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bouches : le corps étoit creux dans toute son étendue.

Lorsqu’on a coupé un polype en deux parties par le milieu de sa longueur, il arrive souvent que la partie antérieure marche & mange dès le jour même de l’opération, si elle a été faite en été. Dans le fort de cette saison, au bout de vingt-quatre heures, la seconde partie du polype, qui a été coupée, commence à pousser des bras, & en deux jours elle est en état de manger ; mais dans un tems froid, la tête ne se forme qu’en quinze ou vingt jours. Si l’on coupe transversalement un polype qui pousse des petits, ils continuent à croître après la section ; quelquefois même il s’en forme de nouveaux avant que la partie coupée ait pû manger. Quelque petites que soient les parties coupées, quel que soit le nombre de ces parties, elles deviennent chacune un polype parfait : mais lorsqu’on n’a coupé que les bras, ils ne sont pas devenus des polypes. Les portions du corps de ces insectes, coupées longitudinalement, produisent un polype entier comme celles qui ont été coupées transversalement. Lorsqu’un polype entier n’a été coupé qu’en deux portions longitudinales, chacune ayant des bras prend bien-tôt la forme d’un polype parfait ; en une heure chaque portion se plie en gouttiere, approche ses bords latéraux l’un de l’autre, & les réunit de façon qu’il n’y reste aucune cicatrice, &, pour l’ordinaire, au bout de vingt-quatre heures le nouveau polype est en état de saisir sa proie & de l’avaler. En quelque nombre de portions longitudinales que l’on coupe un polype, chacune produit un polype entier. Si l’on divise les deux extrémités du corps d’un polype, ou seulement l’une ou l’autre en plusieurs parties, sans les détacher du reste du corps, ces parties ne se réunissent pas, mais elles deviennent chacune une tête ou une queue selon leur situation : M. Trembley a fait croître jusqu’à huit têtes sur un seul polype. Si on coupe ces têtes, il s’en forme de nouvelles sur le polype, & les têtes coupées deviennent chacune un polype entier. Si l’on hache un de ces insectes par morceaux, chacun des morceaux se gonfle d’abord & forme une cavité dans son intérieur & une bouche à l’une de ses extrémités : en peu de jours c’est un polype en état de manger de petites parcelles de vers. Tous ces polypes qui n’ont pour origine que des portions de polypes, ne different en aucune maniere de ceux qui ont été produits naturellement par un polype entier, & produisent aussi d’autres polypes. Il a déja été dit que le corps des polypes est creux d’un bout à l’autre : M. Trembley a trouvé le moyen de le retourner comme un gant, desorte que ses parois internes se trouvassent à l’extérieur, & les externes à l’intérieur. Mais l’insecte se remettoit bien-tôt dans son premier état ; il a fallu, lorsque le corps étoit retourné, passer une soie de sanglier à-travers près des levres, pour l’empêcher de reprendre son premier état ; car c’est en rabattant les levres en-dehors vers l’extrémité postérieure du corps, qu’un polype qui a été retourné commence à cesser de l’être. Les polypes que M. Trembley a retournés & traversés par une soie, mangeoient trois ou quatre jours plus ou moins après l’opération ; ils croissoient & multiplioient comme les autres. Si le polype que l’on retourne porte un jeune polype qui soit déja grand, il se trouve après l’opération en partie dans l’estomac de la mere, & en partie au-dehors, car la tête & les bras du jeune polype passent au-dehors de la bouche de la mere : mais il se détache bien-tôt. Si ce jeune polype est fort petit, l’estomac de la mere le renferme en entier au moment qu’elle est retournée, mais dans l’espace de quelques minutes il se retourne de lui-même, & en se retournant il passe au-dehors de l’estomac de la mere par l’ouverture qui servoit de communication entre la cavité de son corps & celle du corps de la

