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mins, en un mot, pour ôter toutes fonctions aux soldats de travailler à la terre, parce que, disent-ils, ceux d’aujourd’hui ne peuvent être assujettis à de tels travaux, comme les anciens Romains. Ils ajoutent encore, pour soutenir leur opinion, que le soldat, quand il arrive au quartier, est assez harassé, sans l’employer de nouveau à remuer la terre. Il est à craindre qu’en portant trop loin ce système, on ne vienne à gâter les soldats, en les épargnant trop & mal-à-propos. Il faut leur procurer des vêtemens, avoir grand soin d’eux dans les maladies, & lorsqu’ils sont blessés ; mais il faut les endurcir à la peine, & que leurs généraux leur servent d’exemple ; car si vous voulez réduire les soldats à la disette, tandis que vous regorgerez d’abondance, & à travailler, tandis que vous demeurerez dans l’oisiveté, certainement ils murmureront avec raison. Nous ne nions pas cependant qu’on ne doive avoir des pionniers pour accommoder les chemins, & faire passer l’artillerie ; mais cent pionniers suffisent à un grand équipage. Quant à la cloture du camp, le soldat est obligé de la faire, parce que ce travail lui donne le tems de se reposer & de dormir en sûreté. D’ailleurs c’est un ouvrage de trois ou quatre heures ; pour cet effet, toute l’armée doit y travailler, ou au moins la moitié, quand l’ennemi est proche. S’il falloit ne donner cette besogne qu’à des pionniers, il en faudroit dans une armée autant que de soldats : ce qui seroit le vrai moyen d’affamer tout un pays, & d’augmenter l’embarras qu’on ne sauroit trop diminuer. Quant aux tranchées, les pionniers n’y réussissent guere bien, & lorsque le danger croît, les plus vaillans soldats n’y sont pas de trop ; encore faut-il les animer à ce travail par un gain assuré, des promesses & des récompenses ; car nul argent n’est si bien employé que celui-là. (D. J.)

PIOTE, s. m. (Archit. navale.) on écrit aussi viotte ; espece de petit bâtiment qui approche de la gondole, fort en usage à Venise ; quand le Doge fait la cérémonie d’épouser la mer, le vaisseau qu’il monte, est environné & escorté des gondoles dorées des ambassadeurs, d’une infinité de piotes, & d’autres gondoles, &c.

PIPA, PIPAL, s. m. (Hist. nat.) P. XV, fig. 3, crapaud d’Amérique. Le mâle ressemble assez par la forme du corps, au bufo ou crapaud de terre de ces pays-ci ; mais la femelle a une conformation très différente ; elle est beaucoup plus grosse que le mâle. La tête du pipa est petite, & la partie antérieure se termine en pointe à-peu-près comme le museau d’une taupe ; l’ouverture de la bouche est très-grande, & les yeux sont fort petits ; il y a de chaque côté, à l’extrémité postérieure de la tête, un petit appendice formé par un prolongement de la peau : le dos forme une élévation très-apparente à sa partie antérieure ; il est très-large & couvert presqu’en entier de petits corps ronds de la grosseur d’un gros pois, & enfoncés fort avant dans la peau ; ces corps ronds sont autant d’œufs couverts de leur coque, & posés fort près les uns des autres, presqu’à égale distance ; l’espece de croûte membraneuse qui les recouvre, est d’un roux jaunâtre & luisant. On voit sur les intervalles qui se trouvent entre les œufs & sur les autres parties de la face supérieure du corps, un grand nombre de très-petits tubercules ronds, semblables à des perles. Lorsqu’on enleve la membrane extérieure qui recouvre les œufs, ils paroissent à découvert, & on distingue les petits crapauds. Les jambes de devant du pipa sont menues & terminées par quatre doigts longs qui ont de petites ongles ; les jambes de derriere sont beaucoup plus grosses, & ont chacune cinq doigts tous unis les uns aux autres par une membrane, comme dans les canards : le dessous du ventre a une couleur cendrée jaunâtre. La femelle

