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cée, & comme cautérisée par le ressort de l’air ; il s’y fait donc comme une espece de bourrelet qui s’étend insensiblement de la circonférence vers le centre, par l’alongement des fibres, & la blessure se couvre par une espece de calotte qui enveloppe le bois coupé. Les fibres du chicot au contraire, ne pouvant pas s’alonger, se dessechent, & deviennent extrèmement dures ; c’est ce qui forme les nœuds dans le bois. On en voit souvent dans les planches de sapin qui s’en détachent comme une cheville que l’on chasse de son trou. Le bois des arbres qui ont été souvent taillés, est revêche, comme disent les ouvriers, parce qu’il est tout traversé de gros chicots endurcis, dont les fibres n’ont pas la même direction que celles du reste du corps ligneux. (D. J.)

Plantes, transport des (Agricult.) depuis que les sciences reparurent sur la fin du xv. siecle, c’est-à-dire depuis que la raison revint habiter parmi nous, la botanique n’a pas été la derniere science qu’on ait pensé à cultiver ; bientôt les hommes rendus plus sociables, parce qu’ils étoient éclairés, se communiquerent leurs lumieres ; bientôt le commerce & la navigation qui répandent par-tout les richesses & l’abondance, porterent en Europe la connoissance de quantité de plantes exotiques ; dèslors on ne songea plus qu’à s’en procurer ; & l’art de leur transport & de leur culture, turent des connoissances nécessaires à acquérir.

Je ne déciderai point avec la Quintinie, si un jardinier est le genre, & le botaniste une espece ; mais celui qui se contente de savoir le nom des plantes, de les distinguer par classe, & d’en rechercher les vertus, n’est botaniste qu’à demi. S’il veut mériter un titre plus distingué, il doit entendre leur culture, l’art de les multiplier, de les conserver, de les transporter d’un pays à l’autre. Toutes ces connoissances tiennent à la perfection du botaniste. Le seul article du transport des plantes formeroit le sujet d’un traité ; mais je dois ici me borner à quelques remarques générales, tirées des ouvrages de Miller.

Quand on envoie les plantes d’un pays à l’autre, il faut principalement avoir attention à la saison qui y est la plus propre. Par exemple, s’il faut envoyer une partie de plantes d’un pays chaud dans un pays froid, il faut le faire au printems, afin que les plantes arrivant dans un pays plus froid, où la saison s’avance, elles aient le tems de se rétablir avant l’hiver, au cas ce qu’elles aient un peu souffert dans le trajet ; au lieu que celles qui arrivent en autonne périssent souvent pendant l’hiver, parce qu’elles n’ont pas eu le tems de se rétablir & de prendre racine avant le froid ; au contraire, les plantes qu’on envoie d’un pays froid dans un chaud, doivent être toujours expédiées en autonne, afin qu’elles puissent arriver à tems pour prendre racine avant les grandes chaleurs, autrement elles périroient bientôt.

La meilleure maniere d’empaqueter les plantes pour un voyage, est de les mettre dans des caisses portatives, faites avec des anses pour les manier & les remuer plus aisément sur le navire dans le mauvais tems. Ces caisses doivent être percées de plusieurs trous : il faut mettre une tuile plate ou une coquille d’huitre, pour empêcher la terre en s’éboulant, de les boucher. On remplira ces caisses de terre ; on y mettra les plantes aussi près les unes des autres qu’il sera possible, pour gagner de la place, ce qui est souvent absolument nécessaire, pour qu’elles n’incommodent point dans le vaisseau. Comme le seul but qu’on se propose ici est de leur conserver la vie, & non pas de les faire croître dans le passage, il est sûr qu’une petite caisse contiendra plusieurs plantes si l’on sait les y ranger avec adresse.

Il faut mettre les plantes dans la caisse quinze ou vingt jours avant que de les embarquer, afin qu’elles

y soient plus affermies & enracinées. Pendant le cours du passage, on les laissera autant qu’il sera possible sur le tillac ou sur le pont, afin qu’elles soient airées. Pendant le mauvais tems & la tempête, on les couvrira d’une tente gaudronnée, pour les préserver de l’eau salée de la mer, qui les détruiroit si elles en étoient trop mouillées.

L’arrosement que demandent ces plantes pendant le voyage, doit être proportionné au climat d’où elles viennent, & à celui où on les transporte. Si elles vont d’un pays chaud dans un froid, elles requierent peu d’humidité, lorsqu’elles ont passé le tems des chaleurs : mais si elles sont portées d’un pays froid dans un chaud, elles ont un plus grand besoin d’arrosement à proportion qu’on s’avance dans un climat plus chaud. Alors il faut les abrier pendant le jour de la grande chaleur du soleil, qui sans un abri, ne manqueroit pas de les sécher & de les détruire.

Si les plantes envoyées d’un pays dans un autre sont telles qu’elles puissent vivre hors de terre un tems considérable, ce que feront toutes celles qui sont pleines de seve, comme par exemple les joubardes, les ficoïdes, les euphorbium, les cierges, &c. ces sortes de plantes, dis-je, n’exigent d’autre soin que de les bien empaqueter avec de la mousse dans une caisse ; on observera de les mettre assez serrées pour qu’elles ne souffrent pas des soubresauts & des secousses qui les briseroient, & pour que les plantes épineuses ne blessent pas les autres, si elles sont mélées ensemble. La caisse doit être placée dans un endroit à l’abri de l’humidité & des rats, qui ne manqueroient pas de ronger les plantes & de les détruire. Des plantes de cette espece, empaquetées avec précaution, & par assortiment, ne manqueront pas de réussir, quand même elles seroient quatre ou cinq mois en route, & elles souffriront moins que plantées dans des pots, parce que les matelots les font périr généralement, soit par négligence, soit en les arrosant outre mesure.

Il y a aussi diverses sortes d’arbres qu’on peut mettre en caisse de la même maniere, en les enveloppant de mousse tout-au-tour ; & ils ne souffriront point hors de terre, pourvû que ce soit dans la saison où ils ne poussent point. C’est ce qu’on expérimente tous les jours par l’exemple des orangers, des jasmins, des capriers, des oliviers, des grenadiers, qu’on envoie chaque année d’Italie en Angleterre. Peu de ces arbres soigneusement empaquetés viennent à manquer, quoiqu’ils aient été très-souvent trois ou quatre mois hors de terre. Passons aux graines.

Quand on transporte des graines d’un pays dans un autre, il faut faire de petits paquets de chaque graine bien étiquetés, prendre toutes les précautions possibles pour les préserver de la vermine, & pour les conserver bien seches, sans quoi elles s’abatardiroient & se moisiroient.

La méthode de M. Catesby, connu par son amour pour l’Histoire naturelle, par ses ouvrages, par son voyage de la Floride, de la Caroline, & des îles Bahama, étoit d’empaqueter dans du papier ces graines bien seches, de les mettre ensuite dans des flacons secs de calebasses, & d’en cacheter l’ouverture ; de cette maniere, il a envoye une très-grande quantité de graines de la Caroline en Angleterre, où elles ont rarement manqué de produire.

Il y a quelques personnes qui prétendent qu’il faut mettre les graines dans des verres qu’on scellera bien hermétiquement, pour empêcher l’accès de l’air extérieur ; mais après plusieurs expériences de M. Miller à ce sujet, il a trouvé que de telles graines ne réussissoient point, dès qu’elles ont été renfermées pendant un tems un peu considérable, & qu’elles exigent quelque portion d’air pour conserver leur qualité végétative.