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peu opaque & blanche, pour cacher entierement à la vue la terre qui n’est pas de la premiere blancheur. On a cependant grand soin, lorsque les ouvrages ont été peints sur le crud, comme les bleus, de ne point rendre la couverte assez opaque pour qu’on ne puisse pas voir les couleurs au-travers.

Il ne faut point que l’on fasse cuire la porcelaine tout-à-fait avant que de la mettre en couverte, il seroit même beaucoup mieux de lui donner la couverte à crud ; mais comme les pieces qui n’ont pas beaucoup d’épaisseur sont sujettes à casser lorsqu’on les plonge dans la couverte, on peut faire passer ces pieces au four, & les en retirer aussi-tôt qu’elles ont été simplement rougies ; on donne ensuite deux fois vingt-quatre heures de cuisson pour la pâte & la couverte.

Cette couverte des Chinois est analogue à leur pâte, puisque le petuntse qui en est une des principales matieres, y entre pour beaucoup ; il n’y a, pour ainsi dire, de différence que dans la vitrification, qui au moyen du sel de la fougere, se fait dans la couverte, & n’est point dans le corps de la porcelaine : comme elle est appliquée avant que la porcelaine soit cuite, elle en pénetre un peu la surface, & la cuisson étant la même, elle s’y trouve jointe plus parfaitement que si elle avoit été mise après une premiere cuisson de la porcelaine : la différence est aisée à appercevoir lorsqu’on examine avec une loupe la cassure des porcelaines de la Chine, & celle des porcelaines d’Europe. Il faut sur-tout se bien garder de chercher à employer une couverte qui ait déja été vitrifiée. Il faut regarder comme un principe que la vitrification de la couverte doit se faire sur la piece même ; il est aisé de faire une composition de verre opaque & très-blanc : mais quelque soin que l’on se donne pour broyer ce verre, il ne s’étendra jamais aussi bien & ne se joindra point aussi intimement à la porcelaine, qu’une composition qui formera la vitrification opaque & blanche sur la porcelaine même.

On n’emploie ordinairement sur les porcelaines à fritte que l’on fait en Europe, que des couvertes faites avec une composition qui a déja été vitrifiée ; il n’est pas étonnant qu’elles y réussissent ; la pâte dont elles sont composées contenant les de fritte, qui est la matiere du verre, se trouve tout-à-fait analogue avec ces couvertes, & s’y joint très-bien ; au-lieu que la pâte de la porcelaine de la Chine est trop éloignée de la vitrification pour se joindre à une matiere qui n’est purement qu’un verre. L’expérience s’est trouvée conforme à ce raisonnement toutes les fois qu’on a voulu tenter de mettre les couvertes d’Europe sur la porcelaine faite à la maniere des Chinois.

On a vu que les degrés de bonté de la pâte d’une porcelaine devoient se mesurer à la difficulté que l’on rencontroit à la faire passer à l’entiere vitrification ; on en doit conclure que celle que l’on fait aux Indes doit l’emporter sur toutes celles d’Europe, puisque l’on peut faire fondre un gobelet de porcelaine à fritte dans un gobelet de Saxe, & dans un gobelet de porcelaine des Indes. Il est vrai que la porcelaine des Indes demande un beaucoup plus grand degré de feu pour être portée à son entiere cuisson, que les autres porcelaines ; mais comme on n’est obligé de l’y mettre qu’une seule fois, il n’en coûte pas plus de bois pour la cuire, que pour la porcelaine d’Europe, que l’on met deux fois au feu.

