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un essai remarquable ; j’ai semé tous les ans des graines de cet arbre qui avoient été receuillies au mois de février 1737, & qu’on avoit envoyées de Genève épluchées & tirées des cônes ; elles ont levé constamment pendant dix-huit ans, & depuis ce tems il n’en a levé aucune pendant cinq ans que j’ai continué d’en semer ; mais il est vrai que le semis des cinq ou six dernieres années a peu-à-peu diminué de production, au point qu’à la fin il n’a pas levé la vingtieme des graines. Pour les tirer des cônes, il n’y a qu’à les exposer au soleil ou devant le feu pour les faire ouvrir.

Pour semer ces graines, il faut aux petits semis un procédé bien différent des grands semis ; si l’on ne veut avoir qu’un nombre médiocre de plants, il faudra semer dans des terrines ou des caisses plates, parce qu’il y a trop d’inconvéniens à semer en pleine terre ; ce n’est pas que les graines ne puissent très-bien lever de cette façon, mais les intempéries de l’hiver, & surtout le hâle du printems qui est le fléau des arbres toujours verds dans leur premiere jeunesse, détruisent presque tout. On garnira le fond des caisses ou terrines d’un pouce d’épaisseur de sable ou vieux décombres ; ensuite on les emplira jusqu’à un pouce du bord, de bonne terre quelconque, pourvu qu’elle soit fraiche & bien meuble, puis on y mettra un demi-pouce d’épaisseur de terreau bien consommé & passé dans un crible très-fin, après quoi on répandra la graine par-dessus, & enfin on la couvrira d’un demi-pouce du même terreau.

Le printems est la seule saison convenable pour semer la graine de pin, on peut s’y prendre des le commencement de Mars, & il seroit encore tems au 20 de Mai ; cependant le mois d’Avril est le tems le plus assuré.

Mais si l’on veut faire de grands semis pour former des cantons de bois de cet arbre, il faut s’y prendre de toute autre façon. Quantité de gens ont tenté différens moyens pour le faire avec succès, mais les soins de culture & les procédés les plus recherchés n’ont nullement servi à remplir leur objet ; quand on veut travailler en grand dans l’agriculture, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’imiter la nature le plus près qu’il est possible : on s’est avisé de ne point épargner la graine & de la semer avec profusion sur les terres incultes, dans l’herbe & les fougeres, parmi les genevriers, les joncs, les bruyeres, &c. cette opération toute simple qu’elle est, a presque toujours été suivie partout du plus grand succès ; il est vrai que les plants ne paroîtront que la troisieme année, mais bien-tôt ils s’empareront du terrein, ils étoufferont les buissons qui l’occupoient, & ils feront des progrès qui dédommageront de l’attente ; si cependant on se détermine à semer de grands cantons avec plus de précision, on fera faire avec la charrue des sillons distans de trois à quatre piés, & après y avoir répandu la graine, on la fera recouvrir légerement avec la pioche à main d’homme, d’un pouce d’épaisseur de terre ou environ, il arrivera encore souvent que les graines ne leveront qu’à la troisieme année pour la plûpart ; ainsi beaucoup de patience & nulle culture.

Cet arbre dans sa premiere jeunesse réussit à la transplantation avec une facilité admirable ; mais à moins qu’on ne les enleve avec la motte, il ne faut pas que les plants ayent plus de deux à trois ans ; à cet âge on pourra les mettre avec assurance dans des terreins pauvres, incultes & superficiels au point de n’avoir que trois pouces de fond : il suffira de les planter à 4, 5 ou 6 piés de distance, dans de petits trous faits avec la pioche, sans qu’il soit besoin d’y toucher ensuite, que pour commencer à les élaguer à l’âge de 5 ou 6 ans ; cette opération favorise leur

