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qui sont d’un usage ordinaire, commun, selon l’art, sont principalement tirés du regne végétal, & sont 1°. les huiles par expression douces & récentes, soit proprement dites, & communément fluides, telles que l’huile d’amandes douces, & l’huile d’olive, ou naturellement concretes, comme le beurre de cacao. 2°. Tous les corps muqueux doux, soit doux exquis, comme miel, sucre, dattes, raisins secs, figues seches, jujubes, sebestes, réglisses, polipodes ; soit doux acidules, comme pruneaux noirs aigrelets, & tamarins, qui paroissent cependant participer un peu d’un principe purgatif caché, qui spécifie certains sujets de cette classe ; soit enfin ces sujets de cette classe, plus particulierement caractérisés par ce principe purgatif caché, tels que la manne & la casse. Voyez Doux, (Chimie, Matiere médicale & Diete.) 3°. Quelques matieres composées d’un principe extractif gommeux, & d’un principe résineux chimiquement distincts, & simplement mélangés ou confondus. Tels que le jalap, la scammonée, le turbith appellé gommeux, l’aloës, la gomme gutte, la racine d’esule, l’agaric.

4°. Certaines résines pures retirées par l’art chimique du jalap, de la scammonée, du turbith, de l’agaric, &c.

5°. De la classe des extractifs âcres ou amers fixes ; la rhubarbe, la coloquinte, le concombre sauvage, ou son extrait, plus connu encore sous le nom d’elaterium, le nerprun, le sureau, l’yeble, l’iris nostras.

6°. De la division chimique des extractifs, peu efficaces, ou du-moins dont la vertu purgative dépend en partie d’un principe volatil, le sené, les fleurs de pêcher, les roses soit pâles, soit musquées, l’ellébore noir, &c.

Du regne animal, 1°. la substance gélatineuse des jeunes animaux, telle qu’elle se trouve dans les décoctions connues dans l’art sous le nom d’eau de poulet & d’eau de veau ; 2°. le petit-lait ; 3°. une drogue fort inusitée, le crotin de souris, ou muscerda.

Du regne minéral. 1°. Plusieurs terres absorbantes, parmi lesquelles la magnésie blanche est regardée comme éminemment purgative. 2°. Quelques sels naturels, soit alkalis, soit neutres ; tels que le natrum, le sel marin, le sel de glauber, le sel d’epshom ou de seidlitz, & les eaux minérales imprégnées de ces différens sels ; enfin le nitre, qu’on peut placer ici, quoique son origine soit très-vraissemblablement toute végétale, & le sel ammoniac naturel. Enfin, plusieurs produits chimiques, tous salins & retirés indistinctement de tous les regnes ; tels sont les tartres solubles, & principalement le sel végétal & le sel de seignette, le sel de glauber factice, les tartres vitriolés, tous les sels lixiviels, soit alkalis, soit neutres, le sel ammoniac factice, le borax, plusieurs sels neutres mercuriaux, & principalement le sublimé doux, la panacée mercurielle, le précipité blanc, le turbith minéral, pour ne pas parler des crystaux de lune, & de quelques autres sels métalliques intraitables, & dont l’usage est abandonné avec raison.

L’administration des purgatifs exige l’attention & les soins du médecin avant qu’on donne le remede, pendant qu’il agit, & après son action.

Avant, outre le jugement exact du cas où il convient, la déterminaison de la dose & de la forme du remede, choses qui doivent être déduites de ce que nous avons dit précédemment, & de ce qui est répandu dans les articles particuliers, reste encore le choix du tems lorsque la marche de la maladie ne le fixe pas précisément, & qu’on peut le déterminer à volonté, comme lorsqu’on les emploie dans des vûes prophylactiques contre de légeres incommodités, & même contre la plûpart des maladies chroniques ; reste encore la préparation du sujet qu’on veut purger. Quant au choix du tems & à sa division la plus

