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sons dans une marée, que cinquante parcs de bois & de filets ne feroient, le terrein occupé par ces pêcheries suffisant seul à un grand nombre de parcs. Voyez nos Planches de Pêche.

Il y a des bouchots qui ont une construction différente.

Le clayonnage du fond, qui est au gorre ou à la passe de la pêcherie, a de même une tonne, gonne ou bourgne. Cette tonne ou gonne se démonte, est quarrée & montée sur un chassis, en sorte que le pêcheur propriétaire ou fermier du bouchot, la change ou l’enleve quand il lui plaît. Elle a cinq ou six piés de haut & trois à quatre de large ; la forme de l’embouchure d’un entonnoir tronqué. L’on en gorge l’ouverture d’une nasse qu’on appelle boulet. Le boulet est au bout de la gonne, ou bourgne ; & au bout du boulet on adapte une autre nasse plus petite, qu’on nomme boutron. Les osiers ou tiges qui forment ces nasses sont fort serrés. Les nasses sont entonnées les unes dans les autres. On bouche ensuite le boulet ou boutron avec une torque ou un tampon de paille.

La bourgne est amarrée au gorre ou à la passe, ou égoût du bouchot. Il y a encore de chaque côté un pieu auquel elle est saisie. Les boulets ou boutrons sont aussi pris & resserrés entre deux pieux, & le bout de la derniere nasse ou du boutron est soutenu d’un petit pieu ou d’une pierre.

Voilà la pêcherie la plus nuisible : le frai y entre, n’en sort plus, & périra ou sur les vases ou dans les nasses ou boutrons.

Les pêcheurs des écluses de bois ou bouchots n’ôtent la gonne à leur pêcherie que dans les grandes gelées, parce qu’alors le poisson gagne les grands fonds, & ils ne prennent que des plus petits qui s’enfouissent dans les vases sur lesquelles les bouchots sont placés. Ils cessent encore de pêcher depuis la S. Jean jusqu’à la S. Michel, à cause des araignées de mer & des ordures qui portées à la côte nuiroient plus qu’elles ne profiteroient à leurs pêcheries, s’ils les tenoient fermées. Les pêcheurs de basse-Normandie sont dans le même usage.

En obligeant ces pêcheurs de tenir ouvertes leurs pêcheries depuis le 1 Mai jusqu’au dernier Septembre, en cas qu’on ne les supprime pas tout-à-fait, on ne leur fera garder la police de l’ordonnance qu’un mois de plus.

Les bouchots de Champagne, dans l’amirauté de Poitou, ou des sables d’Olonne, ont au-moins chacun trois gorres, passes ou égoûts, ou bourgnes ou bourgnins, dont le bout finissant en pointe, entre dans la nasse appellée boutet, & le bout du boutet s’enguaîne aussi dans une plus petite nasse ou boutron ; & les lignes de bois qui forment ces derniers paniers sont si serrés que rien n’en peut échapper. Ajoutez à cet inconvénient l’étendue de ces pêcheries.

Le bout tronqué des bouchots à trois bourgnes a environ huit à dix piés de large. Le bout tronqué des bouchots à quatre bourgnes, est d’environ douze à treize piés. Les bourgnes sont ordinairement éloignées les unes des autres de deux cens brasses ; les aîles, pannes ou côtés en peuvent avoir soixante, quatre-vingt, cent de longueur. Les pieux du clayonnage sont environ de quatre piés hors de terre vers le rivage, & de cinq piés dans le fond à la mer : ils différent beaucoup en cela des bouchots de la baie de Cancale, qui sont très-élevés vers le fond ou à la bourgne. Les bouchots de Champagne ont d’ailleurs trois à quatre bourgnes, & ceux de Cancale n’en ont jamais qu’une.

