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comté du Languedoc, s’appelle anti-Pyrénée ; & celle qui le sépare de la Catalogne, se nomme col de Pertuis, quoique ce mot de col signifie proprement les passages étroits qui sont dans ces montagnes. Il y a du même côté monte-Canigo, sierra de Guara, col de la Prexa, col de l’Argentiere, & porto-de-Viella. Celles qu’on voit entre la Gascogne & l’Arragon, sont les montagnes de Jacca & de Sainte-Christine ; enfin celles qui s’étendent dans la Navarre s’appellent les montagnes d’Adula & de Ronceaux.

Les anciens ont cru que les Pyrénées s’étendoient par toute l’Espagne jusqu’à l’Océan atlantique, & ils ne se trompoient pas beaucoup ; toutes les montagnes de l’Espagne n’étant que des rameaux de celles-ci. Elles sont effroyablement hautes, & si serrées, qu’elles laissent à peine cinq routes étroites pour passer de France en Espagne. On n’y peut même aller qu’à pié, où bien avec des mulets accoutumés à grimper sur ces hauteurs, où un cavalier peu expérimenté courroit risque mille fois de se rompre le cou. Toutes ces montagnes sont coupées par un grand nombre de vallées, & couvertes de hautes forêts, la plûpart de sapins.

Ces forêts immenses de sapins pourroient être extrèmement utiles à la France, si jamais elle songeoit à en tirer parti. Le bois en est d’une qualité aussi favorable pour la durée & la proportion, que les mâtures qu’elle tire du nord ; mais les mines de cuivre, de plomb, de fer, qui se trouvent dans les Pyrénées, produiroient encore de plus grands avantages. Il y a dans ces montagnes de quoi établir la meilleure fonderie de canon qui soit au monde ; & l’Adoure en porteroit à peu de frais les ouvrages à la mer. Enfin ces montagnes n’attendent que des mains industrieuses pour fournir à la France des matieres qu’elle paye chérement à l’étranger. (D. J.)

Pyrénées, traité des, (Hist. moderne de France.) fameux traité de paix conclu le 7 Novembre 1659 entre le roi de France & le roi d’Espagne, par le cardinal Mazarin & par dom Louis de Haro, plénipotentiaires de ces deux puissances, dans l’île des Faisans, sur la riviere de Biddassoa.

Ce traité contenoit cent vingt-quatre articles. Les principaux étoient le mariage du roi avec l’infante Marie-Thérese, qui devoit avoir une dot de cinq cens mille écus, sous la condition de la renonciation à la succession d’Espagne. Le cardinal Mazarin promettoit de ne point donner de secours au roi de Portugal. On convint aussi du rétablissement de M. le Prince, & du duc de Lorraine. Il y eut plusieurs places rendues de part & d’autre. Le roi d’Espagne renonça à ses prétentions sur l’Alsace, & céda une partie de l’Artois ; mais le principal avantage que Mazarin retira de ce traité, étoit le mariage du roi avec l’infante, pour procurer à son maître par ce moyen des droits à la succession de la couronne d’Espagne.

M. de Voltaire a fait sur le traité des Pyrénées des réflexions trop judicieuses pour les passer sous silence ; les voici.

Quoique le mariage d’un roi de France & la paix générale fussent l’objet des conférences des deux plénipotentiaires, cependant dans les quatre mois qu’elles durerent, ils en employerent une partie à arranger les difficultés sur la préséance, & dom Louis de Haro trouva le moyen de mettre une égalité parfaite à cet égard entre l’Espagne & la France.

Telle est la vicissitude des choses humaines, que de ce fameux traité des Pyrénées il n’y a pas deux articles qui subsistent aujourd’hui. Le roi de France garda le Roussillon, qu’il eut toujours conservé sans cette paix ; mais à l’égard de la Flandre, la monarchie espagnole n’y a plus rien. Nous étions alors les amis nécessaires du Portugal. Nous ne le sommes plus ; nous lui faisons la guerre, tout est changé. Mais si

dom Louis de Haro avoit dit que le cardinal Mazarin savoit tromper, on a dit depuis qu’il savoit prévoir. Il méditoit dès-long-tems l’alliance de la France & de l’Espagne.

