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est pour cet effet emmanché un peu de côté, pour que le saunier prenne plus aisément de la saumure ; le manche est long pour qu’il puisse la renverser où il veut.

Eprouvette. Le petit puchoir d’épreuve est un petit baril de bois que l’on remplit de saumure, dont on fait l’épreuve avec la balle de plomb enduite de cire, dont nous avons parlé ; une tassée de saumure suffit pour cela.

Des fontaines salantes. On donne ce nom à des usines où l’on ramasse les eaux des fontaines salantes, où on les fait évaporer, & où l’on obtient par ce moyen du sel de la nature & de la qualité du sel marin.

Il y a peu de royaumes qui ne soient pourvûs de cette richesse naturelle. Le travail n’est pas le même par-tout. Nous allons parler des salines qui sont les plus à notre portée, décrivant sur quelques-unes toute la manœuvre, exposant seulement de quelques autres, ce qui leur est particulier.

Voici ce que nous savons des salines de Moyenvic, de Salmes, de Baixvieux, d’Aigle, de Dieuze, de Rosieres, & des bâtimens de graduation construits en différens endroits. On peut compter sur l’exactitude de tout ce que nous allons dire.

Saline de Moyenvic. Moyenvic est situé sur la riviere de Seille, à dix lieues de Metz, entre Ive & Marsal, à environ demi-lieue de l’un & de l’autre.

On ne découvre rien sur la propriété de la saline avant l’an 1298, que Gerard, 68e évêque de Metz, acquit de quelques seigneurs particuliers les salines de Marsal & de Moyenvic, & les réunit à l’évêché. Raoul de Couy, 76e. évêque, engagea environ l’an 1390, le château de Moyenvic à Henri Gilleux, 60 muids de sel à Robert duc de Bar, & 10 muids à Philippe de Boisfremont. Conrard Bayer de Roppart, 77e. évêque, retira cet engagement l’an 1443. Mais lui & son frere Théodoric Bayer arrêtés prisonniers par l’ordre du duc René, roi de Naples & de Sicile, il en coûta pour sa liberté à l’évêque plusieurs seigneuries, & notamment les salines, que le duc lui restitua dans la suite. En 1571, le cardinal de Lorraine administrateur, & le cardinal de Guise, évêque, laisserent en fief au duc de Lorraine les salines de l’évêché, moyennant 4500 liv. monnoie de Lorraine, & 400 muids de sel. Les ducs devenus propriétaires des salines, étoient obligés suivant le 70e. article du traité des Pyrénées, de fournir le sel nécessaire à la consommation des évêchés, à raison de 16 liv. 6 sols le muid. Enfin celle de Moyenvic fut cédée au roi par le 12e. article de celui de 1661 ; mais ruinée par les guerres, le roi en ordonna le rétablissement en 1673. Depuis ce tems, les charges se sont payées par moitié entre la France & la Lorraine, à des conditions que nous ne rapporterons pas, parce qu’elles ne sont pas de notre objet.

Les eaux salées viennent de deux puits. Le sel gemme, dont il y a plusieurs montagnes & une infinité de carrieres dans la profondeur des terres, est en abondance dans le terrein de Lorraine. Les eaux, en traversant ces carrieres, se chargent de parties de sel ; & plus le trajet est long, plus le degré de salûre est considérable. Mais comme les amas de sel sont distribués par veines, par couches, par cantons, il arrive nécessairement qu’une source d’eau douce se trouve à côté d’une source d’eau salée. Les sources d’eau salées coulent par différentes embouchures, & donnent plus ou moins d’eau, selon que la saison est plus ou moins pluvieuse. On a observé, dit l’auteur instruit des mémoires qu’on nous a communiqués sur cette matiere, que plus les sources sont abondantes, plus leurs eaux sont salées, ce qu’il faut attribuer à l’accroissement de vîtesse & de volume avec lequel elles battent alors les sinuosités

qu’elles rencontrent dans les carrieres de sel qu’elles traversent.

Il y a plusieurs sources salées en différens endroits de la saline de Moyenvic. On les a rassemblées dans deux puits, dont les eaux mêlées portent environ quinze degrés & demi de salûre. Le sel s’en extrait par évaporation, comme nous allons l’expliquer.

Les eaux du grand puits sortent de sept sources différentes en qualité & en quantité. Leur mêlange porte 14 à 15 degrés de salure.

Pour connoître le degré de salure, on prend cent livres d’eau qu’on fait évaporer par le feu jusqu’à siccité, & le degré de salure s’estime par le rapport du poids du sel qui reste dans la chaudiere après la cuite, au poids de l’eau qu’on a mise en évaporation.

Autre moyen : c’est d’avoir un tube de verre qu’on remplit d’eau salée, & dans lequel on laisse ensuite descendre un bâton de demi-calibre. Il est clair que l’eau pesant plus ou moins sous un pareil volume, qu’elle est plus ou moins chargée de parties salées, le bâton perd plus ou moins de son poids, & descend plus ou moins profondément.

Les sept sources du grand puits arrivent par différens rameaux qui occupent toute sa circonférence & fournissent environ deux pouces quatre lignes d’eau ; c’est-à-dire, que, si l’on formoit un solide de ces eaux sortantes, elles formeroient un cylindre de deux pouces quatre lignes de diametre. Mais l’auteur exact après lequel nous parlons, nous avertit que cette estimation ne s’est pas faite avec beaucoup de précision ; & il n’est pas difficile de s’en appercevoir car ce n’est pas assez d’avoir le volume d’un fluide en mouvement, il faut en avoir encore la vîtesse.

Ce puits a 52 piés de profondeur, sur 18 de diametre par le bas & de 15 par le haut. Le dedans est revêtu d’un double rang de madriers, derriere lesquels il y a un lit de courroi qu’on prétend être de 18 à 20 piés d’épaisseur, & dont l’usage est d’empêcher l’enfiltration des eaux douces. On voit la forme du puits, Pl. a. b. c.

On éleve les eaux avec une chaîne sans fin qui se meut sur une poulie garnie de cornes de fer, appellée bouc. Elle est composée de 180. chaînons de 10 pouces de longueur chacun, garnis de 5 en 5 de morceaux de cuirs appellés bouteilles, qui remplissent le diametre d’un cylindre de bois creux dans toute sa longueur, appellé buse, & posé perpendiculairement. Les cuirs forcent successivement l’eau à s’élever dans une auge, d’où elle est conduite dans les baissoirs ou magasins d’eau.

La poulie appellée bouc, est attachée à une piece de bois posée horisontalement, ayant à son extrémité une lanterne dans laquelle une roue de 24 piés de diametre & de 175 dents vient s’engrener ; ce rouage tourne sur son pivot, & est mis en mouvement par huit chevaux attelés deux à deux à quatre branches ou leviers. Le pivot est posé sur sa crapaudine, & arrêté en-haut par un gros arbre placé horisontalement.

Le tirage se doit faire rapidement ; parce que les bouteilles ne remplissant pas exactement le diametre de la buse, l’eau retomberoit, si le mouvement qui l’éleve n’étoit plus grand que celui qu’elle recevroit de sa pesanteur, de sorte que les chevaux vont toujours le galop. Cette machine est simple & fournit beaucoup : mais il est évident qu’elle peut être perfectionnée par un moyen qui empêcheroit l’eau élevée de monter en partie.

On peut réduire ce changement à deux points : le premier, à mesurer l’extrème vîtesse avec laquelle on est contraint de faire mouvoir la machine.

Le second, à éviter l’inconvénient dans lequel on