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de fanatisme que leurs freres d’Ecosse, mais le gouvernement rigoureux de la reine Elisabeth, jalouse de ses prérogatives, ne leur permit point de l’exercer. Cette princesse alarmée des entreprises audacieuses des nouveaux sectaires, dont les opinions devenoient dangereuses pour son trône, crut devoir les réprimer. Peut être l’eût-elle fait efficacement si ces fanatiques n’eussent trouvé parmi ses ministres des protecteurs cachés, qui paroient les coups que l’autorité vouloit leur porter. L’animosité de ces nouveaux sectaires contre la religion catholique, faisoit qu’ils ne trouvoient point la religion établie en Angleterre, assez éloignée de celle du pape. Ils appelloient cette derniere la religion de l’antechrist, la prostituée de Babylone, &c. L’ordre des évêques leur paroissoit odieux, il n’étoit à leurs yeux qu’un reste du papisme ; ils condamnoient l’usage du surplis dans les ecclésiastiques ; la confirmation des enfans ; le signe de la croix dans le baptême ; la coutume de donner un anneau dans les mariages ; l’usage de se mettre à genou en recevant la communion ; celui de faire la révérence en prononçant le nom de Jesus, &c. Tels étoient les objets de la haine des puritains. Ils sont bien propres à nous faire voir à quel point les plus petites cérémonies peuvent échauffer l’esprit des peuples, lorsqu’elles donnent matiere aux disputes des Théologiens.

Persécuter une secte, c’est la rendre intéressante. Si Marie n’eût point tourmenté les Protestans, il n’y eût peut être jamais eu de puritains en Angleterre. Lorsqu’ils y revinrent sous Elisabeth, ils furent regardés comme des confesseurs de la foi ; ils ne tarderent point à faire des prosélytes, leur nombre augmenta journellement. Enfin sous les regnes suivans ils se rendirent formidables au souverain & à la religion établie dans le royaume. Charles I. en qualité de chef suprème de l’église anglicane, ayant voulu établir l’uniformité du culte en Ecosse comme en Angleterre, rencontra dans les puritains un obstacle invincible à ses desseins. Ces sectaires aveuglés par leur zele fougueux, exciterent dans la Grande Bretagne des guerres civiles qui l’inonderent du sang de ses citoyens. Des ambitieux profiterent de l’égarement dans lequel le fanatisme avoit jetté les peuples ; ils mirent le comble à ces désordres par le supplice du roi, que Cromwel & ses adhérens firent périr sur un échafaud. Tels sont les effets de la persécution & du fanatisme ; telles sont les suites de l’importance que les souverains mettent dans les disputes théologiques. Elles entraînent presque toujours des animosités si cruelles qu’elles menacent de ruine les états les plus puissans. La mort de Charles I. fit tomber les Anglois sous la tyrannie de Cromwel. Cet usurpateur prit le titre fastueux de protecteur de la nation. Après le rétablissement de Charles II. le pouvoir des puritains qui avoient causé tant de maux à leur patrie, fut entierement anéanti. Ils sont connus aujourd’hui sous le nom de presbytériens, & quoiqu’ils n’admettent ni l’hiérarchie épiscopale, ni le surplis, ils sont maintenant sujets paisibles d’un état que leurs prédécesseurs ont ébranlé.

PURLIEU, s. m. terme de Jurisprudence angloise, composé, comme l’on voit, des deux mots françois pur & lieu, est un morceau de terre contigu à une forêt royale à laquelle il avoit été joint par ordonnance d’un roi, mais de laquelle un autre roi postérieur l’a démembré, pour en faire jouir ceux à qui il en a octroyé la possession franchement & librement, & sans être assujettis aux lois & ordonnances concernant les forêts. Voyez Forêt.

