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il a beaucoup refroidi ces liqueurs. Une once de sel armoniac jettée sur quatre onces de vinaigre distille, a fait descendre la liqueur du thermometre de 2 pouces 3 lignes ; le même sel mêlé avec le suc de limon ou le verjus, l’a fait descendre de 2 pouces ; demi once de salpetre ayant été jettée dans trois onces de son esprit acide, il s’en est élevé quelques vapeurs, le thermometre est descendu de 4 lignes ; un semblable mélange de salpetre & d’esprit de vitriol a exhalé des vapeurs assez abondantes & a fait descendre le thermometre de 6 à 7 lignes ; demi once de sel armoniac dans trois onces d’esprit de nitre, fit descendre le thermometre de 2 pouces 5 lignes, il s’éleva quelques vapeurs ; trois onces d’huile de vitriol & demi-once de sel armoniac firent une violente effervescence, la matiere se gonfla considérablement, il en sortit beaucoup de vapeurs qui firent monter un thermometre suspendu au-dessus, tandis que celui qui plongeoit dedans descendit de 3 pouces 6 lignes. Une livre de sublimé corrosif, autant de sel armoniac pulvérisés séparément & mêlés ensemble, produisent en versant dessus trois chopines de vinaigre, un froid si considérable qu’on a peine à tenir le vaisseau où est le mélange.

Tous les sels alkalis volatils mêlés avec différens acides, firent des effervescences plus ou moins fortes selon le degré d’acidité des liqueurs & selon le degré de pureté de l’alkali. Ils firent tous descendre la liqueur du thermometre ; mais celui qui la fit descendre le plus bas, est le sel volatil d’urine. Une once de ce sel bien purifié, fit une violente effervescence avec quatre onces de vinaigre distillé, la matiere se gonfla avec bruit, & le thermometre descendit d’un pouce neuf lignes ; ce sel mêlé avec trois onces d’esprit de vitriol a fait effervescence, le thermometre est descendu de 2 pouces 4 lignes.

Enfin M. Geoffroy rapporte qu’ayant rempli d’eau froide un grand bassin dans lequel il plongea une cucurbite pleine d’eau, il jetta quatre ou cinq pellées de braise bien allumée dans l’eau du bassin ; la liqueur d’un thermometre qu’il avoit mis dans la cucurbite & qui en avoit pris la température descendit de 2 ou 3 lignes.

Le frere de cet habile chimiste ayant beaucoup travaillé sur les huiles essentielles, s’apperçut que leur dissolution dans l’esprit-de-vin étoit accompagnée d’un refroidissement sensible, ce qui l’engagea à faire un grand nombre d’expériences qu’il communiqua en 1727. à l’académie royale des Sciences, sous le titre d’observations sur le mélange de quelques huiles essentielles, avec l’esprit-de-vin. On y trouve qu’un mélange de deux onces d’esprit-de-vin & d’autant d’huile rectifiée de térébenthine, firent descendre un thermometre de la construction de M. Amontons, d’une ligne & demie ; dans un mélange d’une autre huile moins rectifiée à même poids, le thermometre descendit de 2 lignes à 2 lignes & demie ; un mélange semblable de térébenthine & d’esprit-de-vin, le fit descendre encore au-dessous ; une once de camphre & autant d’esprit-de-vin le firent descendre jusqu’à 4 lignes ; deux onces d’excellent baume de copahu, mêlées à deux onces d’esprit de-vin, firent descendre le thermometre à 3 lignes, cependant tout le baume ne fut pas dissous : l’huile essentielle de lavande fut dissoute sans produire aucun changement sur le thermometre ; l’huile de citron, toujours mêlée à parties égales d’esprit-de-vin, firent descendre la liqueur de 2 lignes ; l’huile d’anis figée, la fit baisser de 4 à 5 lignes ; cette même huile devenue fluide, fit descendre le thermometre de 5 lignes ; l’essence de limette qui se dissout difficilement, le fit descendre de 3 lignes ; l’huile essentielle de girofle se mêle parfaitement à l’esprit de vin, mais ne produit aucun changement sur le thermometre.

