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L’usage des paraphernaux ou biens paraphernaux, vient des Grecs, le mot paraphernal étant composé de deux mots grecs, παρὰ, præter, & φερνή, dos, quasi bona quæ sunt præter dotem.

Ulpien dans la loi, si ergo, de jure dot. remarque que les Gaulois appelloient pecule de la femme, peculium, les mêmes biens que les Grecs appelloient parapherna.

Ce même jurisconsulte ajoute qu’à Rome la femme avoit un petit registre des choses qu’elle avoit apportées dans la maison de son mari, pour son usage particulier ; sur lequel le mari reconnoissoit que sa femme, outre sa dot, lui avoit apporté tous les effets mentionnés sur ce registre, afin que la femme pût les reprendre après la dissolution du mariage.

Aulugelle, lib. VII. ch. vj. dit qu’à Rome les femmes avoient trois sortes de biens ; savoir, dotaux, paraphernaux, & les biens particuliers appellés res receptitias, quas neque dabant ut dotem, neque tradebantur parapherna, sed apud se retinebant.

Le mari étoit le maître de la dot, il étoit seulement possesseur des paraphernaux, & n’en jouissoit qu’autant que sa femme le lui permettoit ; quant aux biens particuliers appellés res receptitias, il n’en avoit ni la propriété, ni la possession.

Tel étoit le droit observé dans les mariages qui se contractoient per usum ; mais dans ceux qui se faisoient per coemptionem, le mari achetant solemnellement sa femme, achetoit aussi conséquemment tous ses biens, lesquels en ce cas, étoient tous reputés dotaux : il n’y avoit point de paraphernal.

On ne pratique plus, même en pays de droit écrit, la distinction des biens appellés res receptitias ; tous les biens de la femme y sont dotaux ou paraphernaux, au lieu qu’en pays coutumier, tous biens sont reputés dotaux ; car les biens que la femme se stipule propres, ne sont pas des paraphernaux : cette stipulation de propres n’a d’autre effet que d’empêcher que le fond de ces biens n’entrent en communauté.

Tous les biens présens & à venir que la femme n’a pas compris dans sa constitution de dot, sont reputés paraphernaux, soit qu’elle les eût lors de son mariage, ou qu’ils lui soient échus depuis.

On distingue néanmoins deux sorte, de paraphernaux.

Les uns sont les biens dont la femme, par contrat de mariage, s’est réservée la jouissance & la disposition : ce sont là les véritables paraphernaux.

Les autres sont tous les biens qui viennent à la femme pendant le mariage, soit par succession, donation ou autres, voyez Légitime. On appelle ceux-ci, pour les distinguer des autres, biens adventifs, & la coutume d’Auvergne les appelle biens adventices ; mais ils ne laissent pas d’être compris sous le terme général de paraphernaux.

Les biens paraphernaux peuvent consister en meubles ou en immeubles.

S’ils consistent en meubles, ou effets mobiliers qui ne soient point au nom de la femme, tels que pourroient être des billets & obligations, la femme en les apportant dans la maison de son mari, doit lui en faire signer un état, pour justifier qu’ils lui appartiennent ; car de droit tout est présumé appartenir au mari, s’il n’y a preuve au contraire.

La femme peut se réserver l’administration de ses paraphernaux, & en jouir par ses mains, sans le consentement ni l’autorisation de son mari ; elle peut aussi les engager, vendre & aliéner sans lui, pourvû qu’elle ne s’oblige que pour elle-même.

Ce que l’on vient de dire reçoit néanmoins une exception, pour les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, dans lesquels la femme peut bien administrer ses paraphernaux, sans le consentement de son mari, mais elle ne peut disposer, vendre, en-

gager, ou donner la propriété sans le consentement de son mari : elle ne peut même, sans son autorisation, intenter aucune action pour raison des jouissances de ses paraphernaux, soit adventifs ou autres.

Quand le mari ne s’est point immiscé dans l’administration des paraphernaux, il n’en est point responsable. La femme peut lui en confier l’administration, & dans ce cas le mari n’étant que mandataire de sa femme, il est comptable envers elle de son administration.

Mais le mari ne peut s’immiscer dans cette administration contre la volonté de sa femme, & celle-ci est tellement maîtresse de ce genre de biens qu’elle peut agir en justice pour en faire le recouvrement, & pour les autres actes conservatoires, sans qu’elle ait besoin de l’autorisation ni de l’assistance de son mari.

On distingue pourtant entre la propriété & les fruits & revenus. Le mari ne peut disposer de la propriété des paraphernaux, sans le consentement exprès de sa femme ; à l’égard des fruits & revenus, le consentement tacite de la femme suffit, parce que le mari est procureur né de sa femme.

Le débiteur des sommes paraphernales peut payer au mari, sur un mandement de la femme, sans qu’il soit besoin que celle-ci ratifie ; il suffit même qu’elle ait remis à son mari ses titres de créances, pour l’autoriser à en faire le recouvrement.

Lorsque le mari a l’administration des paraphernaux, s’il en a employé les revenus à l’entretien de sa famille, il n’en doit aucune restitution à sa femme ; mais s’il en a fait des épargnes, il doit lui en tenir compte.

Les docteurs font néanmoins plusieurs distinctions à ce sujet, entre les fruits naturels, les fruits industriaux & les fruits civils, les fruits extans & fruits consumés ; mais cette discussion nous meneroit ici trop loin, on peut voir toutes ces questions dans le recueil de M. Bretonnier, où il examine les diverses opinions des docteurs à ce sujet, & la jurisprudence des divers parlemens.

Pour ce qui est de l’hypotheque de la femme, pour la restitution des paraphernaux, elle a lieu du jour du contrat de mariage, quand elle y est stipulée, autrement ce n’est que du jour que le mari a reçu les deniers.

La coutume de Normandie, article 394, dit que la femme qui renonce à la succession de son mari, doit avoir ses paraphernaux & son douaire.

L’article suivant dit que les paraphernaux se doivent entendre des meubles servans à l’usage de la femme, comme lits, robes, linges & autres de pareille nature, dont le juge fera honnête distribution à la veuve, eu égard à sa qualité & à celle de son mari, l’héritier & le créancier appellés, pourvû que ces biens n’excedent pas la moitié du tiers des meubles, & où le meuble seroit si petit, qu’elle aura son lit, sa robe & son coffre.

La jurisprudence du parlement de Rouen a fixé ce paraphernal à la valeur du sixieme des meubles.

Ce paraphernal de Normandie est fort hétéroclite ; mais nous avons deux coutumes, savoir celles d’Auvergne & de la Marche, qui admettent les véritables paraphernaux tels qu’ils ont lieu dans les pays de droit écrit ; ce qu’il y a seulement de singulier, c’est que ces coutumes qui sont sous le ressort du parlement de Paris, autorisent la femme à disposer de ses paraphernaux sans l’autorité de son mari, tandis que dans les pays de droit écrit de ce même parlement, la femme ne peut pas le faire sans l’autorisation de son mari, quoique les lois romaines lui en donnassent la liberté. Voyez au code le titre de pactis conventis ; le recueil de Bretonnier, & l’auteur des maximes journalieres au mot paraphernaux, & Argout, titre de la dot, &c. (A)