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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/130

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ques places situées sur des rivieres, où il y a des ports, comme celui de la Seine à Rouen, celui de la Garonne à Bordeaux, celui de la Tamise à Londres, celui de l’Elbe à Hambourg, & tant d’autres. Enfin le mot port se prend en divers sens, qui en marquent les avantages ou les inconvéniens. Ainsi,

Le port, ou havre de barre, est un port dont l’entrée est fermée par un banc de roches ou de sable, dans lequel on ne peut entrer que de pleine mer.

Le port de havre, ou de toute marée, est celui où les vaisseaux peuvent entrer en tout tems, y ayant toujours assez de fond.

Le port, ou havre brute, est celui qui est fait par la nature, & auquel l’art n’a en rien contribué. Les Américains donnent le nom de cul-de-sac à ces sortes de ports.

On distingue généralement les ports en naturels & artificiels. Entre les ports naturels il s’en trouve de retirés ou enfoncés dans le rivage en forme d’amphithéatre, propres à mettre en sûreté les navires qui s’y retirent contre l’impétuosité des vents & orages. Les autres anticipent dans la mer, & s’avancent en forme de croissant, dont les cornes recourbées laissent une ouverture propre à recevoir les vaisseaux.

Thucydide a remarqué que la ville d’Athènes avoit trois ports naturels, aussi bien faits que s’ils eussent été construits par l’industrie des hommes pour leur sûreté & leur commodité. Tel étoit anciennement le port de Carthage la neuve, ville d’Espagne sur la Méditerranée. Ce port étoit le plus assûré de toute l’Espagne, & capable de contenir les plus grandes flottes. Tite-Live le décrit au XXVI. livre de son histoire. C’est sur le modele de ce port que Ludovicus Nonnius, médecin espagnol, dit que Virgile l’a dépeint dans son premier livre de l’Enéïde par ces mots :

Est in secessu longo locus, insula portum
Efficit objectu laterum quibus omnis ab alto
Frangitur, inque sinus scindit sese unda reductos.
Hinc atque hinc vastæ rupes, geminique minantur
In cœlum scopuli, quorum sub vertice latè
Æquora tuta silent.

« On voit dans le fond une baye assez profonde, & à son entrée une isle, qui met les vaisseaux à l’abri des vents, & forme un port naturel. Les flots de la mer se brisent contre les rivages de cette isle. A droite & à gauche sont des vastes rochers, dont deux semblent toucher le ciel, & entretiennent le calme dans ce port. »

Il y a d’autres ports naturels qui par l’industrie & le travail des hommes sont devenus beaux, sûrs, & de facile abord. Tels sont presque tous ceux mentionnés dans l’histoire de Strabon, Pline, & d’autres auteurs des livres de Géographie. Les Grecs & les Latins appellent ces ports catones ou cotones, suivant le témoignage de Festus, qui dit catones seu cotones appellantur portus in mari tutiores arte & manu facti. Tel étoit le port de la ville de Carthage en Afrique, par lequel Scipion commença d’y mettre le siege, au rapport d’Appian, qui dit, ineunte deinde vere, Scipio Byrsam simul & portum, quem cotonem vocant, agressus est. Strabon, parlant de la ville de Pouzzole près de Naples, dit qu’elle étoit devenue avec le tems une riche cité, à cause du trafic facilité par les havres & les ports que les habitans y avoient faits. Urbs autem amplissimum factum est emporium, manufactos cotones & stationes habens. On perfectionne les ports naturels par des moles, des jettées, & par des défenses qui les mettent à couvert de l’ennemi.

Au défaut des ports naturels, les souverains peuvent faire construire des ports artificiels, soit pour augmenter le négoce établi chez eux, soit pour l’y attirer, en pourvoyant par ce moyen à la sureté des vaisseaux qui y aborderont. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Ports antiques, (Archit. antiq.) les ports les plus recommandables dans l’antiquité sont ceux de Tyr, de Carthage, de Micenes, d’Alexandrie, de Syracuse, de Rhodes, de Messine. Nous nous bornerons à donner une idée succinte des ports de Tyr & de Syracuse, pour qu’on puisse juger quel étoit le goût des anciens en ce genre.

