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& droits utiles que leurs anciens maîtres voudroient prétendre, tant sur leurs personnes que sur leurs biens, en qualité de patrons ; & l’édit accorde à ces affranchis les mêmes privileges qu’aux personnes nées libres. (A)

Patron, en matiere bénéficiale, est celui qui a bâti, fondé ou doté une église, en considération de quoi il a ordinairement sur cette église, un droit honorifique qu’on appelle patronage.

Pour acquérir les droits de patronage par la construction d’une église, il faut l’avoir achevée ; autrement celui qui l’auroit finie en seroit le patron.

On entend quelquefois par fondateur d’une église, celui qui l’a bâtie & dotée, quelquefois aussi celui qui l’a dotée simplement.

Celui qui dote une église, dont le revenu étoit auparavant très-modique, acquiert aussi par ce moyen le droit de patronage pour lui & pour ses héritiers.

Mais tout bienfaiteur d’une église n’est pas réputé patron ; il faut que le bienfait soit tel, qu’il forme la principale dot d’une église.

Pour être réputé patron, il ne suffit pas d’avoir donné le fonds ou sol sur lequel l’église est bâtie, il faut encore l’avoir dotée.

Néanmoins, si trois personnes concourent à la fondation d’une église, que l’un donne le sol, l’autre y fasse construire une église, & le troisieme la dote, ils jouiront tous trois solidairement du droit de patronage ; mais celui qui a doté l’église a le rang & la préséance sur les autres.

Il peut encore arriver autrement qu’il y ait plusieurs co-patrons d’une même église ; savoir lorsque plusieurs personnes ont succédé à un fondateur.

Le droit de patronage peut aussi s’acquérir par concession, de sorte que si l’évêque diocésain ou le pape accordoit par privilege, à un particulier le droit de patronage sur une église, cette concession seroit valable, pourva qu’elle eût une cause légitime, & qu’on y eût observé toutes les formalités nécessaires pour l’aliénation des biens d’église.

Un patron peut aussi céder son droit, soit à son co-patron, ou à une autre personne, ou à une communauté.

Mais il ne peut pas céder son droit de présentation pour une fois seulement ; il peut seulement donner procuration à quelqu’un pour présenter en son nom.

Le droit de patronage s’acquiert de plein droit par la construction, dotation ou fondation de l’église, à moins que le fondateur ou dotateur n’ait expressément renoncé à ce droit ; il est cependant plus sûr de le stipuler dans le contrat de fondation, afin que les patrons & leurs héritiers puissent en faire plus aisément la preuve en cas de contestation ; il est même absolument nécessaire en Normandie de le stipuler, suivant l’art. 142. de la coutume de cette province.

Si celui qui a bâti, fondé ou doté une église n’a jamais usé du droit de patronage, ni ses héritiers ou autres successeurs après lui, & que la fondation soit ancienne, on présume qu’ils ont renoncé à ce droit ; néanmoins dans le doute, le droit de celui qui a bâti, fondé ou doté est favorable.

Lorsque l’église est absolument détruite, ou que la dot est entierement dissipée & perdue, celui qui fait reconstruire l’église, ou qui la dote de nouveau, du consentement de l’évêque diocésain, y acquiert un droit de patronage, au cas que les anciens fondateurs ou dotateurs auxquels appartenoit le patronage, ne veuillent pas faire la dépense pour la rebâtir ou pour la doter une seconde fois.

Anciennement, lorsqu’un droit de patronage étoit contesté entre deux seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, & que les titres ni les autres preuves n’offroient

rien de clair, on avoit recours au jugement de Dieu, de même que cela se pratiquoit dans toutes sortes d’autres matieres sacrées ou profanes. L’évêque de Paris & l’abbé de S. Denis se disputant le patronage sur un monastere, & Pepin le Bref ayant trouvé la question fort ambiguë, les renvoya à un jugement de Dieu par la croix. L’évêque & l’abbé nommerent chacun un homme de leur part ; ces hommes allerent dans la chapelle du palais, ou ils étendirent leurs bras en croix : le peuple attentif à l’événement parioit tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre ; enfin l’homme de l’évêque se lassa le premier, baissa les bras, & lui fit perdre son procès. C’est ainsi que l’on décidoit alors la plûpart des questions.

Le droit patronage est laïc, ecclésiastique ou mixte.

Le patronage laïc est réel ou personnel. Voyez ci-après Patronage.

Tout droit de patronage, soit laïc ou ecclésiastique, est indivisible ; il ne se partage point entre plusieurs co-patrons, ni entre les héritiers & autres successeurs d’un patron laïc ; ainsi ceux qui ont droit au patronage ne peuvent pas présenter chacun à une partie de bénéfice ; ils doivent présenter tous ensemble, ou alternativement : s’ils nomment tous ensemble, celui qui a le plus de voix est préféré, bien entendu que si ce sont des co-héritiers qui nomment, les voix se comptent par souches & non par têtes.

Les co-patrons peuvent convenir qu’ils présenteront alternativement, ou que chacun présentera seul aux bénéfices qui vaqueront dans certains mois.

Le patronage réel suit la glebe à laquelle il est attaché ; de sorte que si cette glebe est un propre, il appartient à l’héritier des propres ; si la terre est un acquêt, le droit passe avec la terre à l’héritier des acquêts.

Si la terre est partagée entre plusieurs héritiers, il se fait aussi une espece de partage du patronage, c’est-à-dire, qu’ils n’y ont droit chacun qu’à proportion de ce qu’ils ont dans la terre ; par exemple, celui qui en a les deux tiers nomme deux fois, tandis que l’autre ne nomme qu’une fois.

Cette espece de division de l’exercice du droit de patronage se fait par souches & non par têtes.

Il y a des coutumes, comme Tours & Lodunois, ou l’aîné mâle a seul par préciput tout le patronage, quoiqu’il n’ait pas tout le fief ; ce sont des exceptions à la regle générale.

Quand les mâles excluent les femelles en collatérale, celles-ci n’ont aucun droit au patronage réel.

Mais si le patronage est attaché à la famille, il suffit pour y participer d’être du même degré que les plus proches parens, & l’on ne perd pas ce droit quoiqu’on renonce à la succession.

Quelquefois le patronage est affecté à l’aîné de la famille, quelquefois au plus proche parent, auquel cas l’aîné n’a pas plus de droit que les puînés ; tout cela dépend des termes de la fondation.

Le pere présente à tous les bénéfices dont le patronage, soit réel ou personnel appartient à son fils, tant que celui-ci est sous sa puissance.

Il en est de même du gardien à l’égard du droit de patronage appartenant à son mineur, parce que ce droit fait partie des fruits, lesquels appartiennent au gardien ; de sorte que s’il s’agissoit du patronage réel attaché à un héritage roturier dont il n’auroit pas la jouissance, comme cela se voit dans quelques coutumes où le gardien ne jouit que des fiefs, il ne jouiroit pas non plus du droit de patronage attaché à une roture.

L’usufruitier, la douairiere, le preneur à rente ou à bail emphitéotique jouissent pareillement du droit de patronage attaché à la glebe dont ils sont possesseurs : le mari présente aussi au bénéfice qui est tenu