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13°. hinen yong, apostême profond & dangereux. Ce pouls est semblable au battement qu’on sent dans une partie enflammée prête à suppurer.

14°. L’yn ynen, il est comme une pilule bien ronde ; il s’échappe de dessous le doigt, lorsqu’il n’est pas bien appuyé.

15°. L’yn kiong a ses battemens très-forts & très-élevés : on le compare à un pilon.

16°. ju tchoni qui semblable à l’haleine d’un homme qui souffle, paroît sortir toujours au-dehors, & ne jamais rentrer.

17°. Le pié lié, roulade de tonnerre : ce pouls est d’abord assez tranquille, ensuite viennent plusieurs battemens qui se succedent avec précipitation : enfin le pouls disparoît à-peu-près comme un léger orage qui se dissipe.

18°. L’y débordant ; ce pouls semble indiquer que le sang, au lieu de suivre son chemin, se détourne & monte sur l’yn tri qui est l’extrémité par laquelle le premier & le plus gros os du pouce tient au carpe.

19°. Le ton retournant, qui fait paroître comme si le sang trouvant un obstacle, étoit obligé de revenir sur ses pas : on l’appelle aussi quelque fois koan ké, grille au passage, sans doute pour exprimer le passage embarrassé.

20°. Enfin on peut ajouter à ces différences exposées dans l’ouvrage d’Ouang chon ho, quelques autres especes de pouls monstrueux qu’on trouve dans Cleyer, Barchusen, dans les Ephémerides des curieux de la nature, & dans le livre de M. le Camus. Tels sont les pouls qu’on a cru ressemblans à un pole, à un homme qui défait sa ceinture, ou qui voulant entortiller quelque chose, n’a pas assez d’étoffe pour faire le tour, à l’impulsion de deux petites féves, aux oscillations d’une corde tendue, au mouvement de la racine de certaines plantes dans l’eau, qui surnage d’abord, & va ensuite au fond, & qu’on a appellé, pour exprimer leur danger, le pouls qui traîne le cadavre au tombeau, qui pleure sur le cadavre, qui emporte le cadavre, cadavre enséveli, cadavre volant, &c. &c.

Causes du pouls. C’est le mouvement, disent les Chinois, qui fait le pouls : ce mouvement est causé par le flux & le reflux du sang & des esprits qui sont portés à toutes les parties du corps par douze routes principales. Le sang coule dans les vaisseaux & les esprits en dehors ; ils sont l’un & l’autre dans un mouvement continuel de circulation. Ces termes traduits fidelement du chinois, sont remarquables ; ils prouvent évidemment que ces peuples connoissoient depuis bien long-tems ce mouvement du sang, qu’on croit avoir été inconnu aux anciens Grecs & Arabes, & dont la découverte a immortalisé Harvey parmi nous. A chaque respiration, le pouls bat communément quatre fois ; & le sang & les esprits font six pouces de chemin : comme dans douze heures chinoises qui font un jour & une nuit, on compte treize mille cinq cens respirations ; le chemin d’un jour doit donc être de huit cent dix tchang, ou huit mille piés de dix pouces : or le plus long chemin du sang & des esprits dans le corps humain, n’étant que de seize tchang & deux piés, il resulte qu’ils font dans un jour & une nuit, cinquante fois le tour de tout le corps. La pression & l’agitation des parois des vaisseaux excitées par le mouvement du sang & des esprits, constitue proprement le pouls qui seroit par-tout égal & toujours régulier, s’il n’étoit dû qu’à cette cause ; mais le battement des arteres est diversement modifié par l’action des différens organes des saisons, des âges, du sexe, &c.

