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droits ; mais il dépend de l’acquéreur d’obliger celui qui retire de garder le tout.

Le mari peut retirer le fief mouvant de sa femme, & même sans son consentement ; la femme peut aussi retirer malgré son mari, en se faisant autoriser par justice.

Les gens d’église & de main morte peuvent retirer les fiefs mouvans d’eux, à la charge d’en vuider leurs mains dans l’an & jour, ou de payer au roi le droit d’amortissement, & au seigneur le droit d’indemnité.

Le tuteur peut retirer pour son mineur, & s’il ne le fait pas dans le tems prescrit, le mineur n’y est plus recevable.

Le fermier du fief dominant peut aussi user du retrait féodal, si ce droit est compris nommément dans son bail.

Le tems pour exercer le retrait féodal est différent, suivant les coutumes ; celle de Paris & beaucoup d’autres ne donnent que quarante jours, à compter du jour de l’exhibition du contrat, d’autres donnent trois mois, d’autres un an & jour.

S’il y a fraude dans le contrat, le délai ne court que du jour qu’elle est découverte.

Le seigneur peut exercer le retrait sans attendre l’exhibition du contrat, ni les quarante jours.

Quand le contrat ne lui est pas notifié, il peut intenter le retrait féodal pendant trente ans.

Il n’est plus recevable à l’exercer, soit lorsqu’il a reçu les droits, ou qu’il en a composé ou donné terme pour les payer, ou lorsqu’il a reçu le vassal en foi, ou baillé souffrance volontaire.

Il en est de même lorsque le vassal a été reçu en foi par main souveraine, & qu’il a consigné les droits.

Le seigneur n’est pas exclu du retrait lorsque son receveur, ou fermier, ou usufruitier ont reçu les droits, il doit seulement les rendre à l’acquéreur.

Si c’est son fondé de procuration spéciale qui a reçu les droits, il ne peut plus retirer. Il en seroit autrement si c’étoit seulement un fondé de procuration générale, qui eût fait quelques démarches contraires au retrait.

Le tuteur qui a reçu les droits en ladite qualité, ne peut plus user du retrait pour son mineur.

La femme ne peut pas non plus retirer quand son mari a reçu les droits.

Le fait d’un des co-seigneurs ne peut pas empêcher les autres de retirer pour leur part.

L’assignation au retrait peut être donnée après les quarante jours, pourvu que le seigneur ait fait dans les 40 jours sa déclaration qu’il entend user du retrait.

Les formalités de ce retrait étant différentes, suivant les coutumes, il faut suivre celle du lieu où est situé le fief que l’on veut retirer.

La demande en retrait doit être formée au bailliage ou sénéchaussée royale du domicile du défendeur.

Il faut faire offrir réellement par un huissier ou sergent le prix du contrat, & une somme pour les loyaux coûts, sauf à parfaire. Ces offres doivent être faites à personne ou domicile de l’acquéreur ; si elles ne sont pas acceptées, il faut les réaliser à l’audience.

Le retrait étant adjugé, il faut payer : ou si l’acquéreur refuse de recevoir, consigner.

Le retrait féodal est cessible.

En concurrence de deux retraits, l’un lignager & l’autre féodal, le lignager est préféré.

Le fief retiré féodalement n’est pas réuni de plein droit au fief dominant, à-moins que le seigneur ne le déclare expressément.

Sur le retrait féodal, voyez les dispositions des coutumes au titre des Fiefs, Salvaing, la Rocheflavin, Bouchel, Dunot, Louet & Brodeau, & ce dernier sur la coutume de Paris. (A)

Retrait feudal, voyez ci-dev. Retrait féodal.

Retrait de fraresche, ou de frareuseté est la mê-

chose que retrait de communion, voyez ci-devant Retrait de communion.

Retrait légal ou coutumier, est celui qui est fondé sur la loi ou la coutume, à la différence de celui qui dérive de la convention. Voyez ci-devant Retrait coutumier.

Retrait lignager, est un droit accordé aux parens de ceux qui ont vendu quelque héritage propre, de le retirer sur l’acquéreur, en lui remboursant le prix & les loyaux coûts.

On l’appelle en Bretagne presme ou prémesse, & dans le pays de droit écrit droit de prélation.

Les auteurs sont partagés sur son origine ; les uns, amateurs de la plus haute antiquité, la font remonter jusqu’à la loi de Moïse, suivant laquelle il y avoit deux sortes de retrait, dont l’objet étoit de conserver les biens dans la famille.

L’un étoit le droit général que chacun avoit au bout de cinquante ans de rentrer dans les biens de sa famille qui avoient été aliénés, c’est ce qu’on appelle le jubilé des Juifs.

L’autre espece de retrait étoit celui par lequel le parent le plus proche étoit préféré à l’acquéreur qui étoit parent plus éloigné, ou étranger à la famille. Avant de vendre sa terre à un étranger, il falloit l’offrir à un parent. Le vendeur lui-même pouvoit la retirer en rendant le prix.

D’autres croient trouver la source du retrait lignager dans les lois des Locriens & des Lacédémoniens, lesquelles notoient d’une d’infamie perpétuelle celui qui souffroit que les héritages de ses ancêtres fussent vendus & passassent en une main étrangere, & ne les retiroit point.

Quelques-uns prétendent que notre retrait lignager est imité des mœurs des Lombards.

D’autres encore prétendent qu’il dérive du droit de prélation des Romains, appellé dans les constitutions greques jus προτιμήσεως.

Suivant ce droit qui étoit fort ancien, il étoit permis aux parens, & même aux co-propriétaires, de retirer les héritages qui étoient vendus à des étrangers, soit en offrant & payant le prix au vendeur, & en le rendant à l’acheteur dans l’an & jour.

Ce droit fut abrogé en 395 par les empereurs Gratien, Valentinien, Théodose & Arcade.

Il fut pourtant rétabli, du moins en partie par les empereurs Léon & Ansthémius ; en effet, il est parlé du droit de prélation dans une de leurs constitutions insérée au code qui défend aux habitans du principal village de chaque canton, de transférer leurs héritages à des étrangers ; mais cette constitution est particuliere pour ceux qui étoient habitans du même lieu, appellés convicani.

Mais le droit qui s’observoit anciennement par rapport au retrait lignager, fut rétabli dans son entier par des novelles des empereurs romains Michel & Nicéphore, surnommé Lecapene, & par le droit des basiliques. Ces lois portent qu’avant de vendre un immeuble, on devoit en avertir les parens dans l’ordre auquel ils auroient succédé, ensuite ceux avec lesquels l’héritage étoit commun, quoique du reste ils fussent étrangers au vendeur ; enfin, les voisins dont l’héritage tenoit de quelque côté à celui que l’on vouloit vendre, afin que dans l’espace de trente jours ils pussent retenir l’héritage en donnant au vendeur le même prix que l’acheteur lui en offroit.

L’empereur Frédéric établit la même chose en occident l’an 1153.

Ce droit fut aussi adopté dans la loi des Saxons.

Ainsi l’on peut dire que c’est une loi du droit des gens commune à presque tous les peuples, & qu’elle a pour objet la conservation des héritages dans les familles, & l’affection que l’on a ordinairement pour les biens patrimoniaux.