percevoir, & les tuer devant son chien, soit à terre si elles tiennent, soit au vol si elles viennent à partir. Les heures les plus convenables pour cette chasse sont dans l’automne, depuis dix heures jusqu’à midi, & depuis deux heures jusqu’à quatre. Le matin, à midi & le soir, les perdrix relevent pour manger, & alors elles sont presque toujours en mouvement. On prend les perdrix pendant la nuit avec des filets, appellés les uns traineaux, les autres pentieres. Mais ces sortes de chasses qui n’appartiennent qu’aux braconniers, ne méritent pas qu’on en donne des leçons. Il est une autre maniere de les prendre pendant le jour, qui peut être utile, & qui tend à la conservation sans rien prendre sur l’usage. On a un filet rond monté sur des cerceaux qui lui donnent la figure d’un cône fort alongé ; on l’appelle tonnelle. On tend ce filet dans un chaume, & on l’assujettit de maniere que les mailles d’en-bas touchent exactement la terre, & que les piés des perdrix ne puissent pas s’y embarrasser. On place ensuite en-avant de la tonnelle deux filets conducteurs, qu’on nomme aillers, qui partent de l’embouchure de la tonnelle, & dont l’intervalle va en s’élargissant. Lorsque cet attiral est préparé, le chasseur porte devant lui une toile jaune tendue sur un chassis, & qu’on appelle vache, parce qu’elle en a la couleur. Cette vache a un trou placé à la hauteur de l’œil, au moyen duquel le chasseur voit ce qui se passe devant lui. Toujours caché derriere cette toile, il va chercher une compagnie de perdrix qui marchant devant cet objet sans en être assez effrayée pour prendre son vol, est conduite pas-à-pas, d’abord entre les aillers, & de-là dans la tonnelle même. Alors le chasseur jette sa vache, court à son filet, & saisit les perdrix dont il laisse aller les femelles, & tue les coqs. Par ce moyen il ôte la surabondance des mâles, sans courre le risque, comme avec le fusil, d’en blesser inutilement, ou de se méprendre. Il naît ordinairement dans l’espece des perdrix un tiers de coqs plus que de femelles. Il est important pour la reproduction d’ôter cet excédent afin que les paires ne soient point troublées au tems de la ponte. On garde aussi pour cela dans des cages quelques poules privées. On les porte le soir dans les endroits où on a remarqué trop de coqs. Elles appellent, & leur chant attire les mâles qu’on tue alors à coups de fusil. On nomme chanterelles, les perdrix destinées à cet usage.
Perdrix, (Diete.) cet oiseau est dès-long-tems fameux parmi les alimens les plus exquis & les plus salutaires ; supériorité réelle qu’a la chair de la perdrix, à ces deux titres, sur les autres chairs que mangent les hommes, c’est d’être véritablement succulente sans être grasse. Elle peut convenir par cette qualité singuliere à tous les sujets, soit vigoureux, soit délicats, tant à ceux qui sont en pleine santé, qu’à ceux qui sont en convalescence.
Je ne sais ce qu’il faut croire d’une opinion qui est répandue parmi le peuple, savoir que le glouton le plus décidé ne sauroit manger une perdrix tous les jours pendant un mois entier.
PERDU, voyez l’article Perdre. On dit en Peinture que les contours des objets représentés dans un tableau sont perdus, lorsqu’ils ne se détachent pas de leur fond.
Perdu, Bois, (Comm. de bois.) faire flotter du bois à bois perdu, veut dire le jetter dans de petites civieres qui ne peuvent porter ni train, ni bateau, pour le rassembler à leurs embouchures dans de plus grandes, & en former des trains, ou en charger des bateaux.
Lorsqu’il y a plusieurs marchands qui jettent leurs bois à bois perdu dans le même tems & dans le même ruisseau, ils ont coutume de marquer chacun le leur à la tête de chaque buche, avec un marteau de
fer gravé des premieres lettres de leur nom, ou de quelqu’autre figure à leur volonté, afin de les démêler quand on les tire à bord. Ils ont aussi à communs frais, des personnes qui parcourent les rives de ces petites rivieres des deux côtés, & qui avec de longues perches armées d’un croc de fer, remettent à flot les bois qui donnent à la rive & qui s’y arrêtent. (D. J.)