Farenheit, si connu par ses thermometres de mercure, découvrit en 1729, un moyen nouveau de produire un froid beaucoup plus grand que tous ceux qu’on avoit observés jusqu’alors dans la nature, puisqu’il fit descendre son thermometre à 40 degrés au-dessous de 0, c’est-à-dire 72 degrés au-dessous du terme de la glace. Ce moyen que Boërhaave nous a conservé dans sa chimie, part. I. traité du feu, pag. 87. de l’édition de Paris 1733. in-4°. consiste à verser sur de la glace pilée, de bon esprit de nitre ; lorsque le thermometre est descendu aussi bas qu’il peut descendre, on décante l’eau produite par la fonte de la glace opérée par l’acide nitreux, on y reverse de nouvel esprit de nitre, ce qu’on repete jusqu’à ce que le thermometre ne descende plus ; on produit un froid encore plus considérable si l’on a la précaution de refroidir l’esprit de nitre lui-même, en le tenant dans la glace sur laquelle on verse d’autre esprit de nitre. On est parvenu depuis peu en Russie de congeler le mercure par ce moyen, en faisant l’expérience dans un tems extrèmement froid.

Le fameux professeur Van-Muschenbroeck, qui nous a procuré une édition latine des expériences de Messieurs de l’académie de Florence, y a ajouté beaucoup d’expériences & d’observations qu’il a recueillies de divers auteurs, ou qu’il a tirées de son propre fonds ; parmi celles qu’il a apportées sur la production du froid, nous avons cru devoir recueillir les suivantes. Il a dissous dans l’eau de pluie du nitre, du borax, du sel marin, du sel armoniac, du vitriol verd ; du vitriol bleu, du verdet, de l’alun de roche, du tartre, de la crême de tartre, de l’alkali volatil, de la suie ; tous ces mélanges ont fait baisser le barometre plus ou moins quelquefois d’un demi degré seulement.

L’huile distillée de fenouil, mêlée à l’esprit de vin, ne paroît pas affecter le thermometre ; mais lorsqu’on fait le mélange dans le vuide de la machine pneumatique, elle le fait descendre de 2 degrés : l’huile de carvi le fait descendre de 3 degrés de plus dans le vuide qu’en plein air ; le froid que l’huile de térébenthine produit dans le vuide, est d’un degré plus considérable que celui qu’elle produit dans le plein ; l’huile de romarin ne fait descendre le thermometre que d’un degré & demi, & celle d’anis que d’un degré.

Le sel volatil d’urine, mêlé au vinaigre distillé, fit descendre la liqueur du thermometre de 44 à 33 degrés ; la craie qui produit de la chaleur en se dissolvant dans l’acide du vinaigre, fait descendre le thermometre d’un degré, si l’on fait l’expérience dans le vuide de la machine pneumatique.

M. Muschenbroeck a répété l’expérience de MM. de l’académie de Florence, il a versé de l’huile de vitriol sur du sel armoniac dans le plein & dans le vuide ; dans le plein, le thermometre exposé à la vapeur, est monté de 10 degrés, celui qui plongeoit dans le mélange est descendu de 12 : dans le vuide, le thermometre plongé dans la liqueur, est descendu de 21 degrés, celui qui étoit suspendu au-dessus, n’a d’abord éprouvé aucun changement ; mais lorsque l’autre a commencé à remonter, il est monté beaucoup plus vîte que lui, de sorte que lorsque le premier a été à 58 degrés, il étoit à 69 ; lorsqu’il a été à 68, il étoit monté à 70, où il s’est arrêté, l’autre ayant continué à remonter jusqu’à 74 degrés.

La perfection que M. de Reaumur venoit de donner aux thermometres, le mit en état de déterminer avec plus d’exactitude qu’on n’auroit pu faire jusqu’alors, le degré de froid que chaque sel étoit capable de produire en le mêlant avec la glace & la proportion dans laquelle il devoit y être mêlé pour produire le plus grand des froids qu’il est capable de faire naître. Voici le résultat de ses expériences, tel qu’il