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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/511

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l’origine de la plupart de ces manieres de parler proverbiales, ou d’expliquer ce qui y a donné occasion.

Proverbes, (Théol.) nom d’un des livres canoniques de l’ancien testament. C’est un recueil des sentences morales & de maximes de conduite pour tous les états de la vie, que l’on attribue à Salomon.

Cependant quelques critiques, & entr’autres Grotius, ont douté que Salomon fût l’auteur de ce livre. Ils avouent que ce prince fit faire pour son usage une compilation de ce qu’il y avoit alors de plus beau en fait de morale dans les anciens écrivains de sa nation, mais que sous Ezéchias on grossit ce recueil de ce qui avoit été écrit d’utile depuis Salomon, & que ce furent Eliacim, Sobna & Joaké qui firent alors cette compilation. Grotius apporte en preuve de cette opinion, qu’on remarque dans les diverses parties de ce livre une différence palpable de style. Les neufs premiers chapitres qui ont pour titre paraboles de Salomon, sont écrits en forme de discours suivi ; mais au chap. X. quoique ce soit le même titre, le style est tout nouveau, coupé & plein d’antitheses : ce qui continue jusqu’au verset 17 du chap. xxij. où l’on trouve un style plus semblable à celui des neuf premiers chapitres ; mais il redevient court & sententieux au vingt-troisieme verset du chap. xxjv. Enfin au commencement du chap. xxv. on lit ces mots : voici les paroles qui furent recueillies & compilées par les gens d’Ezéchias, roi de Juda. Ce recueil va jusqu’au chap. xxx. On y lit : discours d’Agur, fils de Joaké. Enfin le chap. xxxj. & dernier a pour titre, discours du roi Lamuel.

De tout cela il paroit certain que le livre des proverbes, en l’état où nous l’avons aujourd’hui, est une compilation d’une partie des proverbes de Salomon faite par plusieurs personnes ; mais on n’en peut pas conclure que l’ouvrage ne soit pas de ce prince. Inspiré par le St. Esprit il avoit écrit jusqu’à trois mille paraboles, comme il est rapporté dans le III. liv. des Rois, c. iv. v. 32. Diverses personnes en purent faire des recueils, entr’autres, Ezéchias, Agur, Esaïe, Esdras, & de ces différens recueils on a composé l’ouvrage que nous avons.

On ne doute pas de la canonicité du livre des proverbes. Théodore de Mopsueste, parmi les anciens, & entre les modernes, l’auteur d’une lettre insérée dans les sentimens de quelques théologiens de Hollande, sont les seuls qui l’ayent révoquée en doute, & qui ayent prétendu que Salomon avoit composé cet ouvrage par une pure industrie humaine.

Les Hébreux appellent ce livre סשלו, misle ou mischle, ce que les Grecs ont rendu par παραβολαὶ, paraboles. La version grecque de ce livre s’éloigne assez souvent de l’hébreu, & ajoute un assez grand nombre de versets qui ne sont pas dans l’original. Le grec de l’édition romaine renferme diverses transpositions de chapitres entiers. On ne sait d’où viennent ces dérangemens. Dans les anciennes éditions latines on trouve aussi plusieurs versets ajoutés, mais que l’on a retranchés depuis saint Jérome. Calmet, dictionn. de la bibl. Tom. III. p. 298.

Proverbe, (Critiq. sacrée.) en grec παροιμία, proverbium dans la vulgate. Ce mot dans l’Ecriture signifie 1°. une sentence commune & triviale : 2°. une chanson, idcirco dicetur in proverbio, nom. xxj. 27 ; c’est pourquoi on dit en chanson, venite in Herebon : 3°. jouet, raillerie : erit Israel in proverbium, & in fabulam cunctis populis, Deuter. xxviij. 37, Israël deviendra la risée de tous les peuples : 4°. une énigme, une sentence obscure, occulta proverbiorum exquiret. Eccl. xxxjx. 3, le sage tâchera de pénétrer le secret des énigmes : 5°. une parabole, discours figuré par lequel on représente une vérité ; hoc proverbium dixit eis Jesus, Jesus leur dit cette parabole, Joan. x. 6. (D. J.)

