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de couronner les poëtes subsistât encore. On y a vu un poëte couronné par Frédéric I. Cependant plusieurs savans prétendent que les poëtes y doivent le rétablissement de cet usage à Frédéric III. & ils regardent Protuccius, comme le premier des allemans, qui ait reçu la couronne poëtique.

Ænéas Sylvius, qui occupa le saint siege sous le nom de Pie II. fut encore déclaré poëte par le même empereur Frédéric à Francfort, long-tems avant son exaltation au pontificat.

Maximilien I. fonda à Vienne un college poëtique, ainsi nommé parce que le professeur en poésie y reçut la prééminence sur tous les autres, & le privilege de créer des poëtes lauréats. Ce titre prostitué à des gens sans mérite, a inondé l’Allemagne de légions de poëtes lauréats dont il seroit ennuyeux de faire le dénombrement.

L’Espagne, cette nation qui plus qu’une autre a la foiblesse d’ambitionner les titres d’honneur, a été très-jalouse de celui dont il est question. Arias Montanus l’a reçu dans l’académie d’Alcala ; celle de Séville observe encore le même usage, dit Nicolas-Antoine dans sa bibliotheque des auteurs espagnols ; mais cet auteur n’entre là-dessus dans aucun détail.

L’Angleterre offre quelques exemples de poëtes couronnés. Jean Kay, dans son histoire du siege de Rhodes, écrite en prose, & dédiée à Edouard IV. qui mourut à la fin du xv. siecle, prend le titre d’humble poëte lauréat de ce prince, his humble poets laureate. On voit dans l’église de Sainte-Marie Overies à Londres la statue de Jean Gower, célebre poëte, qui fleurissoit dans le siecle suivant, sous Richard II. Gower y est représenté avec un collier, comme chevalier, & avec une couronne de lierre mêlée de roses comme poëte. Il y a dans les actes de Rymer une charte d’Henri VII. sous ce seul titre, pro poëta laureato, pour un poëte lauréat. Elle est en faveur de Bernard-André qui étoit de Toulouse, & religieux augustin. Jean Skelton a joui du même titre.

Il ne paroît pas néanmoins que parmi les Anglois les poëtes aient jamais été couronnés avec autant de solemnité qu’ils l’ont été en Italie & en Allemagne. Il est certain que les rois d’Angleterre ont eu de tems immémorial un poëte à leur cour, qui prenoit la qualité de poëte du roi. C’étoit comme une espece de charge à laquelle il y avoit quelques appointemens attachés. Dans les comptes de l’hôtel d’Henri III. qui vivoit au commencement du xiij. siecle, il est fait mention d’une somme d’argent payée au versificateur du roi, versificatori regis. Il y a donc apparence que dans la suite, ceux qui ont porté ce titre, pour se donner plus de relief, y ont ajouté celui de poëte lauréat, lorsque l’usage l’eut rendu éclatant.

L’illustre Dryden l’a porté comme poëte du roi, & c’est en cette qualité que le sieur Cyber, comédien & auteur de plusieurs pieces comiques, s’est trouvé de nos jours en possession du titre de poëte lauréat, auquel est attaché une pension de 200 liv. sterling, à la charge de présenter tous les ans deux pieces de vers à la famille royale.

L’empereur a aussi son poëte d’office. M. Apostolo Zeno connu par son érudition & par son talent pour la poésie, a eu cet honneur. Il s’est qualifié seulement de poëte & d’historiographe de sa majesté impériale ; mais une pension toujours jointe à ce titre, l’a dédommagé de celui de poëte couronné qu’on ne lui donnoit point, & de trois opéra qu’il étoit obligé de faire chaque année.

Ce titre n’a pas été absolument inconnu en France. L’université de Paris se croyoit en droit de l’accorder. Elle l’offrit même à Pétrarque.