est d’une couleur jaunâtre, à-peu-près semblable à celle des crapauds de ces pays-ci. On trouve le pipa en Amérique ; les naturels du pays donnent le nom de pipa à la femelle, & celui de pipal au mâle : les negres mangent les cuisses de l’un & de l’autre, quoiqu’ils passent tous les deux pour être très-venimeux. M. Merian, Metamorp. des ins. de Surinam, dit, de même que Seba, que c’est la femelle qui porte ses petits sur son dos. La figure ci-dessus citée représente un pipa portant ses petits sur le dos dont les uns ne font que d’éclore, & les autres sont un peu plus grands. Seba, these I. Voyez Crapaud.

PIPE, s. f. (Futaille.) c’est une des neuf especes de futailles ou vaisseaux réguliers, propres à mettre du vin & d’autres liqueurs.

En Bretagne la pipe est une mesure des choses seches, particulierement pour les grains, les légumes & autres semblables denrées ; la pipe entendue de cette sorte, contient dix charges, chaque charge composée de quatre boisseaux : ce qui fait quarante boisseaux par pipe ; elle doit peser six cent livres, lorsqu’elle est pleine de blé. (D. J.)

Pipe, s. f. (Poterie.) long tuyau délié fait ordinairement de terre cuite très-fine, qui sert à fumer le tabac. A l’un des bouts du tuyaux qui est recourbé, est une façon de petit vase que l’on appelle le fourneau, ou la tête de la pipe, dans lequel on met le tabac pour l’allumer & le fumer : ce qui se fait avec la bouche, en aspirant la fumée par le bout du tuyau opposé à celui du fourneau.

Il se fabrique des pipes de diverses façons, de courtes, de longues, de façonnées, d’unies, de blanches sans être vernissées, de différentes couleurs ; on les tire ordinairement d’Hollande.

Les Turcs se servent pour pipes (qui sont de deux ou trois piés de longueur, plus ou moins), de roseau ou de bois troué comme des chalumeaux, au bout desquels ils attachent une espece de noix de terre cuite qui sert de fourneau, & qu’ils détachent après avoir fumé ; les tuyaux de leurs pipes s’emboitent & se démontent pour être portées commodément dans un étui.

PIPEAU, s. m. terme d’Oiselier, bâton moins gros que le petit doigt, long de trois pouces, fendu par le bout pour y mettre une feuille de laurier, & contrefaire le cri ou pipi de plusieurs oiseaux.

PIPÉE, s. m. (Chasse aux oiseaux.) cette chasse aux oiseaux se fait en automne, dès la pointe du jour, ou demi-heure avant le coucher du soleil. On coupe le jeune bois des branches d’un arbre ; on fait des entailles sur ces branches pour mettre des gluaux ; ensuite trente ou quarante pas autour de cet arbre, on coupe le bois taillis ; on fait une loge sous l’arbre où sont tendus les gluaux ; on s’y cache, & on y contrefait le cri de la femelle du hibou avec une certaine herbe qu’on tient entre les deux pouces, & qu’on applique entre les deux levres, en poussant son vent, & en les poussant l’une contre l’autre. Les oiseaux qui entendent ce cri qui contrefait celui de la femelle du hibou, s’amusent autour de l’arbre où l’on est caché, & se viennent le plus souvent percher sur l’arbre où sont tendus les gluaux ; ils s’engluent les aîles, ils tombent à terre, & on les prend. Ruses innocentes, liv. II. ch. xvii 18 & 19.

PIPELIENE, s. f. (Ornithol.) c’est ainsi que Fresier nomme un oiseau du Chily dans l’Amérique méridionale ; il dit que les pipélienes ont les piés faits comme l’autruche, & qu’elles ressemblent en quelque chose aux oiseaux de mer, qu’on appelle mauves, lesquels ont le bec rouge, droit, long, étroit en largeur, & plat en hauteur, avec un trait de même couleur sur les yeux.

PIPELY, (Géog. mod.) petite ville des Indes, non murée, au royaume de Bengale, dans une plaine,