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De ceux qui marchent dans l’eau, il y en a qui marchent sur le ventre, d’autres sur le côté, & d’autres sur la tête & la queue. Les insectes de cette derniere sorte n’ont pas des jambes, ils ont un empatement à chaque extrémité du corps qui leur sert de pié, & par lequel ils savent s’attacher avec une force inconcevable aux corps où ils veulent se tenir. Quelques especes de ce genre ont la faculté de s’alonger & de se raccourcir à un point qui passe l’imagination, ce qui leur fait faire des pas d’une longueur demesurée.

Plusieurs insectes aquatiques, à proprement parler, ne marchent ni ne nagent ; mais par un ondoyement progressif de dessous leur corps, ils savent s’en procurer l’effet. Il y en a même qui sans qu’on puisse en aucune maniere s’appercevoir qu’ils fassent le moindre mouvement extérieur, glissent dans l’eau en tout sens & assez vîte ; plusieurs de ceux-ci sont des protées, qui changent pour ainsi dire de forme quand il leur plaît, & en revêtent quelquefois de si bisarres, qu’à moins que de les connoître on ne les prendroit jamais pour des animaux.

Voici d’autres diversités dans le mouvement des insectes aquatiques : on en voit qui nagent dans l’eau en ligne droite, remuant leur tête alternativement du côté droit & du côté gauche, tandis qu’ils remuent constamment la queue du côté opposé à celui de la tête, gardant toujours la figure de la lettre S. Il y en a qui nagent de côté & d’autre, avançant tantôt en ligne droite, & tantôt décrivant un cercle ou quelqu’autre courbe.

Le puceron aquatique a pour sa seule part trois différentes manieres de nager. Il y a quelques insectes qui s’élancent dans l’eau de haut en bas, indifféremment, avec une rapidité prodigieuse, comme fait le grand scarabée aquatique.

On en trouve qui se meuvent avec une lenteur extrème, comme les étoiles marines, tandis que d’autres nagent si rapidement qu’on ne sauroit les suivre à la vûe. Quelques-uns s’attachent pour se reposer aux corps solides qu’ils rencontrent ; d’autres se suspendent dans l’eau même, c’est ce qu’exécute la nymphe du moucheron avec les poils de sa queue ; d’autres marchent sur la superficie de l’eau, ou attachent les fourreaux dans lesquels ils logent à quelques pieces de bois, pour s’empêcher d’aller à fond ; enfin les insectes aquatiques ont non-seulement des façons de nager différentes, mais quelques-uns même réunissent toutes les différentes façons de nager.

De la progression des insectes qui vivent sur terre. On voit sur la terre des insectes qui n’ont ni piés ni aîles, & qui cependant se meuvent sans peine. Ils vont d’un lieu à un autre en serpentant par le secours des muscles de leurs anneaux, qui en se contractant rendent l’insecte plus court, & lui donnent le moyen de s’avancer, en dilatant les anneaux de la partie antérieure. On en voit qui avancent par une espece de ressort en se courbant, c’est ce que font les vers du fromage. Ils approchent leur tête de la queue, & ensuite ils s’étendent subitement comme un arc qui vient à se relâcher, ensorte qu’ils sautent beaucoup plus haut qu’ils ne sont longs. Ce qui facilite le mouvement élastique de tels insectes, est qu’ils ont à la partie antérieure, des crochets par lesquels ils s’accrochent à leur partie postérieure en faisant des efforts comme pour se redresser lorsqu’ils se sont pliés en double ; ces crochets lâchent tout-à-coup prise, & causent ces élancemens par lesquels l’insecte saute d’un lieu à un autre ; ce mouvement leur tient lieu des jambes & des muscles de la plûpart des insectes qui sautent.

Les insectes terrestres qui ont des piés ne marchent pas tous de la même maniere. Les uns vont en ligne

droite, & les autres courbent leur dos ; de cette derniere classe sont les chenilles arpenteuses. Il y en a qui courent de côté ; & dans ce rang sont les pouls aîlés des chevaux. D’autres tournent en cercle, de maniere que leur corps en tournant demeure à-peu-près toujours également éloigné du centre ; comme aux chauves-souris. Quelques-uns ne se meuvent qu’en sautillant, & sont pourvus pour cela de jambes longues & de cuisses fortes ; de ce nombre sont les tepules & les puces.

On en voit qui marchent avec une extrème célérité. M. Delisle a observé un moucheron presque invisible par sa petitesse, qui parcouroit plus de trois pouces en une demi-seconde, & faisoit dans cette espace cinq cens quarante pas ; il en faisoit par conséquent plus de mille en un de nos battemens communs d’arteres. Quelle souplesse ne faut-il pas pour remuer les pattes plus de cinq cens fois en une demi-seconde ! car les pattes de cet insecte pouvoient avoir de grandeur la quinzieme partie d’une ligne. Il faisoit donc dans l’espace d’une ligne quinze pas ou mouvemens.

On voit au-contraire d’autres insectes terrestres dont la démarche est extrèmement lente ; telle est celle de la chenille du cerfeuil ; mais le mouvement progressif de certaines orties de mer est encore bien plus lent, à peine parcourent-elles l’espace d’un pouce ou deux dans une heure.

Plusieurs de ceux dont le corps est long, s’aident à marcher par le moyen de leur partie postérieure, qu’ils recourbent sous eux, & dont ils se servent pour se pousser en avant. On en connoit qui frappent de la tête ; d’autres qui ruent du derriere ; les uns s’étendent lorsqu’ils prennent leur repos comme font la plûpart des chenilles ; les autres se recoquillent alors, comme font les serpens quand ils veulent dormir.

De la progression des insectes qui volent dans l’air. Parmi les insectes qui sont obligés de chercher leur nourriture dans l’éloignement ; les uns ont deux aîles, d’autres quatre, & d’autres de petits balanciers qui leur servent comme de contre-poids. Ces petits balanciers, ou ces petites boules, sont placées sous la partie postérieure des aîles, & elles tiennent au corps par un filet fort mince, qui sert à l’animal pour les mouvoir selon qu’il en a besoin. Chez les uns elles sont toutes nues, & chez les autres elles sont couvertes. Leur usage est de tenir le corps en équilibre ; elles sont aux insectes ce que les contre-poids sont aux danseurs de corde, & les vessies remplies d’air aux nageurs. Si on leur coupe une de ces boules, on s’apperçoit qu’ils panchent plus d’un côté que de l’autre ; & si on les leur ôte toutes deux, ils n’ont plus ce vol léger & égal qu’ils avoient auparavant, ils ne savent plus se diriger, & ils font des culbutes.

La plûpart des insectes n’ayant point de queue & de plumes comme les oiseaux, ont un vol fort inégal, & ne peuvent pas tenir leur corps en équilibre dans un élément si subtil, & qui cede aussi aisément. Swammerdam a pourtant trouvé une espece de papillons qu’il faut excepter de cette regle générale ; il a une queue à l’aide de laquelle il dirige son vol comme il veut.

Enfin parmi les insectes qui volent, les uns s’élevent dans l’air à une certaine distance de la terre, tandis que d’autres voltigent sans cesse à quelques lignes seulement de sa surface.

Réflexion sur la progression des insectes en général. Les membres de chaque insecte sont proportionnés au mouvement qu’ils doivent exécuter ; ceux qui glissent & rampent sur la terre, ont une humeur gluante dont ils sont abondamment pourvus ; ceux qui grimpent sur des corps polis, ont des petits crochets à leurs pattes ; ceux qui marchent ont des an-