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Quand toutes les eaux sont tirées, on les passe séparément avec un hébichet, en mêlant un tiers de la premiere avec la seconde, & deux tiers avec la troisieme. Le canot où se passent les eaux s’appelle canot de passe ; & on appelle canot à laver un canot plein d’eau, où ceux qui touchent les graines se lavent les mains, & lavent aussi les paniers, les hébichets, les pilons, & autres instrumens qui servent à faire le rocou. L’eau de ce canot, qui prend toujours quelque impression de couleur, est bonne à tremper les graines.

L’eau passée deux fois à l’hébichet se met dans une ou plusieurs chaudieres de fer, suivant la quantité qu’on en a ; & en l’y mettant, elle se passe encore à-travers d’une toile claire & souvent lavée.

Quand l’eau commence à écumer, ce qui arrive presque aussi-tôt qu’elle sent la chaleur du feu, on enleve l’écume qu’on met dans le canot aux écumes, ce qu’on réitere jusqu’à ce qu’elle n’écume plus : si elle écume trop vîte, on diminue le feu. L’eau qui reste dans les chaudieres, quand l’écume en est levée, n’est plus propre qu’à tremper les graines.

On appelle batterie une seconde chaudiere, dans laquelle on fait cuire les écumes pour les réduire en consistance, & en faire la drogue qu’on nomme rocou. Il faut observer de diminuer le feu à mesure que les écumes montent, & qu’il y ait continuellement un negre à la batterie qui ne cesse presque point de les remuer, crainte que le rocou ne s’attache au fond ou bords de la chaudiere.

Quand le rocou saute & petille, il faut encore diminuer le feu ; & quand il ne saute plus, il ne faut laisser que du charbon sous la batterie, & ne lui plus donner qu’un léger mouvement ; ce qu’on appelle vesser.

A mesure que le rocou s’épaissit & se forme en masse, il le faut tourner & retourner souvent dans la chaudiere, diminuant peu-à peu le feu, afin qu’il ne brûle pas ; ce qui est une des principales circonstances de sa bonne fabrique, sa cuisson ne s’achevant guere qu’en dix ou douze heures.

Pour connoître quand le rocou est cuit, il faut le toucher avec un doigt qu’on a auparavant mouillé ; & quand il n’y prend pas, sa cuisson est finie. En cet état, on le laisse un peu durcir dans la chaudiere avec une chaleur très-modérée en le tournant de tems en tems, pour qu’il cuise & seche de tous côtés, ensuite de quoi on le tire ; observant de ne point mêler avec le bon rocou une espece de gratin trop sec qui reste à fond, & qui n’est bon qu’à repasser avec de l’eau & des graines.

Le rocou, au sortir de la batterie, ne doit pas d’abord être formé en pain, mais il faut le mettre sur une planche en maniere de masse plate, & l’y laisser refroidir huit ou dix heures, après quoi on en fait des pains ; prenant soin que le negre qui le manie se frotte auparavant légerement les mains avec du beurre frais, ou du sain-doux ou de l’huile de palma-christi.

Les pains de rocou sont ordinairement du poids de deux ou trois livres, qu’on enveloppe dans des feuilles de balisier. Le rocou diminue beaucoup, mais il a acquis toute sa diminution en deux mois.

Quand on veut avoir de beau rocou, il faut employer du rocou verd, qu’on met tremper dans un canot aussi-tôt qu’on l’a cueilli de l’arbre ; alors sans le battre ni le piler, mais seulement en le remuant un peu & en frottant les graines entre les mains, on le passe sur un autre canot. Après cette seule façon, on leve de dessus l’eau une espece d’écume qui surnage ; on la fait épaissir à force de la battre avec une espece d’espatule, & finalement on le seche à l’ombre. Ce rocou est fort bon, mais on n’en fabrique que par curiosité, à cause du peu de profit.