Il y avoit deux ports à Tyr. Le plus grand étoit presque ovale, & contenoit plus de 500 bâtimens. Il étoit situé au nord de la ville qui le couvroit des vents du midi. Au côté opposé étoit une petite île de rochers qui lui rompoit la mer ; & au levant il avoit la côte de Phénicie, où il étoit abrié par les montagnes du Liban.

Deux moles fondés à pierres perdues à la profondeur de 25 à 30 piés d’eau, dirigés en portion de cercle & s’étendant dans la mer, formoient l’entrée de ce port. Un troisieme mole couvroit l’entrée, & en la garantissant de l’impétuosité des vagues, abrioit les vaisseaux. Deux tours fort élevées, situées aux têtes de ce mole, & sur les extrémités des deux premiers, servoient à défendre les deux embouchures que ces moles formoient, & on y allumoit des fanaux pour indiquer pendant la nuit aux navigateurs, la route qu’ils devoient tenir pour y entrer.

Le second port de Tyr destiné pour les vaisseaux marchands, n’a rien de remarquable que son entrée qui étoit décorée d’une magnifique architecture, & couverte d’un mole avancé pour empêcher que les vent du midi n’en rendissent l’accès difficile.

Le port de Syracuse a été aussi un port très-célebre. Il avoit 10600 toises du nord au sud, & environ 1600 de l’est à l’ouest. La ville l’abrioit du côté du nord, des montagnes du côté du sud & au couchant, & il étoit couvert du côté de la mer par le promontoire Plemmyre & par l’île d’Ortigie.

Les curieux trouveront la description des autres ports dans l’Hydrographie du P. Fournier, & dans l’architecture hydraulique de M. Bélidor, & ils verront aussi les ports de Toulon, de Marseille, d’Antibes, & autres des modernes. (D. J.)

Port, (Littérat. grecq.) la plupart des mots dont les Grecs se servent pour exprimer un port & ses dépendances, λιμὴν, ὅρμος, ναύσταθμος, νεώρια, νεώσοικος, στόμα, μυχὸς, οὐροὶ, &c. mots qu’il ne faut pas confondre ensemble.

Λιμὴν est proprement le port ; ὅρμος, est tout lieu où les vaisseaux sont à l’ancre ; ὁμὸς, quasi, ἕρμα, fulcrum stabilimentum ; mais on se sert aussi de ce mot pour signifier port en général.

Ναύσταθμος, navale, est le lieu du port où sont les vaisseaux, ὁποῦ νῆες ἑστήκασι. Aussi Eustathe appelle ναύσταθμον, une assemblée, un amas de vaisseaux. Il est vrai que les Latins appelloient encore navalia, les lieux où l’on construisoit les vaisseaux ; & c’est par cette raison que les navalia se nommoient aussi textrina : car selon la remarque de Gronovius, texere est le mot propre pour signifier construire un vaisseau.

Νεωρία & νεώσοικος, signifient une même chose, savoir de petites loges que l’on bâtissoit dans le port, & où l’on mettoit les vaisseaux à couvert : chacune de ces petites loges contenoit un vaisseau, & quelquefois deux. Homere appelle cette sorte de petites loges ἐπίστιον, ioniquement pour ἐφέστιον.

Il faut remarquer que ναύσταθμος differe de νεώριον & de νεώσοικος, comme le tout de la partie ; car νεώριον ou νεώσοικος, n’est autre chose qu’une petite loge de vaisseau, & ναύσταθμος est l’assemblage de toutes ces petites loges : quelques intrepretes s’y sont trompés.

Στόμα est l’entrée du port. Les Latins la nomment ostium : ante ostium portûs acie instructâ steterunt, dit Tite-Live. Leur flote rangée en bataille, se présenta à l’entrée du port. Et Virgile dans le premier livre de