générale tirée des saisons, Hippocrate trouvoit que l’hiver étoit le tems le plus convenable ; d’autres anciens excluoient l’hiver & l’été : les modernes purgent dans toutes les saisons, mais ils préferent un jour sec & un peu froid, le vent étant au nord. L’heure la plus ordinaire est celle du matin, & le malade étant à jeun : tous les remedes purgatifs dont l’action est prompte, telle que celle des potions, se donnent dans ces circonstances ; mais on prend aussi le soir en se couchant & quelques heures après le souper, les purpatifs dont l’action est lente, tels que la plupart des pilules, comme les aloétiques, les mercurielles, &c.

La préparation à la purgation est d’une utilité reconnue, & se pratique encore aujourd’hui d’après le dogme d’Hippocrate, qui prescrit de rendre fluxiles, fluxilia, c’est-à-dire relâchés, disposés aux excretions, les corps qu’on veut purger. Il est utile dans cette vûe de prescrire à ceux qui doivent être purgés, un régime humectant & relâchant pendant les trois ou quatre jours qui précedent immédiatement celui où ils doivent être purgés ; de les remplir de tisane, & de leur donner un ou deux lavemens chaque jour.

Pendant l’effet de la médecine, il est non-seulement utile, mais même nécessaire de se conformer aux lois sages qu’ont prescrit les anciens, quoiqu’on doive avouer qu’ils étoient obligés de les observer plus séverement que nous, à cause de la violence des purgatifs qu’ils employoient. Ces lois défendent, 1°. de rien avaler, ni de solide, ni de liquide pendant l’action du purgatif. Et on ne sauroit douter que l’usage généralement établi aujourd’hui, de prendre un bouillon ou quelque légere infusion de certaines plantes, une heure & demie ou deux heures après avoir pris une médecine, ne soit vicieuse & peu réfléchie, & qu’il ne valût mieux prendre cette liqueur, si elle étoit d’ailleurs nécessaire (comme elle peut l’être en effet pour rincer la bouche, l’ésophage & l’orifice supérieur de l’estomac) immédiatement après avoir pris le purgatif. Il est plus essentiel encore, sans doute, de ne point prendre d’aliment solide avant que l’opération du purgatif soit achevée.

Cette regle est encore très-peu observée hors de l’état de fievre aiguë. On n’est pas d’accord sur la veille ou le sommeil pendant l’action d’une médecine ; mais l’on croit plus communément aujourd’hui, qu’il ne faut point dormir après avoir pris un purgatif. Mais ce précepte est trop général, & celui d’Hippocrate est plus raisonnable ; il veut que les sujets vigoureux veillent, & que les sujets foibles ou tous ceux qui ont pris un purgatif très-fort dorment. Il faut observer à-propos du sommeil, qu’il est ordinairement accompagné de deux circonstances qui méritent attention ; savoir, du repos & de la chaleur du lit. Or, s’il est douteux qu’un léger mouvement du corps, qu’une promenade lente dans la chambre aide l’action d’un purgatif ; il est très-clair qu’un léger degré de froid qu’on peut éprouver hors du lit & en se promenant très-lentement, contribue à l’effet du remede vraissemblablement en repercutant jusqu’à un certain point la transpiration, ou pour quelque autre cause : on peut deduire de cette derniere considération la maniere de gouverner les purgés par rapport à l’air. Un air trop chaud, soit qu’il le trouve dans leur chambre, soit qu’ils s’exposent à la chaleur du soleil d’été, diminue infailliblement la purgation ; & un air trop froid l’augmente au contraire, & quelquefois même trop : il est observé qu’il cause quelquefois des tranchées violentes, & même des accidens plus graves. Pour achever de parcourir les choses non naturelles, il est observé aussi que les secousses violentes & soudaines de l’ame, qu’une peur, qu’un accès de colere sont beaucoup plus funestes pendant l’opération d’une médecine, que dans