la bouche, elle se présente alors pour sortir par tous les intervalles des côtés, & par ceux de leurs lames, & elle y passe comme par autant de filieres ; par ce mouvement la bordure membraneuse des couvercles est relevée, & l’eau pressée s’échape par cette ouverture. C’est ainsi que se fait l’expiration dans les poissons ; on voit donc par-là que l’eau entre par la bouche, & qu’elle sort par les ouies par une espece de circulation, entrant toujours par la bouche, & sortant toujours par les ouies, tout au contraire de ce qui arrive aux animaux à quatre piés, dans lesquels l’air en sort alternativement par la même ouverture de la trachée-artere. Il y a encore divers usages des ouies par rapport à la route du sang, & à la préparation qu’il y reçoit, sur lesquels nous renvoyons à la piece d’où cet article est tirée, & qui se trouve dans les mémoires de l’acad. roy. des Sciences, an. 1704. p. 294. édit d’Amst.

Ouïe, (Séméiotiq.) les dérangemens qui arrivent dans l’exercice de ce sens sont souvent l’effet d’une maladie plus grave, ou de quelque altération survenue dans toute l’économie animale ; cet effet peut servir dans certains cas de signe pour remonter à la connoissance des causes. L’ouïe peut cesser d’être dans l’état naturel, ou par une augmentation excessive, ou par une abolition totale, ou par une dépravation quelconque, la perte absolue ou la très grande diminution de l’ouïe est connue sous le nom particulier de surdité, nous renvoyons à cet article l’exposition des signes que cet état fournit dans le cours des maladies aiguës. Voyez Surdité. Nous allons indiquer en peu de mots les lumieres qu’on peut tirer des autres vices de ce sens sans entrer