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Doctrine de Galien sur le pouls. Cette doctrine que Galien a puisée chez les anciens médecins, mais qu’il s’est comme appropriée par les changemens & les additions essentielles ou inutiles qu’il y a fait, se trouve très-prolixement exposée dans dix-huit livres qui nous restent de cet auteur sur le pouls : savoir, 1°. de pulsibus libellus ad tyrones ; 2°. de pulsibus libri XVI. Cet ouvrage est divisé en quatre parties, dont la premiere traite des différences des pouls ; la seconde de la maniere de les connoître ; la troisieme contient les causes des pouls, & la quatrieme les signes qu’ils fournissent : 3°. synops. libror. XVI. de pulsib. Ceci n’est qu’une récapitulation, un abregé de ce qu’il a dit dans l’ouvrage précédent, où il ajoute quelques regles & quelques observations nouvelles. Dans l’extrait que nous allons en donner nous suivrons à-peu-près cet ordre, exposant d’abord les caracteres ou différences du pouls ; 2°. leurs causes ; 3°. les présages qu’on peut en tirer.

1°. Différences du pouls. Galien appelle pouls le double mouvement de l’artere par lequel elle s’affaisse sur elle-même & se distend ensuite en tout sens. Entre chaque mouvement il distingue un tems intermédiaire, ou repos. Il tire les premieres différences de la variété qu’il peut y avoir dans les trois dimensions que présentent la distension & la contraction de l’artere ; 2°. de la force ou de la foiblesse du coup que donne l’artere distendue ; 3°. de la promptitude ou de la lenteur avec laquelle l’artere s’éleve ou s’épanouit ; 4°. de la nature de ce coup, c’est-à-dire, de sa dureté ou de sa mollesse ; 5°. de la plénitude ou de la vacuité (qu’on me passe ce mot) de l’artere ; 6°. de l’égalité ou de l’inégalité qui se trouve dans ces différences ; 7°. de la proportion qu’on peut observer entre le tems de la distention & celui de la contraction. On peut appercevoir ces différences dans un seul pouls, c’est-à-dire, dans une seule pulsation, ou pour m’exprimer plus correctement dans une seule distension précédée ou suivie de sa contraction ; car pulsation ne désigne que l’abattement d’un seul point de l’artere, & par distension, on peut exprimer l’élévation de plusieurs parties de l’artere dans le même temps, ce qu’on observe lorsqu’on tâte le pouls avec plusieurs doigts, l’on sent alors plusieurs pulsations, & rien qu’une distension ou contraction. 8°. On tire aussi des différences que Galien appelle collectives de plusieurs pouls (pulsations) qui se succedent, & l’on peut y examiner leur fréquence, l’égalité ou l’inégalité des intervalles avec lesquels ils se suivent ; & la proportion, l’ordre, la régularité ou le desordre & l’irrégularité qu’ils observent.

Dans un seul pouls (pulsation ou distension) les différences qui se tirent de la quantité de mouvement forment le pouls vîte, lent & modéré, suivant le plus ou moins de tems que l’artere emploie à s’élever ou à s’abaisser.

La quantité de distension fournit neuf différences, trois pour chaque dimensions, & il en résulte 1°. le pouls long, court & moderé ; 2°. le pouls large, étroit & moderé ; 3°. le pouls haut, bas & moderé ; ces différences sont relatives à la situation de l’artere dans le corps ; car absolument parlant, dans un cylindre comme les arteres, il n’y a point de hauteur & de largeur proprement dites qui soient différentes ; par la combinaison de ces différentes especes, & en les associant ensemble, on forme vingt-sept especes de pouls simples. Exemple. Un pouls peut être en même tems long, large & haut ; dans ce cas il est appellé grand ; si toutes les dimensions sont moderées, il en résultera le pouls moyen ; le court, l’étroit & le bas forment le pouls petit ; celui qui est en même tems modéré (en longueur) large & haut est nommé turgidus, gonflé, crassus, épais ; il peut résulter d’autres combinaisons ; on a donné le nom de gréle ou

de tenu, tenuis, à celui qui est long & haut, mais modéré en largeur, ou étroit. Voyez la table de Galien, de differ. puls. lib. I. cap. v.