Au reste, si l’on veut se donner la peine d’étudier & de suivre les manipulations décrites par le pere d’Entrecolles, on est assuré de faire de la porcelaine qui aura les mêmes qualités que celle que l’on fait dans les Indes, & se pourra donner à meilleur compte que toutes celles que l’on fait en Europe : on croit cependant qu’il ne sera pas inutile de faire attention à l’eau que l’on emploie dans les manipulations. Le P.

d’Entrecolles dit que les mêmes ouvriers qui la font à King-te-tching, n’en ont pas pu faire de pareille à Peking ; il attribue ce manque de succès à la différence des eaux, & il pourroit bien avoir raison. On a vu qu’il falloit garder la pâte liquide pendant un certain tems après l’avoir faite, & qu’il s’y passoit une fermentation : tout le monde sait que la différence des eaux produit des effets singuliers lorsqu’il s’agit de fermentation, comme il est aisé de le voir dans la bierre, les teintures, &c.

Pour ce qui est des peintures que l’on applique sur la porcelaine après qu’elle est faite, je crois que l’on peut se passer de prendre les Chinois pour modeles ; leurs couleurs sont assez médiocres & en très-petit nombre ; la céruse, ou quelque autre préparation de plomb leur sert toujours de fondant. Le plomb se revivifie, c’est-à-dire, reprend sa forme métallique fort aisément, alors il noircit & gâte les couleurs ; ces couleurs s’étendent, & font des traits qui ne sont ni déliés, ni bien terminés. On voit bien que je ne parle ici que des couleurs qui se mettent sur la porcelaine après qu’elle a reçu son vernis & sa cuisson entiere ; car pour celles que les Chinois mettent sur le crud, en mettant le vernis par-dessus, il est impossible d’en former des desseins tant-soit-peu corrects.

On croit donc qu’il vaut mieux abandonner tout-à-fait les couleurs dont se servent les Chinois, pour y substituer celles que l’on emploie pour peindre sur l’émail. Comme ces couleurs sont exposées à supporter un feu très-fort, on ne peut y employer que les matieres dont la couleur ne peut être enlevée par la force du feu ; il faut donc renoncer à toutes les couleurs tirées des végétaux & des animaux, pour s’en tenir uniquement à celles que peuvent fournir les terres & les pierres, qui conservent leur couleur après la calcination ; mais comme celles-ci ne sont colorées que par le moyen des métaux, la chaux des métaux, ou ce qui est la même chose, les métaux privés de leur phlogistique pour la calcination, fournissent la seule matiere que l’on puisse employer avec succès ; d’autant plus que les terres & les pierres donnent toujours des couleurs plus ternes & plus sales, à cause de la grande quantité de terre qu’ils contiennent.

On trouvera ces manipulations décrites fort au long dans mon traité de la Peinture en émail. On peut être assuré que toutes les couleurs qui réussissent dans cette peinture, réussiront également bien dans celle sur la porcelaine ; on y verra que l’on emploie pour principes de ne point se servir de couleurs déja vitrifiées, comme les verres colorés, les pains d’émaux, &c. & que l’on exclut pareillement toutes les compositions où il entre du plomb : les raisons que l’on y rapporte pour bannir ces couleurs de la peinture en émail, subsistent également pour les exclure de la peinture sur la porcelaine ; on y verra que l’étain donne les blancs pour éclaircir & rehausser toutes les autres couleurs ; que l’or donne les pourpres, les gris-de-lin, les violets & les bruns ; que l’on tire du fer les vermillons, les marrons, les olives & les bruns ; que le cobolt fournit les bleus & les gris ; que le jaune de Naples donne le jaune ; que le mélange du blanc & du rouge fait les couleurs de rose ; que le mélange du bleu & du jaune fait tous les verds ; & enfin que le mélange du bleu, du rouge & du jaune fait toutes les trois couleurs. On voit par-là que l’on est en état de peindre sur la porcelaine avec une palette garnie d’un aussi grand nombre de couleurs que celle d’un peintre à l’huile.

Il y a cependant une remarque essentielle à faire qui apporte une espece de différence entre la peinture sur la porcelaine & la peinture en émail. Pour transporter la couleur des métaux, ou plutôt celle de leurs chaux, sur l’émail, on est obligé de joindre à la chaux de ces métaux un verre, qu’on appelle fon-