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toute semblable à nos légendes, Divus Augustus pater providens. Cette louange se donnoit communément aux empereurs sur leurs monnoies. Les types sont tantôt des autels, tantôt des temples, & le plus souvent une figure qui touche d’un bout de verge au globe qui est à ses piés ; ce qui marque sensiblement la puissance & la sagesse de l’empereur qui gouverne le monde. La flatterie prodigua aux princes tous les attributs des dieux, dont le plus intéressant pour les hommes, & le plus fréquemment célébré, est la providence. Gruter a fait graver dans son trésor d’après Boissard, une statue qui représente une déesse couronnée de laurier ; elle tient de la main droite une verge ; la main gauche est tombée par le tems ; à ses piés à gauche, une corne d’abondance ; à droite, une corbeille pleine de fruits ; sur la base, providentiæ deorum. (D. J.)

PROVIGNER, v. n. (Jardinage.) faire des provins. C’est la façon de multiplier la vigne, en couchant ses branches. Cette opération devient nécessaire, lorsqu’il est question de renouveller une vigne, ou de remplacer des seps qui manquent. Pour y travailler avec succès, un habile vigneron observe deux choses. D’abord si les seps qui sont placés avantageusement pour ses vues, sont d’une bonne espece de raisin ; ensuite, si le bois en est bien conditionné, & de longueur suffisante pour laisser entre les provins la distance nécessaire. Après cet examen, il fait au pié du sep une fosse d’environ 15 à 18 pouces de profondeur, sur la longueur & la largeur qu’exigent la disposition de la vigne, l’étendue & la quantité des branches d’un sep ou de plusieurs quand ils sont contigus. Ensuite il examine le sep qui doit être couché, il retranche les branches qui ne peuvent servir à son dessein, & il supprime dans celles qui restent les menus rejettons, les vrilles, les chicots, & tout ce qui est inutile. Toutes les branches étant ainsi parées, il ébranle doucement le sep pour le renverser dans la fosse ; il s’y reprend à plusieurs fois en dégageant la terre sans offenser les racines ; enfin il parvient à étendre le sep dans sa fosse ; ce qui ne se fait pas cependant sans forcer la partie du sep qui tient aux racines. Il faut donc que cette opération se fasse avec assez de ménagement pour ne pas éclater ou rompre le sep. La chose ainsi disposée, le vigneron met le genou sur le fort du sep ; il étend les branches, & les dirige à la distance qu’il faut aux seps, & il leur fait faire le coude, en les redressant contre les bords de la fosse. Après cela, il couvre peu-à-peu les provins de la terre que l’on a tirée de la fosse, de façon cependant que la fosse ne soit remplie qu’au tiers ; & enfin il coupe le bout des branches qui sortent jusqu’à deux bourgeons au-dessus de la terre dont la fosse a été garnie ; & comme le reste de la terre qui est sortie de la fosse, est dispersée pour la plus grande partie par les différentes cultures qui se font dans la vigne pendant l’année, le meilleur usage est de faire rapporter dans la fosse au bout d’un an environ, de la nouvelle terre, & même quelques engrais pour accélérer le progrés des provins. Le mois de Novembre est le tems le plus convenable pour provigner la vigne dans les terreins de toute qualité, si ce n’est pourtant dans les terres mêlées de glaise ou d’argille, trop grasses, trop dures & trop fortes, ou qui sont chargées d’humidité ; il vaudra mieux n’y faire ce travail qu’au printems, & toujours par un beau tems.

Provigner, Provins, (Jardinage.) c’est coucher en terre des branches d’arbres ou de vignes, pour leur faire prendre racine, & en multiplier l’espece ; c’est la même chose que marcoter.

On demande à une marcote de vigne qu’elle ait trois yeux au-moins.

Quand la branche que l’on veut marcoter, est

trop forte, on l’attache & on la contraint sur la superficie de la terre avec des fourchettes de bois.

Pour marcoter une branche d’oranger ou d’un autre arbre encaissé, on choisit une branche un peu longue à la mi-Mars ; on en coupe l’écorce dans la partie basse, environ de la longueur du doigt ; on enveloppe cet espace avec un morceau de cuir lié avec de l’osier, & cette branche passe par le trou d’un pot rempli de bonne terre qu’on humecte doucement, & qu’on éleve à la hauteur de la branche à marcoter. La marcote se coupe près du trou du pot au mois d’Octobre suivant. On ôte ensuite le jeune oranger du pot, & on le plante dans une petite caisse remplie de terre préparée. Après sa premiere sortie de la serre, il se met quinze jours à l’ombre, & on l’expose ensuite au soleil du midi, en l’arrosant souvent dans les grandes chaleurs.

Cette maniere de faire & de sevrer des marcotes, est générale pour toutes sortes d’arbres.

PROVINCE, s. f. terme de Géographie. Les grands états sont ordinairement divisés par leurs souverains en différentes sortes de gouvernemens politiques, pour les armes, pour la justice, pour les finances, & pour l’assemblage des états ; & on appelle province l’étendue de chacun de ces gouvernemens.

L’origine du nom de province vient des Romains, qui donnoient le nom de province aux gouvernemens qu’ils établissoient dans les pays conquis par les armes, comme qui diroit pays vaincu ou pays conquis ; & quoique les gouvernemens dans lesquels l’on divise présentement les états souverains ne soient pas dans ce cas, on n’a pas laissé de les appeller provinces. Introduct. à la Géograph. par Samson.

Province, s. f. (Hist. rom.) Par provinces, les Romains entendoient une certaine étendue de pays conquis & tributaire, tels que la Sicile, la Sardaigne, l’île de Corse, l’Afrique, l’île de Crete, la Cyrénaïque, la Numidie, la Mauritanie ; les Espagnes, les Gaules, l’Illyrie, la Macédoine, l’Achaïe, l’Asie mineure, la Cilicie, la Syrie, la Bythinie, le Pont, l’île de Cypre, en un mot tous les pays hors de l’Italie conquis par leurs armes. Provincia, dit Festus, propriè dicitur regio quam populus romanus provicit, id est antè vicit. Ces provinces étoient sujettes aux magistrats qu’on y envoyoit ; & les peuples n’avoient pas toujours la consolation d’être jugés suivant les formalités usitées entre citoyens.

I. Chaque année des magistrats annuels partoient de Rome pour les gouverner avec un pouvoir absolu, tant pour le civil que pour le criminel : c’étoient des consuls, des proconsuls, des préteurs, des propréteurs ; d’où vient qu’on distingue les provinces consulaires de celles des autres magistrats.

II. Ces provinces se tiroient au sort, ou le sénat nommoit celui qui y devoit commander. Ces magistrats traînoient à leur suite une troupe de licteurs, de viateurs, d’appariteurs, de questeurs, de lieutenans qui avoient aussi leur cortége, de scribes, & de plusieurs autres petits ministres, que la république ou les alliés leur fournissoient. Ce terrible appareil jettoit l’effroi dans le cœur des peuples. Tite-Live rapporte qu’après la défaite de Persée, les dix chefs des villes que Paul Emile assembla à Amphipolis, furent effrayés de l’appareil de son tribunal, entourés de licteurs, de haches & de faisceaux : insueta omnia auribus oculisque.

III. Ces magistrats pour exercer leur jurisdiction, se rendoient dans le lieu où se tenoient les états de la province, ou dans celui qui leur paroissoit le plus commode ; ils marquoient cette diette par un édit affiché dans toutes les villes : c’est à quoi Virgile fait allusion dans ce vers :

Indicitque forum, & patribus dat jura vocatis.