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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/961

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de saint Benoît, dont on dit que saint Denis, évêque de Paris, a été le fondateur. Le bâtiment est fort simple & fort grossier.

De l’autre côté de la rue, se trouve le college royal, qui doit sa fondation à François I. Les professeurs, au nombre de dix-neuf, sont gagés du Roi, & font une espece de corps séparé de l’université, à laquelle ils ne laissent pas d’être soumis.

A quelque distance de là, est la place du puits certain, au haut de la rue Saint-Jean-de-Beauvais. Ce puits fut fait vers l’an 1556 par Robert Certain, pour lors curé de l’église de saint Hilaire, & nommé premier principal du college de sainte Barbe. Cette église a été bâtie dans la censive du chapitre de saint Marcel ; & comme ce chapitre avoit autrefois droit de justice haute, moyenne & basse dans tout ce quartier là, c’étoit au puits certain que se faisoient ordinairement les punitions corporelles, en exécution des sentences de la même jurisdiction, & principalement lorsque quelque criminel avoit été condamné à mort.

En rentrant dans la rue Saint-Jacques, & montant un peu plus haut, on voit le college du Plessis, qui est un des plus beaux de l’université ; le cardinal de Richelieu ayant laissé une somme considérable pour le faire rebâtir. A cinquante pas de ce college, est celui qu’on appelloit encore il y a deux ans, des Jésuites, & qu’on avoit nommé fort longtems, le college de Clermont. Vis-à-vis est le grand couvent des Jacobins, nommés originairement les Freres Prêcheurs, de l’ordre de saint Dominique.

Au sortir des Jacobins, on vient à saint Jacques de Haut-Pas, paroisse de tout ce quartier. Le séminaire de saint Magloire, aujourd’hui gouverné par les peres de l’Oratoire, est presque contigu à cette église. On trouve ensuite le couvent des Ursulines, celui des Feuillantines, & des Carmelites. L’église de ces dernieres est décorée de tableaux des plus grands maîtres ; de la Magdeleine de le Brun, de la Salutation Angélique du Guide ; & toute la voûte de l’église est de Champagne.

Le Val-de-Grace, l’un des plus superbes édifices qu’on ait élevé en France dans le dernier siecle, est situé de l’autre côté des Carmelites, & occupe par des religieuses de l’ordre de saint Benoît, qui avoient été fondées autrefois près du village de Biévre, en un lieu appellé le val profond, & fort incommode à cause des marécages. Elles se logerent en 1621 au faubourg Saint-Jacques ; & la reine Anne d’Autriche, pour rendre graces à Dieu de son accouchement de Louis XIV. après 22 ans de stérilité, fit jetter les fondemens du bel édifice, qui porte le nom de Val-de-Grace ; la coupole de cette église peinte à fresque par Mignard, est d’une grande beauté.

En entrant dans la ville par la rue d’enfer, on trouve la maison des peres de l’Oratoire, appellée l’institution, & fondée en 1650 par M. Pinette, secrétaire de Gaston de France, duc d’Orléans.

A peu de distance de-là, en descendant, est le couvent des Chartreux, de la fondation de saint Louis, qui leur donna le vieux château de Vauvert, habité selon les historiens de ce tems-là, par les diables, en sorte que la rue en fut nommée la rue d’enfer ; mais suivant la vérité, & les vieux titres dans lesquels on lit via inferior, ces mots ne signifient autre chose que la rue basse, parce que cette rue étoit plus basse que la rue Saint-Jacques, qu’on appelloit la rue haute, via superior ; c’est aussi pour cette raison que l’église paroissiale de saint Jacques est nommée du Haut-pas, ab alto passu. Les Chartreux occupent un terrein qui est plus grand qu’aucune autre des maisons religieuses de la ville & des faubourgs de Paris. Ce fut de cette maison que Henri III. partit le 15 Mars 1686 avec soixante des

nouveaux pénitens dont il étoit l’instituteur, pour aller à pié processionnellement à l’église Notre-Dame de Chartres, d’où ils revinrent deux jours après.

