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il est encore hors de doute que Saturne & ses satellites sont des corps opaques.

2°. Puisque Vénus & Mercure ne transmettent pas la lumiere du Soleil, lorsque ces planetes sont placées vis-à vis de cet astre, il est évident que ce sont des corps denses, opaques : ce qui est pareillement évident de Jupiter, qui cache les satellites dans son ombre ; ainsi par analogie, on peut conclure la même chose de Saturne.

Quant à ce que la Lune, qui est aussi un corps dense opaque comme les éclipses de Lune & de Soleil le démontrent, jette une si grande lumiere en comparaison de celle de toutes les autres étoiles, & qu’elle nous paroît d’une grandeur à-peu-près égale à celle du Soleil, cela vient uniquement de ce qu’elle est fort proche de la terre ; car si on l’observoit du Soleil, elle ne paroîtroit pas sous un angle sensible, de sorte qu’à peine seroit-elle visible. Ce seroit donc la même chose si elle étoit aussi éloignée de la Terre qu’est le Soleil ; on ne l’appercevroit guere avec la lunette d’approche que comme un petit point lumineux.

3°. Les taches variables qui paroissent sur Vénus, Mars & Jupiter, semblent prouver que ces planetes ont une atmosphere changeante ; ainsi en raisonnant toujours par analogie, on peut conclure la même chose des autres planetes.

4°. Pareillement on peut conclure des montagnes observées sur Vénus, qu’il y en a de semblables dans les autres planetes.

5°. Puisque Saturne, Jupiter & leurs satellites, Mars, Vénus & Mercure sont des corps opaques qui reçoivent leur lumiere du Soleil, qui sont couverts de montagnes, & environnés d’une atmosphere changeante, il paroît s’ensuivre que ces planetes ont des eaux, des mers, &c. aussi-bien que des terreins secs ; en un mot, que ce sont des corps semblables à la Lune, & par conséquent à la Terre. Par conséquent, selon plusieurs philosophes, rien ne nous empêche de croire que les planetes sont habitées. Huygens dans son Cosmothéoros, a prétendu donner des preuves très-fortes de l’existance des habitans des planetes : ces preuves sont tirées de la ressemblance des planetes avec la Terre, & de ce qu’elles sont, comme la Terre, des corps opaques, denses, raboteux, pesans, éclairés & échauffes par le Soleil ; ayant leur nuit & leur jour, leur été & leur hyver.

M. de Fontenelle a aussi traité cette question dans les entretiens sur la pluralité des mondes ; il y soutient que chaque planete est habitée, & il explique chemin faisant avec beaucoup de clarté, le système de Copernic & les tourbillons de Descartes, qui étoient alors tout ce qu’on connoissoit de mieux. Ce livre a eu la plus grande réputation ; & on le regarde encore aujourd’hui comme un de ceux qui font le plus d’honneur à son auteur. Voyez Pluralité des mondes, au mot Monde.

Wolf s’appuyant sur des preuves d’une autre espece, va jusqu’à faire des conjectures sur les habitans des planetes : par exemple, il ne doute point que les habitans de Jupiter ne soient beaucoup plus grands que nous, & de taille gigantesque. La preuve qu’il en donne est si singuliere, qu’il ne sera peut-être pas inutile de la rapporter ici : on se souviendra que c’est M. Wolf qui parle. « On enseigne dans l’Optique que la prunelle de l’œil est dilatée par une lumiere foible, & retraite par une lumiere forte : donc la lumiere du Soleil étant beaucoup moins grande pour les habitans de Jupiter que pour nous, parce que Jupiter est plus éloigné du Soleil, il s’ensuit que les habitans de cette planete ont la prunelle beaucoup plus large & beaucoup plus dilatée que la nôtre. Or on observe que la prunelle a une proportion constante avec le globe de l’œil, & l’œil avec le reste

du corps ; de sorte que dans les animaux, plus la prunelle est grande, plus l’œil est gros, & plus aussi le corps est grand.

« Pour déterminer la grandeur des habitans de Jupiter, on peut remarquer que la distance de Jupiter au Soleil, est à la distance de la Terre au Soleil, comme 26 à 5 ; & que par conséquent la lumiere du Soleil, par rapport à Jupiter, est à sa lumiere par rapport à la Terre, en raison doublée de 5 à 26 ; or on trouve par l’expérience, que la prunelle se dilate en plus grand rapport, que l’intensité de la lumiere ne croît : autrement un corps placé à une grande distance, paroîtroit aussi nettement qu’un autre plus près. Ainsi le diametre de la prunelle des habitans de Jupiter, est au diametre de la nôtre, en plus grande raison que celle de 5 à 26. Supposons-le de 10 à 26, ou de 5 à 13 ; comme la hauteur ordinaire des habitans de la Terre, est de cinq piés quatre pouces environ, (c’est la hauteur que M. Wolf s’est trouvée à lui-même) on en conclud que la hauteur commune des habitans de Jupiter, doit être de 14 piés . Or cette grandeur étoit à peu-près celle de Og, roi de Basan, dont parle Moise, & dont le lit de fer étoit long de neuf coudées, & large de quatre. »

Voilà les égaremens où tombe l’esprit humain, quand il se livre à la fureur de faire des systèmes ; car surquoi M. Wolf se fonde-t-il pour avancer que les habitans de Jupiter, supposé qu’ils voient, ont la prunelle plus grande que la nôtre, & que la grandeur de leur prunelle est proportionnelle à la hauteur de leur corps. La lumiere est plus foible dans Jupiter que sur la terre, il est vrai, mais les habitans de Jupiter peuvent être d’une telle nature, que cette lumiere soit aussi forte pour eux que la nôtre l’est pour nous. Il suffit pour cela qu’ils aient l’organe plus sensible ; d’ailleurs est-il vrai que la grandeur du corps soit proportionnée au diametre de la prunelle ? Ne voyons-nous pas tous les jours le contraire dans les animaux ? Les chats ont la prunelle beaucoup plus grande que nous ; les cochons l’ont beaucoup plus petite que les chats, &c.

M. de Fontenelle est bien éloigné de faire des conjectures aussi puériles sur la figure des habitans des planetes ; il pense qu’elle est fort différente de la nôtre, & que nous n’en avons aucune idée ; & il appuie cette opinion par des raisons ingénieuses. « Quelle différence, dit-il, de notre figure, de nos manieres, &c. à celle des Américains ou des Africains ! Nous habitons pourtant le même vaisseau, dont ils tiennent la proue & nous la poupe ? Combien ne doit-il pas y avoir de différence de nous aux habitans des autres planetes, c’est-à-dire de ces autres vaisseaux qui flottent loin de nous par les cieux » ? Cela est beaucoup plus vraissemblable ; mais cependant il n’est pas encore bien sûr (voyez Monde) que les planetes soient habitées.

Mouvement des planetes. Il est évident par une infinité de phénomenes, que les planetes tournent autour du Soleil, comme centre, & non autour de la Terre.

1°. L’orbite dans laquelle Vénus se meut, environne certainement le Soleil, & par conséquent cette planete tourne autour du Soleil en décrivant cette orbite.

On prouve aisément que cette orbite environne le Soleil, par la raison que Vénus est quelquefois au-dessus du Soleil, quelquefois au-dessous, quelquefois derriere, & quelquefois du même côté ; ce qui est évident par les différentes circonstances de ses phases. Voyez Phase.

Elle passe derriere le soleil lorsque vers le tems de sa conjonction, quand elle nous paroît fort proche de ce corps lumineux, on l’apperçoit parfaitement