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ne peut fixer le nombre des sardines, attendu qu’il dépend de la petitesse ou de la grosseur du poisson qui l’augmente, ou le diminue, parce que c’est le remplissage de la futaille qui en fait le poids ; il en faut quelquefois seulement trois milliers environ, quand les sardines sont belles & grosses pour les remplir, & d’autres fois il en entre jusqu’à dix milliers, lorsque le poisson est de petites pieces & maigre.

Les fusts ou barrils de sardines de Belle-Isle, n’ont guere de bouge ou de ventre, leur forme est celle des barrils de brai du nord ; ils sont faits de bois de hêtre, & un des fonds, qui est celui de dessous, est percé de plusieurs trous, pour donner lieu à l’écoulement de l’eau & de l’huile que la presse en fait sortir ; ces barrils bien pressés & marchands, pesent ordinairement depuis trois cens jusqu’à trois cens dix livres.

Les sardines sont huit à dix jours à être pressées ; quand elles sont bien préparées, elles se peuvent conserver bonnes pendant sept à huit mois au plus ; après ce tems les chaleurs viennent, & les sardines se gâtent, elles deviennent rances & fétides.

Les presses à sardines sont des especes de petits magasins à rez-de-chaussée, sans aucun étage, à la hauteur de 3 piés & demi à 4 piés, il y a des trous dans la muraille d’environ un pié en quarré, & de profondeur pour y pouvoir placer le bout, le lans-pect ou petit soliveau qui forme le levier de la presse ; on place le barril à une distance proportionnée de la muraille, le fond qui est percé est sur un conduit, ou petit égoût, le long duquel coulent l’huile & l’eau qui sortent des barrils, & qui tombent dans une espece de cuve qui sert de réservoir pour recevoir tout ce qui sort des barrils ou presses ; quelques propriétaires mettent au haut des ouvertures des trous, une pierre dure ou un grais ; d’autres y mettent d’un bout à l’autre, une traverse ou un linteau de bois ; on place sur le bout du haut du barril qui est ouvert, un faux fond de bois de l’épaisseur de sept à huit pouces, & ensuite quelques petites traverses de bois qu’on multiplie à mesure que les sardines s’affaissent, & au-dessus on met le levier au bout duquel on place une planche suspendue avec de petites cordes, comme un des fonds d’une balance que l’on charge de pierres & d’autres poids, pour donner un poids convenable & suffisant sur les sardines du barril, & on augmente ce poids à mesure qu’elles se pressent, en remplissant de tems à autres le haut du barril jusqu’à ce que la presse soit achevée, & le barril rempli comme il le doit être.

Comme on ne peut déterminer le nombre des sardines qui entrent dans un barril, on ne sauroit aussi fixer celui des barrils de sardines qui peuvent rendre à la presse une barrique d’huile, parce que comme on vient de l’observer, la sardine maigre & petite rend peu ou point du tout d’huile, au lieu que celle qui est grosse & qui est ordinairement aussi la plus grasse, en fournit beaucoup ; on tire communément des sardines de bonnes qualités, une barrique d’huile de la presse de quarante barriques ; cette huile sert dans l’île, au radoub des chaloupes pêcheuses, & à celui des bâtimens employés au commerce ; il s’en consomme encore au même usage que l’huile des baleines, par les corroyeurs, pour repasser leurs peaux, & quoique son odeur soit fort fétide, les pauvres gens s’en servent à bruler dans leurs lampes.

Les mailles des rets avec lesquels on fait la pêche des sardines, sont de trois especes ; les premieres ont 8 lignes en quarré, les secondes ont 7 lignes, & les troisiemes seulement 6. Ainsi elles sont plus grandes que l’ordonnance ne la prescrit, puisqu’elle fixe la grandeur des mailles à 16 lignes de tour, c’est-à-dire à 4 lignes en quarré.

Les rets à grandes sardines ont onze lignes en quar-

ré, les pêcheurs alors ne boitent point ; ces rets

servent encore à faire la pêche des éguillettes ou orphies, sur les rochers qu’ils entourent, & durant les mois d’Avril & Mai, ces filets sont les mêmes que les seines au hareng des pécheurs normands, ils les emploient abusivement quelquefois à traîner sur les côtes qui sont couvertes de sables. Voyez la démonstration des différens apprêts des sardines, dans nos Planches de pêches ; la premiere partie de la planche contient la représentation de la maniere de saler les sardines ; la seconde, le lavage des mêmes sardines ; & la troisieme, la maniere de presser les sardines dans les presses ou magasins.

De la pêche de la sardine, & de la maniere de la préparer & de préparer aussi l’anchois, comme on le fait en Provence & en Languedoc. Il n’y a que peu d’années que ces sortes de salaisons sont pratiquées le long des côtes de la Bretagne méridionale, & il ne s’y en prépare guere que sur les côtes de l’amirauté de Quimper, à Concarneau, & à Belle-Isle sur celle de Vannes.

La pêche de ces poissons étant devenue ingrate & stérile sur les côtes du Levant, les Provençaux instruits de l’abondance de cette pêche en Bretagne, y viennent à présent chaque année ; ils y arrivent vers le commencement du mois de Mai, & s’en retournent à la fin d’Octobre.

Ils mettent dans une barrique de sel, du poids de 200 livres au moins, deux livres d’ocre rouge, ou bol arménique en poudre ; ils ôtent des anchois la tête & les entrailles ; ils salent ensuite par lits leurs anchois, qu’ils arrangent le dos en haut, dans de grands & petits barrils qu’ils nomment barrots, les grands peuvent contenir environ 5 à 600 poissons, & les demi à proportion.

Ces sortes de barrils sont fabriqués à Cette, jaugés par la police, & marqués à feu ; il y a à Cette un inspecteur pour cette jauge, & peine d’amende & confiscation des barrots qui n’y seroient pas conformes.

Les grand barrots pleins, peuvent peser 24 à 25 livres ; quand les barrils sont remplis de poissons alités, on l’enfonce, en laissant un trou au milieu du fond du dessus ; on les expose ainsi débouchés au soleil pendant plusieurs jours ; ce que l’on répete trois à quatre fois de quinze jours en quinze jours, pendant que l’on fait cette sorte de préparation.

La chaleur fait fermenter la saumure que le poisson forme de son suc & de la fonte du sel, elle aide à confire le poisson ; la saumure surnage au-dessus du fond, on n’y en met pas de nouvelle quand elle diminue, on a soin de tems en tems de douiller les barrils ; il faut faire attention de boucher avec une cheville les barrils exposés au soleil, pour peu que l’on craigne la pluie, qui altéreroit la saumure, & feroit tort au poisson.

La sardine anchoitée, c’est-à-dire préparée avec le même sel rouge, s’accommode de même, excepté qu’on ne lui ôte que la tête, & qu’on lui laisse les entrailles.

Les sardines les plus petites, qui sont ordinairement celles de primeur, sont celles qui conviennent le mieux à cette préparation, & même les sardines que l’on rebute dans les presses, s’emploient dans ces barrots, tant les étêtées, ou celles auxquelles on a coupé la tête, que les égueulées & éventrées, qui ne peuvent servir aux sardines salées & pressées.

Tous les anchois se mettent dans les petits barrils, on sale peu de sardines dans ces futs ; on se sert ordinairement de barriques vuidange de Bordeaux ou de Mantes ; lorsque ces sardines sont arrivées en Languedoc ou en Provence, les négocians qui font ce commerce, les transvasent dans de petits barrils que l’on fabrique chez eux pour cet usage.

Cette espece de salaison n’est marchande que la se-