PROVIDENCE, s. f. (Métaph.) la providence est le soin que la divinité prend de ses ouvrages, tant en les conservant, qu’en dirigeant leurs opérations. Les payens, tant poëtes que philosophes, si l’on en excepte les Epicuriens, l’ont reconnue, & elle a été admise par toutes les nations du moins policées, & qui vivoient sous le gouvernement des lois. Virgile nous tiendra ici lieu de tous les poëtes. Il fait adresser à Jupiter cette invocation par Vénus :

O qui res hominumque, deûmque
Æternis regis imperiis & fulmine terres.

Æneid. lib. I.

Diodore de Sicile dit que les Chaldéens soutenoient que l’ordre & la beauté de cet univers étoient dûs à une Providence, & que ce qui arrive dans le ciel & sur la terre, n’arrive point de soi-même, & ne dépend point du hazard, mais se fait par la volonté fixe & déterminée des dieux. Les philosophes barbares admettoient une Providence générale. Ils tomboient d’accord qu’un premier moteur, que Dieu avoit présidé à la formation de la terre, mais ils nioient une providence particuliere ; ils disoient que les choses ayant une fois reçu le mouvement qui leur convenoit, s’étoient dépliées, pour ainsi dire, & se succédoient les unes aux autres à point nommé : c’est une folie de croire, disoient-ils, que chaque chose arrive en détail, parce que Jupiter l’a ainsi ordonné : tout au contraire, ce qui arrive est une dépendance certaine de ce qui est arrivé auparavant. Il y a un ordre inviolable duquel tous les évenemens ne peuvent manquer de s’ensuivre, & qui ne sert pas moins à la beauté qu’à l’affermissement de l’univers.

Les philosophes grecs, en admettant une providence, étoient partagés entr’eux sur la maniere dont elle étoit administrée. Il y en eut qui n’étendirent la Providence de Dieu que jusqu’au dernier des orbes célestes, le genre humain n’y avoit point de part. Il y en eut aussi qui ne la faisoient gouverner que les affaires générales, la déchargeant du soin des intérêts particuliers, magna dii curant, parva negligunt, disoit le stoïcien Balbus, ils ne croyoient pas qu’elle s’abaissât jusqu’à veiller sur les moissons & sur les fruits de la terre. Minora dii negligunt, neque agellos singulorum, nec viticulas persequuntur, nec si uredo aut grando quidpiam nocuit, id Jovi animadvertendum fuit. Nec in regnis quidem reges omnia minima curant.

Il faut ici remarquer que la religion des payens, ce qu’ils disoient de la Providence, leur crainte de la justice divine, leurs espérances des faveurs d’en-haut étoient des choses qui ne couloient point de leur doctrine touchant la nature des dieux. Je parle même de la doctrine des philosophes sur ce grand point. Cette doctrine approfondie, bien pénétrée, étoit l’éponge de toute religion. Voici pourquoi : c’est qu’un dieu corporel ne seroit pas une substance, mais un amas de plusieurs substances ; car tout corps est composé de parties. Si l’on invoquoit ce dieu, il n’entendroit point les prieres entant que tout, puisque rien de composé n’existe hors de notre entendement sous la nature de tout. Si Dieu, entant que tout, n’entendoit point les prieres, du moins les entendoit-il quant à ses parties, pas davantage ; car ou chacune de ces parties les entendroit & les pourroit exaucer, ou cela n’appartiendroit qu’à un certain nombre de parties. Au premier cas, il n’y auroit qu’une partie qui fût nécessaire au monde, toutes les autres passeroient sous le rasoir des nominaux, la nature ne souffrant rien d’inutile. Bien plus, cette partie-là contiendroit une infinité d’inutilités, car elle seroit divisible à l’infini. On ne parvient jamais à l’unité dans les choses corporelles. Au second cas, on ne pourroit jamais déterminer quel est le nombre des parties exauçantes, ni pourquoi elles ont cette