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qu’une princesse du sang de France qui alloit à Jérusalem, fut prise par des corsaires, présentée à Soliman, devint sultane favorite, & obtint du sultan qu’il qualifieroit le roi de padischah, & donneroit à ses ambassadeurs le pas sur tous les ministres étrangers.

Le prince Démétrius Cantimir qui rapporte cette histoire, ne balance pas à la traiter de fable ; & en effet il ne s’en trouve aucune trace ni dans les historiens, ni dans les généalogistes. Vican observe que ce titre, qu’il écrit podeshair, fut obtenu par surprise par les François ; mais il s’est fondé sur la tradition populaire dont nous venons de parler. Il suffit de penser que le grand seigneur accorde ce titre au roi en considération de sa puissance, du rang qu’il tient dans le monde, & de la bonne intelligence qui regne entre la cour de France & la porte Ottomane.

PADŒI, (Géog. anc.) peuples de l’Inde, selon Hérodote, liv. III. ch. lxix. qui dit qu’ils se nourrissoient de chair crue. Tibulle fait aussi mention de ces peuples, liv. IV. éleg. I. v. 145.

Ultima vicinus Phœbo tenet arva Padœus.

PADOLIM, (Hist. nat. Botan.) plante des Indes orientales, qui produit une fleur blanche, ainsi qu’un fruit assez agréable qui ressemble à un concombre.

PADOU, s. m. (Rubanier.) espece de ruban fait de soie & de fleuret, qui sert à border des jupes, robes & autres habillemens de femmes. Les Tailleurs en emploient aussi dans plusieurs ouvrages de leur métier.

Il y a des padous de toute sorte de couleurs, & même de plusieurs largeurs, qui sont distingués par des numeros 2. 3. & 5.

Le n°. 2 a 9 lignes de largeur.

Le n°. 3 est large de 15 lignes.

Le n°. 5 est d’un pouce & demi.

Le dernier numero qui n’est désigné par aucun chifre, a au moins trois pouces & demi de largeur : c’est le plus large de tous les padous. Les padous contiennent ordinairement 24 aunes la piece.

PADOUE, (Géog. mod.) ancienne & célebre ville d’Italie, capitale du Padouan, qui est une contrée de l’état de Venise, avec une université fondée par Charlemagne, & un évêché suffragant d’Aquilée.

Padoue se nomme en latin Patavium, & en italien Padoua. Les Romains lui accorderent le droit de bourgeoisie, & le pouvoir de choisir ses sénateurs. Elle fut ruinée par Attila. Narcès l’ayant rétablie, les Lombards la détruisirent. Cependant elle jouissoit de sa liberté du tems de Charlemagne & de ses successeurs ; mais la république de Venise s’empara de Padoue & du Padouan au commencement du xv. siecle, & depuis ce tems-là les Venitiens en sont restés les maîtres.

Quoique Padoue se trouve dans le terroir le plus fertile de l’Italie, elle est triste, sale, mal peuplée, mal bâtie, mal pavée. Elle est sur les rivieres de la Brenta & de Bachiglione, à 8 lieues S. E. de Vicence, 86 S. O. de Venise, 90 N. de Rome. Long. suivant Cassini, 29. 36. lat. 45. 28.

Cette ville toute pauvre qu’elle est, a produit de tout tems des gens de lettres illustres. Thomasini vous en instruira dans son Parnasse padouan. Il a lui-même donné deux ouvrages latins estimés, l’un sur l’hospitalité, & l’autre sur les tableaux votifs.

Il auroit bien fait de ne pas oublier dans son recueil Sperone, Speroni, poëte de Padoue, mort en 1688 à l’âge de 84. ans. Il mit au jour une tragédie intitulée Canacée, qui peut passer pour une des meilleures pieces dramatiques écrites en italien. Cependant l’action de cette tragédie révolta les beaux esprits

d’Italie, parce que Canacée y commet un inceste avec son frere ; mais on a été obligé de condamner la délicatesse italienne, quand on a lu la défense que l’auteur écrivit pour justifier le choix de son sujet ; car la destinée de Canacée est semblable à celle de Phedre.

L’article de Pignorius (Laurent) méritoit, dans le parnasse de Thomasini quelques détails choisis, parce qu’il se distingua, comme antiquaire, dans le xvij. siecle. Il mourut de la peste en 1631 à l’âge de 60 ans. On a de lui un traité complet de servis, eorumque apud veteres ministeriis.

Enfin pourquoi Thomasini obmet-il dans sa liste la fameuse Andreini (Isabelle), née à Padoue sur la fin du xvj. siecle ? Ce fut une des plus belles, des plus spirituelles & des meilleures comédiennes qu’ait eu l’Italie. Elle parloit bien le françois & l’espagnol, chantoit à ravir, & jouoit admirablement des instrumens. Pour completer son éloge, elle s’illustra par de charmantes poésies imprimées plusieurs fois à Milan & à Venise, & les académiciens de Pavie se firent un honneur d’agréger cette illustre virtuosa à leur corps. Comme belle & excellente actrice, elle charmoit sur le théâtre & les yeux & les oreilles en même tems. La France vouloit se la procurer, lorsqu’elle mourut d’une fausse couche à Lyon en 1604, dans la quarante-deuxieme année de son âge. Tout le Parnasse en fut en pleurs.

Mais Padoue tirera toujours sa plus grande gloire d’avoir été la patrie d’Asconius Pedianus & de Tite-Live.

Asconius Pedianus le jeune, excellent grammairien, vivoit sous l’empire d’Auguste, & fut ami particulier de Virgile & de Tite-Live son compatriote. C’est à lui que l’on attribue sur diverses harangues de Cicéron, plusieurs remarques qu’il avoit écrites pour ses enfans, & qui lui acquirent beaucoup d’estime. Nous avons perdu une partie de cet ouvrage. Servius expliquant dans la troisieme églogue ces vers :

Dic quibus in terris, & eris mihi magnus Apollo ;
Tres pateat cœli spatium non amplius ulnas.

Asconius Pedianus, ajoute-t-il, assure avoir ouï dire à Virgile même, que ces paroles donneroient la torture à tous les grammairiens.

Pline cite Asconius entre les auteurs dont il s’étoit servi pour composer le huitieme livre de son histoire naturelle. La famille Ascania étoit illustre à Padoue, & fut surnommée Pediana. Elle avoit produit des hommes de mérite, entr’autres Asconius Gabinus Modestus, qui fut proconsul, & qui eut l’administration des finances.

Tite-Live naquit à Padoue l’an de Rome 685, & mourut l’an 770 de la fondation de cette ville. Gronovius a donné une excellente édition de ses œuvres, Amst. 1693, trois vol. in-8°. & M. Crevier, Paris, 1733, in-4°. Je me propose de parler ailleurs du mérite de cet excellent historien. Cependant Asinius Pollion prétendoit que le style de Tite-Live se ressentoit de son pays, & qu’on voyoit bien qu’il étoit né à Padoue. Si ce jugement n’est point une injustice de la part de ce fameux romain, il faut avouer que nos plus fins critiques modernes seroient fort embarrassés de découvrir cette patavinité du style de Tite-Live, & qu’ils sont bien éloignés de se connoître en langue latine.

« Mais que de choses ne pourrois-je pas dire sur le mérite particulier de cet illustre auteur ! N’avez-vous jamais lu qu’un citoyen de Cadix, charmé de la réputation & de la gloire de ce grand homme, vint des extrémités du monde pour le voir, le vit, & s’en retourna. Il faut être sans goût, sans littérature, sans émulation, peu s’en