mere, avant qu’ils ne fussent retournés ni l’un ni l’autre ; ensuite il continue à croître, & il se détache comme ceux qui n’ont pas été retournés. Lorsqu’un polype retourné a rabattu ses levres en-dehors sur son corps, il se forme à l’endroit où se trouvent ses levres, une ou plusieurs bouches, & il arrive des changemens fort extraordinaires à ce polype. M. Trembley a introduit un polype dans le corps d’un autre polype, mais il en sortoit quoiqu’ils fussent traversés tous les deux par une soie de sanglier : le polype intérieur fendoit le polype extérieur & se trouvoit placé à côte de lui, étant toujours traversés l’un & l’autre par la soie de sanglier : il est arrivé qu’ils ne se sont pas séparés en entier mais seulement en partie, & qu’ils restoient en partie unis l’un à l’autre & pour ainsi dire entés l’un sur l’autre. M. Trembley ayant retourné un polype & l’ayant introduit dans le corps d’un autre, de maniere que la tête du polype intérieur sortoit au-dehors de la bouche du polype extérieur, les deux polypes étant traversés par une soie de sanglier, ils sont restés l’un dans l’autre ; la bouche du polype extérieur s’est collée sur le cou du polype intérieur : M. Trembley n’a pû savoir si le reste du corps de ce polype avoit été dissous dans l’estomac du polype extérieur, ou s’il s’étoit incorporé avec sa substance. Quoi qu’il en soit, il est certain que de deux polypes on n’en fait qu’un par ce moyen, tandis qu’au contraire on fait plusieurs polypes d’un seul en les coupant par morceaux. On peut réunir deux portions d’un polype ou de différens polypes de la même espece, car il est douteux que cette réunion se fasse sur des portions de polypes de différentes especes : pour cette opération, on place les deux portions de polypes l’une contre l’autre ; si elles s’écartent, on les rapproche & on les maintient de façon qu’elles se touchent ; après que les deux bouts se sont touchés pendant un quart d’heure, une demi-heure ou une heure, on commence à s’appercevoir qu’ils s’attachent l’un à l’autre. Mém. pour serv. à l’hist. d’un genre de polypes d’eau douce à bras en forme de cornes, par M. Trembley. Voyez dans cet ouvrage la description d’un polype à panache.

Polype, c’est un nom générique commun à différens corps, qui n’ont d’autre analogie que la multitude de piés, de branches, ou de ramifications. C’est cette figure, ce caractere qui a donné lieu à leur dénomination : le mot polype est tiré du grec πολύπους, composé de πολὺ, plusieurs, & ποὺς, pié ; il signifie aussi littéralement, qui a plusieurs piés. Il y a un insecte singulier & merveilleux de ce nom ; on trouve quelquefois dans le cœur & les gros vaisseaux des concrétions que l’on a appellées ainsi ; il s’en présente aussi dans les narines, assez différentes, auxquelles on a donné le même nom ; & ainsi polype envisagé sous ces trois points de vûe, est l’objet particulier du médecin, du naturaliste, & du chirurgien.

Polype du cœur, (Médecine pratiq.) Nous allons extraire cet article du traité du cœur du célebre M. de Senac, ouvrage excellent qui ne laisse rien à desirer sur la structure, l’action, & les maladies de cet organe essentiel & auparavant peu connu : nous sommes fâchés d’être réduits à ne donner qu’un extrait des détails intéressans où il entre sur la question présente ; & ce n’est pas un léger embarras que de pouvoir se décider judicieusement sur le choix de ce qu’il faut omettre ou rapporter. Nous renvoyons le lecteur, curieux de s’instruire plus à fond, à l’ouvrage même qui est entre les mains de tout le monde, liv. IV. chap. x. tom. II. pag. 442. & suiv.

Définition & nature du polype. Les concrétions qu’on trouve par l’ouverture des cadavres, soit dans le cœur, soit dans les gros vaisseaux, sont désignées par différens auteurs sous les noms de caroncule, de