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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/226

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pulsations, ensuite le pouls propre aux différentes saisons, aux différens organes, aux sexes, & aux circonstances particulieres où les femmes peuvent se trouver, aux tempéramens, aux âges, à la taille, &c. Si le pouls répond exactement à tous ces différens objets, la santé est parfaite & elle sera constante ; s’il s’éloigne de ce juste milieu, dès-lors il y a maladie ou disposition plus ou moins prochaine : or il peut s’en éloigner si sa vîtesse augmente ou diminue, si les pulsations ne sont pas long-tems égales, si pendant une saison on ne trouve pas le pouls conforme ou qu’on y trouve le pouls d’une autre saison ; si de même les différens pouls ne répondent pas aux visceres analogues, s’ils sont altérés, ou s’ils ont simplement changé de place ; si dans un homme on trouve le pouls d’un enfant ou d’une femme, &c. ou si enfin on observe quelqu’un des pouls externes, internes, mortels ou monstrueux, que nous avons exposés.

L’excès de vîtesse dans le pouls indique un excès de chaleur ; elle est modérée si le pouls bat six fois dans un adulte pendant une respiration, elle est très considérable s’il bat sept, le danger est fort grand s’il bat jusqu’à huit fois, & le malade expire s’il y a un plus grand nombre de battemens. La lenteur du pouls est un signe de froid ; à mesure qu’elle augmente, elle dénote un froid plus grand & le danger plus pressant, au point que si pendant deux respirations le pouls ne bat qu’une fois, la mort est prochaine.

Cinquante pulsations égales & sans intermittences sont un signe de santé ; si le pouls s’arrête avant d’avoir battu cinquante fois, il n’est pas naturel, il indique maladie d’autant plus grave, que le nombre des battemens après lesquels il s’arrête est plus petit. Si au bout de quarante battemens le pouls s’arrête, un des cinq tsang ou principaux visceres est gâté, le malade ne doit pas passer quatre ans ; si c’est après trente, la mort survient après trois ans, & l’intermittence à chaque vingtieme annonce la mort dans deux ans ; l’intermittence plus fréquente dénote un danger plus pressant & une mort plus prompte, &c.

Les dérangemens qui arrivent dans le pouls par rapport aux saisons sont plus ou moins dangereux ; en général avoir au printems le pouls de l’estomac ; en hiver, le pouls du cœur ; en été, celui du poumon ; en autonne, celui du foie, c’est un très-mauvais signe : cependant si au printems on observe le pouls propre à cette saison, qui est celui du foie, combiné avec le pouls de la derniere lune de chaque saison ou de l’estomac, la maladie n’est pas dangereuse & on guérit assez souvent sans remedes, alors le pouls est trémuleux, long, & en même tems un peu lent ; mais s’il perdoit sa trémulation, & qu’il n’eût que la lenteur du pouls de l’estomac, le danger seroit pressant. Si les pouls propres aux saisons se dérangent de façon, dit l’auteur que nous analysons, que l’enfant soit soutenu par sa mere, le mal n’est pas grand ; mais si la mere charge l’enfant, la maladie sera longue : il en est de même si le mari & la femme ne se tiennent pas dans l’ordre. Cette façon allégorique de s’exprimer est fondée sur la sympathie, la dépendance mutuelle des visceres, & l’espece de filiation qu’ils ont établie entr’eux ; & pour éclaircir le passage que je viens de rapporter, je n’ai qu’à développer le rôle que les Chinois font jouer à chaque viscere dans cette famille : ils pensent que les reins sont la mere du foie qui a l’estomac pour épouse & le cœur pour fils, que le cœur est le mari du poumon & le pere de l’estomac ; ainsi lorsqu’ils disent que l’enfant est soutenu par la mere, ils veulent faire entendre qu’un viscere prend le pouls de celui qui passe pour son fils, ainsi dans l’exemple proposé : la maladie n’est pas sérieuse, si, lorsque le pouls de l’estomac est haut & regorgeant, celui du cœur (qui est son pere) prend la lenteur modérée qui lui est propre ; si la mere charge l’enfant,