La nature du coup que le doigt appliqué sur l’artere sent, a établi trois divisions ou différences qui se subdivisent encore ; savoir, le pouls véhement, ou fort, foible & modéré, selon le degré de force du coup ; 2°. le pouls dur, mol, que les jeunes médecins, dit Galien, confondent souvent avec le plein, le vuide qui forment la troisieme différence. Le pouls plein est, suivant la définition d’Archigene, celui qui présente au doigt une artere distendue, remplie, avec un gonflement humide, occursum humidè tumidum ; le pouls vuide au contraire fait paroître l’artere semblable à une bulle, bullosam facit elevationem, qui se dissipant tout de suite, laisse le doigt isolé.

Galien prétendant contre quelques médecins, que la contraction de l’artere est sensible, distingue deux repos ; l’un qui termine, suivant lui, la contraction, & commence la distension ; il est intérieur, & relativement à nous, inférieur. L’autre externe & supérieur suit la distension, & précéde la contraction ; ceux qui nient qu’on puisse sentir la contraction, prennent pour repos l’intervalle qui se trouve entre deux mouvemens apparens, c’est-à-dire, entre deux pulsations ; ceux du parti opposé multiplient beaucoup les différences qu’ils prétendent déduire de ces repos mitoyens. Quoi qu’il en soit, lorsque le doigt est frappé par l’artere, on peut distinguer deux tems, l’un relatif à la promptitude avec laquelle les parois de l’artere sont distendus & contractés ; & l’autre relatif à l’intervalle écoulé entre deux ou plusieurs pulsations : le premier pouls est appellé vîte, & le second fréquent : on leur oppose les pouls lent & rare. Delà naît le rythme ou cadence, qui n’est autre chose que la proportion qu’il y a entre le tems du mouvement & celui du repos. Ceux qui croient sentir la contraction, ont distingué dans ce tems les mêmes différences que dans la distention d’où ils ont pu tirer vingt-sept autres especes de pouls ; & en les combinant avec ceux de la distension. On peut en former plus de deux cens especes ; je laisse à décider combien ces divisions minutieuses sont difficiles à saisir, arbitraires & inutiles.

La proportion qui constitue le rythme, ne demande pas une parfaite égalité ; elle varie suivant les âges, les tempéramens, les tems de l’année, les climats & d’autres circonstances. Voyez Rythme, A Rythme, en Rythme, para Rythme, Hetero Rythme, &c. à leur article, ou au mot Rythme. Elle se trouve souvent jointe avec l’inégalité dans le nombre, la vîtesse, la force, la grandeur & la fréquence des pulsations, pourvu que cette inégalité suive un certain ordre ; par exemple, le tems de la contraction peut être double, triple, quadruple de celui de la distension, suivre les progressions arithmétiques ou géométriques ; un rythme constant fait les pouls bien ordonnés, reglés ou réguliers. Le pouls arythme dérange l’ordre, trouble la régularité ; le pouls est toujours régulier, quand il est parfaitement égal ; mais le défaut d’égalité n’emporte pas toujours le défaut d’ordre ; il subsiste lorsque les retours des inégalités sont semblables ; si après deux pulsations égales il en vient pendant plusieurs périodes une troisieme inégale, le pouls sera inégal régulier ; si telle pulsation inégale n’observe dans ses retours aucun ordre, le pouls sera inégal, irrégulier ; l’inégalité peut regarder la vîtesse, la fréquence, la dureté, la grandeur, &c. & le pouls peut être en même tems égal & inégal sous des rapports différens ; il y a aussi des inégalités que Galien appelle égales ; on ne peut les appercevoir que dans l’assemblage de plusieurs pulsations ; elles se rencontrent lorsque les différences, qui constituent l’inégalité, sont dans une égale