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V. Partie ; les notes de M. Perrault, sur Vitruve ; & son ouvrage intitulé, Ordonnance des cinq especes de colonnes. Daviler. (D. J.)

Proportion de tuyaux, (Hydr.) Voyez Tuyau.

Proportion, (Jardinage.) la proportion ordinaire des jardins d’une médiocre étendue, est d’être un tiers plus longs que larges & même de la moitié, afin que les pieces en deviennent barlongues & plus agréables. Quand une place présente une forme deux fois plus longue que large, elle ne forme qu’un boyau.

Cette régle, au reste, n’a lieu qu’à l’égard des petits jardins.

Dans les pieces découvertes d’un jardin, comme seroient deux bosquets découverts sur les aîles d’un parterre ; il faut une certaine proportion, afin que l’on ne fasse pas paroître petite la piece qui accompagne ce parterre ; l’économie & le bon goût doivent décider dans cette occasion.

Si l’on veut pratiquer dans un bosquet une salle de verdure, & dans le milieu un bassin ou piece d’eau, loin de consommer pour cette salle la plus grande partie du terrein, en ôtant ce qui est nécessaire pour garnir le bois, il faut au contraire proportionner la grandeur de cette salle ou de la piece d’eau à l’étendue du bois.

Proportion, (Peint.) la proportion consiste dans les différentes dimensions des objets comparées entr’elles.

M. de Watelet dont nous tirerons cet article, croit que les premieres idées d’imitations dans la sculpture & dans la peinture, se sont portées naturellement à faire les copies égales aux objets imités : l’opération d’imiter de cette maniere est moins compliquée ; par conséquent elle est plus facile. Elle est moins compliquée en ce que, par l’effet d’une relation immédiate ; on exécute simplement ce que l’on voit, comme on le voit. Par cela même, elle est plus facile. Elle l’est encore, parce qu’à l’aide des mesures les plus simples, on peut s’assurer si l’on a réussi, & se corriger si l’on s’est trompé.

Les mesures sont donc les moyens par lesquels on parvient à s’instruire des proportions, & à en donner des idées justes.

Nous n’avons point de détails écrits sur les mesures que les Grecs employoient à régler la proportion ; leurs ouvrages didactiques sur les arts ne sont pas parvenus jusqu’à nous ; mais nous connoissons leurs statues. Heureux dans la part que la fortune nous a faite, nous ne devons pas nous en plaindre. Les beaux ouvrages valent mieux que les préceptes.

Les Allemands & les Italiens qui ont travaillé sur cette partie, tels qu’Albert Durer & Paul Lomazzo, font servir à mesurer le corps humain, une partie même de ce corps. Cette mesure est une espece de mesure universelle qui n’a rien à craindre des changemens d’usage, ou des variétés de dénomination.

Les uns mesurent la figure par le moyen de la longueur de la face : ce qu’on appelle la face, c’est l’espace renfermé depuis le menton inclusivement, jusqu’à l’origine des cheveux qui est le haut du front. D’autres prennent pour mesure la longueur de la tête entiere ; c’est-à-dire une ligne droite, qui, de la hauteur du dessus de la tête, se termine à l’extrémité du menton.

On sent qu’on ne doit pas mettre une importance considérable dans le choix de ces manieres de mesurer ; & que chaque artiste peut à son gré, choisir dans celles qu’on a imaginées, ou s’en faire une qui lui convienne.

Ce qui est certain, c’est que le trop grand détail des mesures est sujet à erreurs ; l’occasion la plus ordinaire de ces erreurs se présente, lorsqu’on mesure

les parties qui ont du relief. Il est très-facile alors d’attribuer à la longueur d’un membre, l’étendue des contours occasionnés par les gonflemens accidentels des muscles & des chairs.

Au reste, il est très-peu d’usage d’employer en peinture les mesures détaillées, parce qu’elles ne peuvent avoir lieu lorsqu’un objet se présente en raccourci. D’ailleurs, leur usage froid & lent ne convient guere à un art qui veut beaucoup d’enthousiasme. Il faut cependant que les peintres aient une connoissance réfléchie de ces mesures, & qu’ils les aient étudiées en commençant à dessiner.

Le moyen de rendre l’étude des mesures réellement utile, est de la fonder premierement, sur l’ostéologie.

Les os sont la charpente du corps ; les lois de proportion que suit la nature dans les dimensions du corps & des membres, sont contenues dans l’extension qu’elle permet, & sont spécifiées dans les accroissemens limités qu’elle accorde aux parties solides. C’est en conséquence de ces accroissemens limités & successifs, que la nature ne se montre point uniforme dans les proportions du corps humain. Elle les varie principalement par les différens caracteres qui sont propres aux différens âges de la vie.

Premiere variété des proportions du corps, n’est point le diminutif exact des âges subséquens. L’enfance, à l’égard des proportions du corps, n’est point le diminutif exact des âges subséquens. Il ne s’agit donc pas pour représenter un enfant, de diminuer la taille d’un homme ; car alors on ne représenteroit qu’un petit homme, & non pas un enfant.

La tête, par exemple, est dans l’enfance beaucoup plus grosse, que dans les autres âges, par proportion aux autres parties. A trois ans la longueur de la tête, cinq fois répétée, forme toute la hauteur d’un enfant. A quatre, cinq & six ans ; la hauteur est de six jusqu’à six têtes & demie ; au lieu que dans l’âge fait, les proportions adoptées sont huit têtes pour la grandeur totale.

La proportions de sept têtes & deux parties, c’est-à-dire sept têtes & demie convient à un jeune homme à la fleur de son âge, & dont l’éducation efféminée n’a pas permis aux fatigues & aux exercices violens, le soin de développer entierement ses ressorts ; c’est ainsi que se trouvent proportionnés l’Antinoüs du vatican, & le Petus de la vigne Ludovise.

La proportion de huit têtes pour la figure entiere, est propre à représenter la stature d’un jeune homme dans la force de son âge, & dans l’exercice des armes ; c’est celle qui a été observée dans la statue du gladiateur mourant, qu’on voyoit à Rome dans la vigne Ludovise, & qui se voit présentement dans le capitole. Cette proportion est développée, svelte, légere, telle que l’offre la jeunesse exercée, car le développement de l’esprit s’opere par l’usage fréquent de ses facultés.

L’âge viril se caractérise par une dimension moins alongée. La statue d’Hercule, qu’on nomme l’Hercule Farnese, a sept têtes, trois parties, sept modules. Il sembleroit que l’artiste auroit voulu faire sentir par cette diminution, la consistence, & pour parler ainsi, l’appui que laissent prendre aux hommes de cet âge leurs mouvemens plus réfléchis, & moins impétueux.

L’approche de la vieillesse doit donner encore un caractere plus quarré, qui dénote l’appesantissement des parties solides. Le Laocoon n’a que sept têtes, deux parties, trois modules.

Dans l’extrème vieillesse enfin, le dépérissement réel occasionne différens changemens dans la proportion qui ne doivent plus être évalués.

L’artiste qui ne doit rien négliger de ce qui peut rendre ses figures caractérisées, évite de se borner à