PERDUELLIO, (Hist. Rom.) nos auteurs traduisent toujours ce mot par rébellion, crime de rébellion ; mais ce n’est point cela, perduellio étoit un crime qu’on poursuivoit devant le peuple dans ses assemblées par centuries. On appelloit perduellis, celui qui étoit coupable de quelque attentât contre la république ; les anciens donnoient le nom de perduelles aux ennemis, comme on le voit dans Plaute, Amphit. act. I. sc. j. v. 94. On réputoit coupable de perduellion celui qui avoit violé les lois qui favorisoient le droit des citoyens, & la liberté du peuple : tel étoit, par exemple, celui qui avoit donné atteinte à la loi Porcia, établie l’an de Rome 556 par P. Porcius Loeca tribun du peuple, ou à la loi Sempronia ; on en trouve un exemple concernant la loi Porcia dans Valere Maxime, exemple 3. La premiere de ces lois, défendoit de battre ou de tuer un citoyen romain ; la seconde, défendoit de décider de la vie d’un citoyen romain sans l’ordre du peuple, à qui appartenoit le droit légitime de se réserver cette connoissance ; aussi étoit-ce un crime de leze-majesté, ou de perduellion des plus atroces, que d’y donner atteinte. Voyez ce qu’en dit Ciceron, Verr. liv. I. ch. v. Tite-Live, l. XXVI. c. iij. (D. J.)
PERE, s. m. (Droit naturel.) Relation la plus étroite qu’il y ait dans la nature. « Tu es pere, dit le Bramine inspiré, ton enfant est un dépôt que le ciel t’a confié ; c’est à toi d’en prendre soin. De sa bonne ou de sa mauvaise éducation, dépendra le bonheur ou le malheur de tes jours ; fardeau honteux de la société, si le vice l’emporte, il sera ton opprobre ; utile à sa patrie, s’il est vertueux, il fera l’honneur de tes vieux jours. »
On ne connoît jamais bien la joie des peres ni leurs chagrins, dit Bacon, parce qu’ils ne peuvent exprimer leur plaisir, & qu’ils n’osent parler de leurs peines. L’amour paternel leur rend les soins & les fatigues plus supportables ; mais il rend aussi les malheurs & les pertes doublement ameres ; toutefois si cet état augmente les inquiétudes de la vie, il est mêlé de plaisirs indicibles, & a l’avantage d’adoucir les horreurs & l’image de la mort.
Une femme, des enfans, autant d’ôtages qu’un homme donne à la fortune. Un pere de famille ne peut être méchant, ni vertueux impunément. Celui qui vit dans le célibat, devient aisément indifférent sur l’avenir qui ne doit point l’intéresser ; mais un pere qui doit se survivre dans sa race, tient à cet avenir par des liens éternels. Aussi remarque-t-on en particulier, que les peres qui ont fait la fortune ou l’élévation de leur famille, aiment plus tendrement leurs enfans ; sans doute, parce qu’ils les envisagent sous deux rapports également intéressans, & comme leurs héritiers, & comme leurs créatures ; il est beau de se lier ainsi par ses propres bienfaits.
Mais que l’avarice & la dureté des peres est condamnable & mal entendue, puisqu’elle ne tourne qu’à leur préjudice ! leurs enfans en contractent une bassesse de sentimens, un esprit de fourberie & de mauvaise conduite, qui les deshonore, & qui fait mépriser une famille entiere ; c’est d’ailleurs une grande sottise d’être avare, pour faire tôt ou tard des prodigues.
C’est une autre coutume fort mauvaise, quoiqu’ordinaire chez les peres, de mettre dès le bas âge entre ses enfans des distinctions & des prééminence, qui