La maniere de faire le rocou chez les Caraïbes est encore plus simple ; car on se contente d’en prendre les graines au sortir de la gousse, & de les frotter entre les mains qu’on a auparavant trempées dans de l’huile de carapat. Quand on voit que la pellicule incarnate s’est détachée de la graine, & qu’elle est réduite en une pâte très-fine, on la racle de dessus les mains avec un couteau pour la faire sécher un peu à l’ombre ; après quoi lorsqu’il y en a suffisamment, on en forme des pelotes grosses comme le poing, qu’on enveloppe dans des feuilles de cachibou. C’est avec cette sorte de rocou, mêlé d’huile de carabat, que les Caraïbes se peignent le corps, soit pour l’embellir, soit pour se garantir de l’ardeur du soleil & de la piquure des moustiques. Ils s’en servent encore pour colorer leur vaisselle de terre.

La pâte de rocou donne une couleur orangée presque semblable à celle du fustet, & aussi peu solide : c’est une des couleurs qu’on emploie dans le petit teint. On fait dissoudre le rocou pulvérisé, où on a mis auparavant un poids égal de cendres gravelées, & on y passe ensuite l’étoffe. Mais quoique ces cendres contiennent un tartre vitriolé tout formé, les parties colorantes du rocou ne sont pas apparemment propres à s’y unir, & la couleur n’en est pas plus assûrée. On tenteroit même inutilement de lui donner de la solidité, en préparant l’étoffe par le bouillon de tartre & d’alun.

On doit choisir le rocou le plus sec & le plus haut en couleur qu’il est possible, d’un rouge ponceau, doux au toucher, facile à s’étendre ; & quand on le rompt, d’une couleur en-dedans plus vive qu’au-dehors ; on l’emploie quelquefois pour donner de la couleur à la cire jaune. (D. J.)

ROCOUB ALCACOUSAG, (Fête orientale.) ces deux mots rocoub alcacousag, signifient la cavalcade du vieillard : c’est le nom d’une fête que les anciens Persans célébroient à la fin de l’hiver. Dans cette fête un vieillard chauve monté sur un âne, & tenant un corbeau d’une main, couroit par la ville & par les places en frappant d’une baguette ceux qu’il rencontroit dans sa route. D’Herbelot. (D. J.)

ROCOULER, v. n. (Gramm.) ce mot exprime le cri du pigeon.

ROCQ, s. m. (Tisserands.) autrement rot, & peigne. C’est une des principales pieces du métier des ouvriers qui travaillent de la navette.

ROCROY, (Géog. mod.) ville de France, dans la Champagne, au Rhételois, à deux lieues & demi de la Meuse, sur les confins du Hainaut, à 12 lieues au nord de Rhetel, dans une plaine environnée de forêts. Elle est fortifiée de cinq bastions, & a un état major : ce fut dans cette plaine que le prince de Condé, alors duc d’Enguien, & âgé de 22 ans, gagna le 19 Mars 1643 sur les Espagnols, une fameuse bataille fort chantée par tous nos poëtes. Long. 22. 12. latit. 49. 56. (D. J.)

RODA, (Géog. mod.) petite ville d’Espagne, dans la Catalogne, sur le Tech, à 2 lieues de Vich, du côté du nord. On croit que c’est l’ancienne Bæcula de Polybe, XI. xix. p. 890. & de Tite-Live, livre XXVIII. c. xiij. (D. J.)

RODAGE, s. m. terme de coutume, rodaticum, dans les capitules, liv. VI. article 219 ; c’est le droit que le seigneur péager prenoit pour une charrette vuide ou chargée de marchandises passant par le chemin royal, outre le péage dû pour raison de la marchandise. De Lauriere. (D. J.)

RODAS, (Géog. mod.) forteresse des Indes, au royaume de Bengale, sur une montagne : c’est une des fortes places de l’Asie, qui appartient aujourd’hui au grand Mogol. Latit. 15. 20. (D. J.)

RODE, (Géog. mod.) petite ville d’Italie, au royaume de Naples. Voyez Rodia. (D. J.)