On définit le purlieu une espace de terre joignant une forêt, déterminé par des bornes invariables qui servent simplement de monument de ce qu’il a été autrefois ; lequel autrefois a fait partie de la forêt voisine, mais en a été depuis séparé après un acte de

bornage préalablement fait pour distinguer la nouvelle forêt d’avec l’ancienne. Voyez Bornage.

Voici comment s’introduisirent les purlieux : Henri II. roi d’Angleterre, à son avénement à la couronne, prit tant de goût pour les forêts, que non content de celles qu’il trouva toutes plantées, quoiqu’en assez grand nombre & assez vastes, il commença à en aggrandir plusieurs, & y enclava les terres de ses sujets qui y étoient contiguës. Voyez Enforester.

Richard I. son successeur, bien loin de rétablir les forêts de son domaine dans leurs anciennes limites, leur donna encore plus d’étendue ; & les choses resterent dans ce dernier état jusqu’à l’an 17 du roi Jean, que, la lésion étant notoire & indisposant toute la nation, les nobles & les plus notables sujets le supplierent de desenforester toutes les terres que ses prédécesseurs, que nous venons de nommer, & lui-même avoient enclavées dans leurs forêts ; & le roi, après beaucoup de sollicitations & d’instances, prit enfin sur lui de signer & de sceller les articles qu’on lui demandoit touchant la liberté des terres, lesquels se trouvent la plûpart dans l’ordonnance des forêts. Voyez Forêt.

En conséquence on fit choix de plusieurs nobles, au nombre de vingt-cinq, pour veiller à ce que l’octroi desdites franchises accordées & confirmées par le roi, sortît son plein & entier effet.

Les choses étoient dans cet état lorsque le roi Jean mourut. Henri III. lui ayant succédé, on lui fit les mêmes instances qu’à son prédécesseur. Henri, pour terminer cette affaire, nomma des commissaires à l’effet de distraire les nouvelles forêts d’avec les anciennes ; il en fut dressé un état, & en conséquence beaucoup de bois & de terres furent desenforestées, avec faculté aux propriétaires de les convertir en terres labourables. Voyez Desenforester.

Cette ordonnance rendue, on arpenta quelques-unes des terres nouvellement enforestées, & l’on dressa des procès-verbaux à l’effet de constater à perpétuité quelles terres étoient d’anciennes forêts, & quelles étoient des forêts neuves. Cependant il paroit que la plûpart des terres nouvellement enforestées subsisterent en cet état pendant tout le regne d’Henri III.

Sous Edouard I. nouvelles supplications furent faites ; & le nouveau roi nomma trois évêques, trois comtes & trois barons, à l’effet de faire & continuer les visites & recherches nécessaires, & en faire ensuite leur rapport à la cour de chancellerie, pour être en conséquence les anciennes forêts distinguées & fixées par des bornes invariables, à l’effet de constater pour toujours leur ancienneté.

Le roi fit aussi séparer des anciennes forêts les bois & les terres nouvellement enforestées, & en fit rapporter à la chancellerie un état par tenans & aboutissans, à l’effet de constater aussi à perpétuité la qualité de ces dernieres.

Voilà donc quelle a été l’origine des purlieux ; car tous les bois & les terres qui avoient été enforestés par Henri II. Richard I. & le roi Jean, & qui par un bornage furent ensuite distingués des anciennes forêts, commencerent à s’appeller purlieux, c’est-à-dire lieux séparés des forêts anciennes par le bornage.

Mais quoique les terres nouvellement enforestées fussent distraites des anciennes forêts par le bornage, & rendus purlieux, elles ne l’étoient pas à l’égard de toutes les personnes ; car en vertu de l’ordonnance des forêts, si le roi avoit enforesté les bois ou les terres de quelques-uns de ses sujets au préjudice des propriétaires, ces terres devoient être desenforestées sans délai, c’est-à-dire seulement en ce qui concernoit ceux à qui appartenoient les bois & les terres, lesquels pourroient comme propriétaires couper & abattre leurs bois selon leur bon plaisir, & sans en