Les Chinois distinguent dans le corps cinq visceres principaux qu’ils appellent tsang, qui sont le cœur, le foie, l’estomac, les poumons & les reins : à ceux-ci sont soumis six autres moins nobles nommés fon : au cœur, les intestins grêles ; au foie, la vésicule du fiel ;

à l’estomac, le cardia ou l’orifice supérieur de ce viscere ; aux poumons, les intestins gros ; au rein droit communément appellé la porte de la vie, les trois tsino ou foyers ; & au rein gauche, la vessie : ils appellent au reste tsino ou foyer, des parties qui ne sont point des visceres sensibles & distincts, mais qui aident à l’action des autres organes ; l’un est supérieur, placé à la région du cœur, il retient & resserre, & aide au cœur & aux poumons, à gouverner le sang & les esprits ou l’air : l’autre placé au milieu, au bas du sternum, favorise la digestion ; & le troisieme, inférieur sert à séparer & à pousser : sans lui le foie & les reins ne pourroient filtrer leurs liqueurs : chacun des visceres principaux, avec ceux qui leur répondent, manifestent leur action en différens endroits du pouls.

Le cœur agit particulierement sur le pouls du carpe de la main gauche, & il y est dans l’état naturel, assez plein & regorgeant.

Le foie influe sur la partie qui répond à la jointure du même côté ; & lorsqu’il est dans sa situation ordinaire & sain, il rend ce pouls trémuleux, long.

Le pouls propre à l’estomac, est celui du carpe de la main droite ; son état naturel est une lenteur modérée.

Le poumon affecte le pouls de la jointure du poignet droit, & le rend lorsqu’il est sain, superficiel, aigre, court.

Le pouls des reins est celui du cubitus au bras du côté droit pour le rein droit, & au bras du côté gauche pour le rein gauche : son état naturel, sur-tout en hyver, est d’être profond & glissant.

Les saisons ont une très-grande influence sur le pouls : elles décident ceux qui sont propres à chaque viscere, & lui donnent un caractere particulier dominant : ainsi dans la premiere & seconde lune, c’est-à-dire les deux premiers mois du printems, c’est le pouls du foie qui domine, & qui doit avoir un mouvement de trémulations longues. Dans la quatrieme & cinquieme lune, ou les deux premiers mois d’été, le pouls du cœur prend le dessus, & il est regorgeant. Dans la septieme & huitieme lune, c’est le pouls du poumon qui devient plus général, & qui doit être superficiel, court & aigre. A la dixieme & onzieme lune, répond le pouls des reins qui est profond, délié : enfin à toutes les dernieres lunes de chaque saison, vient le tour du pouls de l’estomac, qui doit avoir une lenteur modérée ; son mouvement est doux & un peu lent, comparable à celui des branches d’un beau saule qu’un petit zéphir agite au printems.

L’influence des élémens & des planetes correspondant à celle des saisons, se manifeste sur le pouls : il y a cinq élémens, la terre, le bois, le métal, le feu & l’eau. La terre répond à Saturne, à la fin de chaque saison, à l’estomac & au pouls du carpe droit ; le bois à Jupiter, au printems, au foie & au pouls de la jointure du côté gauche ; le métal à Venus, à l’automne, au poumon & au pouls de la jointure du côté droit ; le feu à Mars, à l’été, au cœur & au pouls du carpe gauche ; & enfin l’eau à Mercure, à l’hiver, aux reins & aux pouls du cubitus.

Les impressions bien ménagées de ces différentes causes entretiennent le pouls dans son état naturel : deux causes principales alterent son rythme, & troublent son harmonie, les passions & les maladies. Les Chinois distinguent sept différentes affections de l’ame, relativement à leurs effets sur le pouls. 1°. La joie rend le pouls modérément lent ; 2°. la compassion le fait court ; 3°. la tristesse, aigre ; dans l’inquiétude rêveuse, il devient embrouillé ; 5°. dans la crainte, il est profond ; 6°. la frayeur subite l’agite ; 7°. la colere le rend enfin serré & précipité. Quant aux variations qu’occasionnent les maladies sur le pouls, elles sont en trop grand nombre pour pouvoir être exactement détaillées : il suffit de savoir en général