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l’orateur soutient sa voix, & en regle l’élévation & l’abaissement sur des lois fixes qui l’empêchent d’aller haut & bas comme au hasard, sans garder d’ordre ni de proportion. Par la seconde il évite un des plus considérables défauts qu’il y ait en matiere de prononciation, la monotonie. Il y a encore un autre défaut non moins considérable que celui-ci, & qui en tient beaucoup, c’est de chanter en prononçant, & sur-tout des vers. Ce chant consiste à baisser ou à élever sur le même ton plusieurs membres d’une période, ou plusieurs périodes de suite, en sorte que les mêmes inflexions de voix reviennent fréquemment, & presque toujours de la même sorte.

Enfin la prononciation doit être proportionnée aux sujets que l’on traite, ce qui paroît sur-tout dans les passions qui ont toutes un ton particulier. La voix qui est l’interprete de nos sentimens, reçoit toutes les impressions, tous les changemens dont l’ame elle-même est susceptible. Ainsi dans la joie elle est pleine, claire, coulante ; dans la tristesse au contraire, elle est traînante & basse ; la colere la rend rude, impétueuse, entrecoupée : quand il s’agit de confesser une faute, de faire satisfaction, de supplier, elle devient douce, timide, soumise ; les exordes demandent un ton grave & modéré ; les preuves un ton un peu plus élevé ; les récits un ton simple, uni, tranquille, & semblable à-peu-près à celui de la conversation. Rollin, traité des Etudes, tom IV. pag. 618. & suiv.

Prononciation des langues, (Gramm.) la difficulté de saisir les inflexions de la voix propres aux langues de chaque nation, est un des grands obstacles pour les parler avec un certain degré de perfection. Cette difficulté vient de ce que les différens peuples n’attachent pas la même valeur, la même quantité, ni les mêmes sons aux lettres ou aux syllabes qui les représentent ; dans quelques langues on fait des combinaisons de ces signes représentatifs qui sont totalement inconnues dans d’autres. Il faut d’abord une oreille bien juste pour apprécier ces sons lorsqu’on les entend articuler aux autres, & ensuite il faut des organes assez flexibles ou assez exercés pour pouvoir imiter soi-même les inflexions ou les mouvemens du gosier que l’on a entendu faire aux autres ; la nature ou un long exercice peuvent seuls nous donner la facilité de prononcer les langues étrangeres de la même maniere que ceux qui les ont apprises dès l’enfance ; mais il est rare que les organes soient assez souples pour cela, ou que l’on s’observe assez scrupuleusement dans la prononciation des langues que l’on a voulu apprendre. Joignez à ces obstacles que souvent ceux qui enseignent les langues n’ont point le talent de rapprocher les différentes manieres de prononcer la langue qu’ils montrent de celles qui sont connues dans la langue du disciple qui apprend. Cependant à l’exception d’un très-petit nombre d’inflexions de voix ou d’articulations particulieres à quelques nations & inconnues à d’autres, il semble que l’on pourroit parvenir à donner à tout homme attentif la faculté de prononcer, du-moins assez bien, les mots de toutes les langues actuellement usitées en Europe. Le lecteur françois verra, qu’à quelques exceptions près, toutes les différentes articulations, soit des Anglois, soit des Allemands, soit des Italiens, &c. peuvent être représentées de maniere à pouvoir être saisies assez parfaitement.

En exceptant les seuls Anglois, tous les peuples de l’Europe attachent les mêmes sons aux quatre premieres voyelles A, E, I, O, la voyelle U souffre des différences. A l’égard des consonnes seules, elles ont à-peu-près les mêmes sons dans toutes les langues, mais lorsqu’elles sont combinées on leur attache une valeur très-différente. Les aspirations gutturales qui sont usitées dans quelques langues, sont entierement ignorées dans d’autres. Il est très-difficile

de les peindre aux yeux, & l’on est obligé de tâcher d’exprimer le mouvement des organes pour en donner une idée à ceux dans la langue de qui ces sortes d’aspirations sont inconnues. La différence de la quantité fait un obstacle très-grand à la prononciation des langues ; c’est de cette différence que résulte l’accent d’une langue ou sa quantité ; on a tâché de distinguer cette prosodie par les signes qui marquent les longues & les breves dans les exemples qui seront rapportés dans cet article. Enfin la langue françoise fait un usage très-fréquent de syllabes nazales, comme dans les mots en, on, intention, &c. sur quoi il faut bien remarquer que ces sons nazaux sont presqu’entierement bannis de presque toutes les autres langues qui font sonner les n, & qui prononceroient les mots susdits enn, onn, inntenntionn.

Nous remarquerons en dernier lieu que presque toutes les nations de l’Europe prétendent que leur ortographe est la meilleure en ce qu’elles écrivent comme elles prononcent. Cette prétention est très peu fondée ; & si elle avoit lieu pour une langue, ce seroit pour l’espagnole plutôt que pour aucune autre.

Parmi toutes les langues modernes il n’y en a point dont la prononciation s’écarte plus de celle de toutes les autres que la langue angloise, c’est aussi cette langue qui va nous fournir le plus grand nombre d’exemples d’irrégularités. Ce sont les seuls points auxquels nous nous arrêterons, vû que des volumes suffiroient à peine si on vouloit donner la prononciation des mots de toute cette langue & des autres, avec les exceptions continuelles que l’usage y a introduit. On a déja remarqué que les Anglois attachent des sons différens de tous les autres peuples au cinq voyelles A. E. I. O. U. Cette prononciation bizarre peut se rendre en françois par ai, i, aï, o, iou. L’O des Anglois est un son qui tient le milieu entre l’A & l’O des autres peuples. Cette regle pour la prononciation angloise des voyelles souffre des exceptions perpétuelles qu’il n’y a que l’usage qui puisse apprendre ; băck, le dos, se prononce en anglois comme on doit le faire en françois, au-lieu que bake, cuire, se prononce comme on feroit bāic. L’E des Anglois se prononce comme I dans les autres langues, ce qui souffre encore des exceptions infinies. A la fin des mots il se mange, ou est muet, & il se transpose lorsqu’il est suivi d’un R. Baker, boulanger, se prononce baikre. Deux E E font toujours un I long ; meet, rencontrer, se prononce mīt. L’I des Anglois se prononce aï̆ ; iron, fer, fait aï̆ronn. Suivi d’un R à la fin d’un mot, il se prononce eŭrr ; sir, monsieur, fait seŭrr. L’J consonne en anglois se prononce comme dg ; James, Jacques, fait en françois dgāims. L’O des Anglois tient le milieu entre l’A & l’O des autres peuples : frŏck, d’un autre côté, smoke, fumée, se prononce long, smōk. Les deux O O combinés se prononcent toujours comme ou ; moor, marais, feroit en françois mour. Or à la fin d’un mot est mangé & prononcé comme re ; mayor se prononce maire. L’U voyelle des anglois se prononce iou ; duke, duc, se prononce diouk ; mais dans duck, canard, il se prononce doc. L’V voyelle se prononce en anglois comme en françois ; le double W se prononce comme ou ; water, eau, se prononce comme ouātre.

Quant aux diphtongues, en anglois, ai fait āi comme en françois, au & aw, font un a long ; law, loi, fait lā ; ea fait tantôt I : eat, manger, se prononce īte : quelquefois il se prononce comme e ; pleasure fait pléjeurr : eu ou ew font iou ; crew fait criou ; ey fait comme é ; sidney fait sidné : ou se prononce aŏn très bref ; graound, terrein, fait grande : ow fait ō long ; bowl se prononce bāule. Les mots an-