On cite cette fameuse lettre de lui, écrite pendant les négociations de Munster : « Si le roi très-chrétien pouvoit avoir les Pays-Bas & la Franche-Comté en dot, en épousant l’infante, alors nous pourrions aspirer à la succession d’Espagne, quelque renonciation qu’on fît faire à l’infante ; & ce ne seroit pas une attente fort éloignée, puisqu’il n’y a que la vie du prince son frere qui l’en peut exclure ». Ce prince étoit alors Balthazar, qui mourut en 1649.

Le cardinal se trompoit évidemment en pensant qu’on pourroit donner les Pays-Bas & la Franche-Comté en mariage à l’infante. On ne stipula pas une seule ville pour sa dot ; au contraire on rendit à la monarchie espagnole des villes considérables qu’on avoit conquises, comme Saint-Omer, Ypres, Menin, Oudenarde, & d’autres places : on en garda quelques-unes.

Le cardinal ne se trompa pas en croyant que la renonciation seroit un jour inutile ; mais ceux qui lui font honneur de cette prédiction, lui font donc prévoir que le prince dom Balthazar mourroit en 1649 ; qu’ensuite les trois enfans du second mariage seroient enlevés au berceau ; que Charles le cinquieme de tous ces enfans mâles, mourroit sans postérité, & que ce roi autrichien feroit un jour un testament en faveur d’un petit-fils de Louis XIV. Mais enfin le cardinal Mazarin prévit ce que vaudroient des renonciations en cas que la postérité mâle de Philippe IV. s’éteignît, & des événemens étrangers l’ont justifié après plus de cinquante années.

Marie-Thérese pouvant avoir pour dot les villes que la France rendoit, n’apporta par son contrat de mariage, que cinq cens mille écus d’or au soleil ; il en coûta davantage au roi pour l’aller recevoir sur la frontiere. Ces cinq cens mille écus, valant alors deux millions cinq cens mille livres, furent pourtant le sujet de beaucoup de contestations entre les deux ministres. Enfin la France n’en reçut jamais que cent mille francs.

Loin que ce mariage apportât aucun autre avantage présent & réel que celui de l’infante, elle renonça à tous les droits qu’elle pourroit jamais avoir sur aucune des terres de son pere, & Louis XIV. ratifia cette renonciation de la maniere la plus solemnelle, & la fit ensuite enregistrer au parlement.

Le duc de Lorraine, Charles IV. de qui la France & l’Espagne avoient beaucoup à se plaindre, ou plutôt qui avoit beaucoup à se plaindre d’elles, fut, comme on l’a dit, compris dans ce traité, mais en prince malheureux, qu’on punissoit parce qu’il ne pouvoit pas se faire craindre. La France lui rendit ses états, en démolissant Nancy, & en lui défendant d’avoir des troupes. Dom Louis de Haro obligea le cardinal Mazarin à faire recevoir en grace le prince de Condé, en menaçant de lui laisser en souveraineté Rocroi, le Catelet & d’autres places dont il étoit en possession. Ainsi la France gagna à la fois ces villes & le grand Condé. Il perdit sa charge de grand-maître de la maison du roi, & ne revint presque qu’avec sa gloire.

Charles II. roi titulaire d’Angleterre, plus malheureux alors que le duc de Lorraine, vint près des Pyrenées où l’on traitoit cette paix. Il implora le secours de dom Louis & de Mazarin. Il se flattoit que leurs rois ses cousins germains réunis, oseroient venger une cause commune à tous les souverains, puisqu’enfin Cromwel n’étoit plus ; il ne put seulement obtenir une entrevue, ni avec Mazarin, ni avec dom Louis. Lockhart, ambassadeur de Cromwel, étoit à S. Jean-de-Luz ; il se faisoit respecter encore