Quoique Ronsard soit ordinairement représenté avec une couronne de laurier, il n’y a cependant point d’apparence qu’il l’ait reçue dans les formes ;

mais jamais poëte ne fut peut-être plus honoré que lui. Charles IX. ne dédaigna pas de composer à sa louange des vers qui font honneur au prince & à Ronsard. On les connoît.

L’art de faire des vers, dût-on s’en indigner,
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons des couronnes ;
Mais roi je les reçois, poëte tu les donnes......

Les faveurs de nos rois, & les récompenses qu’ils accordent aux poëtes en les élevant aux dignités de l’église & de l’état, leur inspirent sans doute de l’indifférence pour une vaine couronne qu’on n’accordoit ailleurs aux poëtes, que parce que l’on n’avoit communément rien de mieux à leur donner.

Il n’est donc pas surprenant que nous ayons eu parmi nous des poëtes tels qu’Adrelini, Dorat, Nicolas Bourbon, &c. qui se soient glorifiés du titre de poëte du roi, tandis que nous n’en connoissons aucun qui ait pris celui de poëte lauréat. (D. J.)

Poete dramatique, voyez Poete comique, Drame, Tragédie, Comédie, &c.

Poete épique, (Poésie.) on nomme poëtes épiques, les auteurs des poëmes héroïques en vers : tels sont Homere, Virgile, Lucain, Statius, Silius Italicus, le Trissin, le Camoëns, le Tasse, dom Alonze d’Ercilla, Milton & Voltaire. Nous avons parlé de chacun d’eux & de leurs ouvrages au mot Poeme épique.

Poete fabuliste, (Poésie.) vous trouverez le caractere de ceux qui se sont le plus distingués en ce genre depuis Esope jusqu’à nos jours, au mot Fable & Fabuliste.

Poete lyrique, (Poésie.) tous les gens de lettres connoissent les poëtes lyriques du premier ordre, anciens & modernes ; mais M. le Batteux en a tracé le caractere avec trop de goût pour ne pas rassembler ici les principaux trais de son tableau.

Pindare est à la tête des lyriques ; son nom n’est guere plus le nom d’un poëte, que celui de l’enthousiasme même. Il porte avec lui l’idée de transports, d’écarts, de désordre, de digressions lyriques. Cependant il sort beaucoup moins de ses sujets qu’on ne le croit communément. La gloire des héros qu’il a célébrés, n’étoit point une gloire propre au héros vainqueur. Elle appartenoit de plein droit à sa famille, & plus encore à la ville dont il étoit citoyen. On disoit une telle ville a remporté tous les prix aux jeux olympiques. Ainsi lorsque Pindare rappelloit des traits anciens, soit des aïeux du vainqueur, soit de la ville à laquelle il appartenoit, c’étoit moins un égarement du poëte, qu’un effet de son art.

Horace parle de Pindare avec un enthousiasme d’admiration qui prouve bien qu’il le trouvoit sublime. Il prétend qu’il est témeraire d’entreprendre de l’imiter. Il le compare à un fleuve grossi par les torrens, & qui précipite ses eaux bruyantes du haut des rochers. Il ne méritoit pas seulement les lauriers d’Apollon par les dithyrambes & par les chants de victoire ; il savoit encore pleurer le jeune époux enlevé à sa jeune épouse, peindre l’innocence de l’âge d’or, & sauver de l’oubli les noms qui avoient mérité d’être immortels. Malheureusement il ne nous reste de ce poëte admirable que la moindre partie de ses ouvrages, ceux qu’il a faits à la gloire des vainqueurs. Les autres dont la matiere étoit plus riche & plus intéressante pour les hommes en général ne sont point parvenus jusqu’à nous.

Ses poésies nous paroissent difficiles pour plusieurs raisons ; la premiere est la grandeur même des idées qu’elles renferment, la seconde la hardiesse des tours, la troisieme la nouveauté des mots qu’il fabrique souvent pour l’endroit même où il les place, enfin il est rempli d’une érudition détournée tirée de