ajoute-t-il, la maladie sera longue, c’est-à-dire, si les reins communiquent leur mal au foie, ou le foie au cœur. Avec cette clé on peut résoudre les autres énigmes semblables. « Dans le printems avoir le pouls du poumon, poursuit Ouang chon no, cela est mortel, pour le pouls du cœur passe ; car le cœur est le fils du foie qui a les reins pour mere & l’estomac pour épouse ». Ce prognostic est fondé sur ce que le métal, comme nous avons dit, répond au poumon & le printems au bois, & que le métal détruit le bois, d’où il suit que le malade doit être détruit ; telle est l’explication de tous leurs autres axiomes, je crois que c’en est aussi le fondement ordinaire.

On peut juger par-là du danger qui accompagne les transpositions des pouls propres aux différens visceres ; mais ces pouls non-seulement peuvent changer de place, ils s’alterent souvent d’une autre façon & prennent des caracteres plus ou moins dangereux : on peut assurer en général qu’un viscere est sain lorsque son pouls a au-moins quarante-cinq battemens consécutifs sans une interruption considérable. Si le pouls du carpe gauche ou du cœur, après ces quarante-cinq battemens égaux, cesse ou change peu de tems, il n’y a pas grand danger ; si le pouls, après avoir battu trente-une fois, se plonge & tarde notablement à revenir comme auparavant, le malade mourra la saison suivante, &c. si le pouls propre au foie qui est celui de la jointure du poignet gauche, après vingt-six battemens convenables, se plonge & devient profond sans cependant tarder à revenir tel qu’il doit être, c’est signe de chaleur excessive & ventosités dans le foie ; si, après vingt-neuf battemens, il devient aigre & paroît vouloir se cacher, le foie est très-mal affecté, il y a obstruction considérable, les jointures des membres s’en sentent, cela va communément de mal en pis jusqu’à la mort qui s’ensuit ; si, après dix-neuf battemens, il se plonge & se releve alternativement, le foie est entierement gâté, il ne fait plus ses fonctions, & il n’y a plus rien à attendre de la vertu des remedes.

Le pouls du cubitus gauche ou du rein gauche indique chaleur & ventosité dans ce rein, lorsqu’on le sent précipité ou trémuleux long ; s’il devient tout-à-coup très-lent, c’est signe de froid, le mal est très dangereux, demande un prompt secours, beaucoup de soin & de dépense ; si, après vingt-cinq battemens égaux, ce pouls se plonge, ce rein est gâté & ne fait plus ses fonctions : toute l’habileté du médecin ne sauroit sauver le malade, à-peine pourra-t-on différer la mort de peu de jours.

Si le pouls du carpe droit, propre au poumon, se trouve très-précipité, le poumon a souffert de l’air extérieur ; & si, en continuant à compter les battemens & à observer le pouls, « vous trouvez, dit l’auteur, qu’après vingt-sept battemens il devienne considérablement lent, le poumon n’a plus le degré de chaleur nécessaire, ne dites pas c’est peu de chose, remédiez-y promptement ; sans cela, un matin vous trouverez que le pouls se plongera & replongera, que le malade abattu ne pourra quitter le lit, que le poumon ne fait plus ses fonctions, & vous vous repentirez d’avoir dit d’abord que ce n’étoit rien. Que si, après douze autres battemens, le pouls disparoît encore, ou change notablement, bien-tôt le malade sera tourmenté d’une toux fâcheuse, accompagnée ou suivie de crachats mélés de pus, les forces lui manqueront, ses cheveux se hérisseront ; & le fameux Tsin pien tsi ressuscitât-t-il pour le traiter, il ne le pourroit faire avec succès ».

Le pouls de la jointure du poignet droit, propre à l’estomac, devenant trop précipité, dénote que la digestion est troublée par trop de chaleur ; l’extrème lenteur de ce pouls désignera que le mal vient du froid, ce qui est plus ordinaire ; s’il arrive, comme