accroissement, mais il ne faut la faire que peu à peu & avec beaucoup de ménagement. Le mois d’Avril est le tems propre à cette transplantation, après que les hâles sont passés, & avant que les jeunes plants commencent à pousser ; cet arbre s’éleve à 15 piés en dix ans dans un terrein cultivé : & des cantons formés en bois avec de jeunes plants de trois ans, se sont élevés en 21 ans à la hauteur commune de 25 piés dans un terrein stérile, inculte & sablonneux qui n’a que trois ou quatre pouces de profondeur. Il y a une sorte d’avantage à ne former que de petits cantons de cet arbre ; comme sa graine est fort légere, le vent la disperse, & en vingt ans le canton se trouve triplé : il est vrai que la venue n’est pas égale pour la hauteur, mais elle est bien plus considérable pour la quantité. Le pin n’est sujet à aucun insecte, & quoiqu’il soit exposé au parcours du gros & menu bétail, il n’en reçoit aucun préjudice ; soit que son odeur résineuse les écarte, ou que la pointe des feuilles soit un obstacle à les brouter. Cet arbre craint le fumier, & après qu’il a été coupé, sa souche ne repousse point.

II. Le pin d’Ecosse. C’est aussi un pin sauvage qui approche beaucoup du pin de Genève, dont il differe pourtant en ce que ses feuilles sont plus courtes, plus étroites & d’un verd plus blanchâtre : ses cônes sont moins gras, moins roux, & leurs éminences moins saillantes ; l’arbre fait une tige plus droite & il prend plus d’élevation : au surplus on le multiplie & on l’éleve de la même façon. Ses qualités sont aussi les mêmes, & on en peut tirer pour le moins autant de service & d’utilité.

III. Le franc pin, ou le pin piguier. On cultive beaucoup cette espece de pin en Italie, en Espagne & dans les provinces méridionales du Royaume. C’est un bel arbre fort touffu qui s’étend plus qu’il ne s’éleve ; ses feuilles ont six pouces de longueur ou environ, elles sont dures, épaisses & d’un beau verd & lorsqu’il se trouve dans un lieu spatieux, ses branches retombent jusqu’à terre ; sa tête prend naturellement la forme d’une pyramide écrasée, & toujours peu d’élévation ; ses cônes sont courts, obtus & fort gros ; ils ont 4 à 5 pouces de longueur, sur 3 ou 4 de diametre : on nomme pignons les graines qui y sont renfermées sous des écailles très-dures ; ces pignons qui sont de figure ovale & de la grosseur d’une noisette, renferment une amande bonne à manger dont on peut faire le même usage que des pistaches. Les cônes sont en maturité dans les pays chauds dès le mois de Septembre, ils s’ouvrent deux mois après, & les pignons tombent d’eux-mêmes. Le franc pin se plaît dans les climats chauds, cependant il peut réussir dans la partie septentrionale de ce royaume ; il n’y paroît délicat que dans sa jeunesse, on voit d’assez beaux arbres de cette espece au jardin du roi, à Paris, où ils ont résisté a de fort grands hivers. Ce n’est donc que dans les premieres années de l’éducation de cet arbre, qu’il faut prendre quelques précautions pour le garantir des fortes gelées ; on ne peut le multiplier qu’en semant ses pignons : on pourroit le faire en plein air dans une platte-bande, contre un mur bien exposé ; on les a souvent sauvés du froid au moyen de quelque abri durant l’hiver ; mais il sera plus sûr de les semer dans des terrines ou des caisses plates, dans le tems & de la même façon qu’on l’a dit pour le pin sauvage, mais les graines ne leveront qu’au bout de six semaines environ, si on les y a disposées par de fréquens arrosemens dans les tems de sécheresse ; parce que la coquille des pignons étant dure, elle ne s’ouvre qu’à la faveur d’une humidité suivie, sans quoi ils ne leveroient qu’au bout de 3 ou 4 mois : on évite encore mieux cet inconvénient, en faisant tremper les pignons sept ou huit jours avant de les