Ces bouchots sont en très-grand nombre sur la côte, & très-irrégulierement distribués. Les fermiers y pêchent avec acons, la seule espece de bateaux

plats qui puissent aller à leurs parcs posés sur un fond de vase. Les pannes, rangs ou côtés des clayonnages, ont aussi des mouliers ; ce qui est fort avantageux aux riverains, qui par la vente de ce coquillage sont en état de satisfaire à l’imposition, à leurs maîtres, & d’entretenir la pêcherie qui coûte beaucoup parce que le bois est rare.

Il y a des bouchots à claire voie dans l’amirauté de Coutance d’une structure particuliere. Ils sont formés de pieux hauts de trois piés au plus, vers l’angle de la pêcherie ; à mesure qu’ils approchent de l’égoût ou gorre, ils s’élevent davantage. Il y a entre eux quatre à cinq piés de distance ; ils ont deux à trois pouces de diametre. Leurs intervalles sont alors d’un clayonnage dont les tiges sont écartées de dix-huit à vingt lignes, & ne sont arrêtées que par des osiers. Ainsi il n’y peut rester que de gros poisson.

Ces pêcheries n’ont point de benastres. Il y a seulement en-dedans une espece d’étranglement placé vers l’ouverture qui en est resserrée. Il commence à sept ou huit piés de gorre, formé d’un petit clayonnage haut tout au plus de dix-huit pouces, & seulement un peu plus serré que celui des aîles ou côtés.

Nous avons souvent parlé de bourgnes. Il y a des pêcheries qui s’appellent aussi borgnes, ou bornets ou bourgnets, parce qu’elles ont une ouverture non-fermée du côté de la mer, ce en quoi elles different des bouchots qui ont une gonne, tonne ou gonastre, ou benastre de clayonnage. A la place de ces instrumens, c’est un guideau d’une hauteur double du clayonnage vers le fond. Le sac de ce guideau est monté sur des perches de dix à douze piés de haut que les pêcheurs enfoncent dans la vase sur laquelle leur pêcherie est établie.

Parcs hauts et bas parcs, terme de Pêche, sorte de pêcherie particuliere aux habitans de S. Valeri en Somme. Pour la faire ils vont dans leurs gobelettes à la fin du Jussant, entre les bans & l’embouchure de la Somme, aux endroits qu’ils ont reconnus propres. Ils y tendent différens filets de la maniere qui suit. Ils forment une grande enceinte ou parc en fer à cheval. Le fond en est exposé à la mer. A chaque bout ils pratiquent un retour en crochet d’environ six piés de long ; ce crochet est fait avec des piquets de trois à quatre piés de hauteur. Au centre il y a une ouverture de quinze à dix-huit pouces de largeur, qui sert d’issue au poisson qui suit les convolutions du retour en crochet, & qui va se rendre à ce cul-de-sac où la marée en se retirant le laisse à sec.

Le retour en crochet est ou rond ou quarré ; c’est à la volonté du pêcheur. Pour ne pas tendre inutilement, les pêcheurs s’assurent si le poisson donne à la côte, par les traits ou sillage qu’il laisse imprimés sur le sable lorsqu’il se retire avec la marée.

L’enceinte du crochet garnie de rets de bas parcs & de piquets, est montée d’une piece de trente à trente-cinq brasses de chaque côté. Pour la continuer on se sert de hautes perches de quatorze à quinze piés, qui suivent immédiatement les rets de bas parcs. Le pié des grandes perches est du côté de la mer : on les penche un peu vers la terre ; & c’est là-dessus que l’on place les rets de jets qui ont près de trois brasses de haut. Les pêcheurs ne les tendent point de mer basse ; ils se contentent de les arrêter seulement par le pié sur le bas des perches. Ainsi les jets sont en paquets le long de ces perches. Ils sont couverts d’un peu de sable, ainsi que les flottes ; pour les relever à la marée, on a mis au haut de chaque perche une petite poulie sur laquelle passe un cordage frappé sur la tête des jets. On a recouvert les filets de sable, afin que le poisson plat passât dessus aisément lorsqu’il monteroit dans la baie avec la marée.

Les perches qui servent aux rets de jets sont tou-