Après avoir passé par l’endroit où étoit la porte de Saint-Michel, qui a été abattue, on entre dans la rue de la Harpe, où se présenfe la Sorbonne, vieux college rétabli magnifiquement de fond en comble par le cardinal de Richelieu, & en conséquence ce cardinal y a un tombeau magnifique, un des chefs-d’œuvre de Girardon. La bibliotheque de cette maison est une des plus belles de Paris. On y montre une traduction françoise de Tite-Live, manuscrite, dédiée au roi Jean, & enrichie de mignatures où regne l’or-couleur très-brillant, & dont on ignore la composition.

Après que l’on est entré dans la rue de la Harpe, en traversant la place de Sorbonne, on trouve le college d’Harcourt fondé en 1280 par Raoul d’Harcourt, chanoine de l’église de Paris. Plus bas est l’église paroissiale de Saint-Côme, bâtie en 1212 par Jean, abbé de Saint-Germain-des-Prez. Proche cette église, est la maison de Saint-Côme, destinée à l’étude de l’anatomie chirurgicale. Dans la même rue de la Harpe, sont les ruines du palais des Thermes, dont j’ai déja parlé.

A l’extrémité de la rue de la Harpe, en tournant à gauche, on entre dans celle de Saint-André-des-Arcs, où est l’église paroissiale de ce nom. Ce n’étoit autrefois qu’une petite chapelle au milieu d’un champ planté de vignes & d’arbres fruitiers. Quelques antiquaires croient que cette église a été appellée Saint-André-des-Arcs à cause d’un grand jardin qui étoit proche de-là, où les écoliers alloient souvent s’exercer à tirer de l’arc.

Les quatre portes par lesquelles on entroit de la ville dans le faubourg Saint-Germain, savoir la porte à laquelle on donnoit le nom du faubourg, la porte Dauphine, celles de Bussy & de Nesle ayant été abattues, tout ce quartier est devenu un des plus grands de Paris, & au-dessus des plus belles villes de France, tant pour la quantité d’hôtels magnifiques qui le composent, que pour la multitude du peuple qui s’y rencontre.

Ce quartier a pris son nom de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prez, fondée par le roi Childebert, fils de Clovis. La réforme a été établie dans cette abbaye en 1631. La bibliotheque est une des plus belles du royaume. Cette abbaye étoit autrefois hors de la ville, exposée aux incursions des Normands, entourée de murailles qu’on a abattues pour y bâtir les maisons qu’on voit à présent tout à-l’entour.

Le palais d’Orléans, autrement nommé le palais de Luxembourg, parce qu’il est dans un lieu où étoit un ancien hôtel de ce nom, fait un des grands ornemens du quartier de Saint-Germain. La reine Marie de Médicis, veuve d’Henri IV. a fait bâtir ce palais de fonds en comble. La grande galerie a été peinte par Rubens, qui s’occupa pendant 2 ans à ce travail.

Le petit hôtel de Bourbon est dans la rue de Vaugirard, qui passe devant le palais de Luxembourg ; c’étoit autrefois l’hôtel d’Aiguillon, que le cardinal de Richelieu fit embellir pour la duchesse d’Aiguillon sa niece. Tout proche est le couvent des religieuses du calvaire, de l’ordre de S. Benoît, fondé en 1620 par la reine Marie de Médicis. Dans la même rue on trouve le couvent des carmes déchaussés, vis-à-vis des murs des jardins du Luxembourg. Il fut fondé en 1611 par les libéralités de quelques bourgeois qui donnerent une petite maison située en ce lieu-là à des religieux carmes venus d’Italie, pour apporter en France la réforme que sainte Thérese avoit faite en Espagne de l’ordre du Mont-carmel. Ces bons moines n’ont pas mal prospéré.