rein, & moins exposés pour cette raison à plier sous le fardeau & à être usés par le frottement de l’eau & des corps qu’elle charie ; on doit pour cette raison choisir les arbres les plus jeunes & les plus menus.
Il suffit que ces pilots ayent environ 9 pouces de grosseur, jusqu’à 10 & 12 piés de long, & un pouce de plus pour chaque toise excédente cette premiere longueur. Ainsi un pilot de 28 à 30 piés de long auroit un pié de grosseur réduite, mesurée aussi sans l’écorce : ce qui donneroit à peu près 10 pouces à la pointe & 14 à la tête.
Lorsque l’on n’a pas des arbres assez longs, ou que les pieux ou pilots ayant pris plus de fiche que l’on ne l’avoit compté, se trouvent trop courts, on peut les anter & les assembler exactement en ⨂ sur 2 & 3 piés de longueur, après quoi on doit les lier fermement avec deux bonnes frettées de fer, observant pour les pieux de disposer ces antes de façon qu’elles puissent être recouvertes par les moises qui les doivent embrasser & en liaison alternativement de l’une à l’autre moise.
Il sera parlé de ces moises par la suite.
On trouve dans le traité de Charpenterie de Mathurin Jousse, par M. Delahire, que les pilots doivent être équarris ; on donne à ceux de 12 piés 10 à 12 pouces de grosseur, & à ceux de 30 piés 16 à 21 pouces, au lieu de 9 pouces & de 12 red. de grosseur que l’on a proposé ci-devant, & qui suffisent d’après ce qui se pratique avec succès sur les plus grands travaux pour ces différentes longueurs.
Mathurin Jousse, en proposant d’équarrir les pilots & de donner des dimensions inégales pour leur grosseur, avoit suivi ce qui se pratique pour les bâtimens, où cela est nécessaire, & où il convient de donner plus de hauteur que de largeur aux pieces que l’on pose horisontalement : c’est ce que M. Parent a fait aussi connoître dans les mémoires de l’académie des Sciences de 1708, où il est démontré que la piece la plus forte que l’on puisse tirer d’un arbre pour porter étant placée dans ce sens, doit être telle que le quarré de l’un de ses côtés soit double de celui de l’autre côté : ce qui revient à peu près au rapport de 7 à 5.
Il n’en est pas de même pour les pieux qui sont destinés à porter debout. Quant à l’équarrissement & à l’inégalité de leurs côtés, c’est ce que l’on croit avoir assez expliqué précédemment ; mais on ne pouvoit se dispenser d’exposer ce qu’ont adopté à la fois un bon charpentier & un mathématicien habile sur le sujet que l’on vient de discuter, afin que l’on pût connoître mieux ce qui doit être préféré.
Ces réflexions ne doivent cependant pas empêcher d’employer des pieux ou des pilots équarris dans de certaines circonstances ; on place quelquefois, par exemple, des pilots de cette espece au pourtour extérieur des fondations, pour que les palplanches que l’on chasse entre ces pilots puissent leur être plus adhérentes.
On doit ôter l’écorce en entier, & laisser l’aubier aux pieux & aux pilots pour les parties qui se trouvent sous l’eau.
L’écorce ne donne point de force au bois ; elle augmente beaucoup le frottement par son épaisseur & son aspérité, lors du battage des pieux ou pilots, & empêchent qu’ils ne prennent autant de fiche sous la même percussion.
L’aubier n’est point vicieux sous l’eau ; il s’y conserve comme l’on sait que le fait le bois, lorsqu’il est continuellement submergé : surtout le chêne que l’on emploie par préférence aux ouvrages construits dans l’eau ; il a d’ailleurs de la force lorsque la seve en est retirée, comme on peut en juger par les expériences de M. de Buffon (mémoires de l’académie,
que la force de l’aubier étoit seulement de ou environ, moindre que celle du bois pris au cœur du même chêne : ce qui se trouvoit être aussi à peu près dans le rapport des densités de l’un & de l’autre bois & aubier. Les circonstances sur la longueur, grosseur & sur la façon de charger les bois & aubier, étoient d’ailleurs les mêmes, ainsi il paroît que l’on peut laisser l’aubier aux pilotis sans inconvénient.
Lorsque l’écorce recouvre l’aubier, elle garantit l’œuf que la mouche y a déposé, & le ver qui en provient jusqu’à ce qu’il ait acquis assez de force pour abandonner l’aubier, dont la substance, lorsqu’elle est encore abreuvée de la seve, peut mieux convenir à la délicatesse de premier âge, que le bois où il ne pourroit s’introduire d’abord ni y vivre. C’est ainsi qu’en use la nature par rapport aux insectes : en général le degré de chaleur qui fait éclore le ver à soie, développe aussi la feuille du murier pour lui présenter une substance délicate ; elle acquiert chaque jour une consistance plus forte, qui se trouve par ce moyen toujours analogue à celle du ver qui croît & se fortifie en même tems. L’arbre étant dépouillé sur pié de son écorce pendant le fort de la seve, & laissé ensuite sur pié au-moins six mois, on a reconnu que le bois durcissoit & que l’aubier en devenoit presque aussi fort que le bois. Voyez les expériences de M. de Buffon, mémoires de l’académie de 1738. page 169.
L’écorce étant ôtée lorsque l’on coupe l’arbre, le ver sera tué par les mauvais tems & la gelée, avant qu’il ait acquis assez de force pour s’introduire dans le bois ; c’est au-moins à quoi l’on pense devoir attribuer ce que l’on a remarqué sur la conservation des bois exposés au dehors, & auxquels l’on avoit usé de cette précaution.
Il n’en sera pas de même des bois employés à couvert ; la mouche déposera son œuf dans le peu d’aubier que l’on y aura laissé, & le bois sera ensuite attaqué du ver qui en proviendra ; on croit pour cette raison qu’il n’est pas toujours nécessaire d’ôter l’aubier des pieux dans la partie qui se trouve au-dessus de l’eau. On a même remarqué à plusieurs ponts qu’il s’étoit durci & avoit acquis une consistance capable de fortifier ces pieux & de les conserver plus long-tems, surtout lorsque l’on avoit eu l’attention de laisser le bois dans l’eau pendant quelques mois, avant de les employer, précaution dont on use pareillement avec succès pour la latte que l’on fait quelquefois avec l’aubier ; cependant chacun doit en user pour ce qui se trouvera au-dessus de l’eau, comme il le jugera le plus convenable, vû que la suppression de l’aubier ne sauroit d’ailleurs être préjudiciable dans cette partie, si l’on a attention d’y suppléer en donnant un peu plus de grosseur aux pieux.
Indépendamment de la vermoulure à laquelle le bois est exposé, la fermentation de la seve, surtout dans les parties renfermées, & leur exposition alternative à l’air & à l’eau, sont également des causes principales de destruction assez connues, & sur lesquelles nous ne nous arrêterons point pour ne pas trop nous écarter de notre projet principal.
Position. Les pieux & pilotis battus dans les rivieres doivent toujours être placés dans le sens du cours de l’eau ; ils doivent être posés d’équerre entr’eux, autant que cela se peut, & à plomb, excepté le cas dont on va parler.
Une file de pieux battus pour porter un pont de charpente, se nomme palée ; & une même palée est quelquefois composée de plusieurs files de pieux posés parallelement, & à peu près suivant le plan des piles des ponts de maçonnerie.
Les deux ou trois pieux du milieu de ces palées