Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/73

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tiqués à environ quatre pouces de leurs extrémités, & passent librement dans la premiere jumelle, c’est-à-dire dans celle qui doit être contre la tête des vis, mais les trous de la seconde sont en forme d’écrous, ce qui donne à cette jumelle la même action qu’à la jumelle courante des presses à endosser & à rogner ; la cheville de fer a sept à huit pouces de longueur & un demi de circonférence, elle sert comme dans les autres presses à serrer ou desserrer, en l’introduisant par le bout dans des trous pratiqués à cet effet dans la tête des vis. Telle est la construction des différentes presses en usage chez les Relieurs. Mais reprenons nos feuilles, & conduisons-les d’opération en opération jusqu’à ce qu’enfin elles soient reliées, & qu’elles forment un volume parfait qui puisse tenir sa place dans une bibliotheque. Les feuilles pliées, collationnées, battues & pressées se collationnent une seconde fois au sortir de la presse, de peur qu’en ayant divisé la totalité par battées, il ne s’y trouve quelque dérangement, dont le moindre seroit toujours de grande conséquence : cette seconde collation se fait de la même façon que la premiere, c’est-à-dire en consultant les signatures. Lorsque l’ouvrier est certain que ses feuilles sont dans l’ordre, & qu’il n’y a aucune transposition, il les rassemble en corps pour les gréquer lorsqu’il veut faire un reliure à la greque : il met pour cet effet toutes les feuilles destinées pour le même volume entre deux petits ais de de bois, ils doivent être bien polis, & un peu plus épais en-haut qu’en-bas, de sorte qu’ils forment une pente douce : il faut observer que le dos des feuilles excede d’un doigt le bord de ces ais, afin de laisser à la greque la liberté d’agir, il pose ensuite le tout dans la presse à endosser ; l’ouverture des feuilles doit être en-bas & le dos en-haut, & lorsqu’elles sont bien contenues & bien serrées dans la presse, l’ouvrier prend alors la greque qui est un outil en forme de sciot ou scie à seule branche, & qui n’est autre chose qu’une lame de fer trempé, longue d’environ quinze pouces, enchâssée dans un manche de bois de huit pouces qui lui sert de poignée ; sa largeur sortant du manche est d’environ deux pouces & demi, & va en diminuant jusqu’à son extrémité qui se trouve alors réduite à un pouce ; l’épaisseur de cette lame est de deux lignes, & dans toute sa longueur elle est armée de dents comme une véritable scie, à l’exception que les pointes de ces dents sont toutes sur la même ligne, & qu’elles ne donnent ni à droite ni à gauche comme celles des scies ordinaires. C’est avec cet outil que l’ouvrier fait sur le dos de ses feuilles autant d’entailles qu’il veut mettre de nervures ; lorsqu’on veut relier proprement, on fait cinq entailles ou hoches avec la greque sur les petits formats, & six sur les grands. Ces entailles ou hoches servent à loger les ficelles, autour desquelles sont retenus les fils qui attachent les feuilles ensemble, on donne à ces ficelles le nom de nerfs ; ces ficelles ainsi passées dans les hoches faites par la greque, ne causent aucune élévation sur le dos du livre dont il ne se trouve aucune partie plus apparente que l’autre, ce qui fait la différence des livres reliés à la greque d’avec ceux qu’on appelle reliés en nerfs, dont les nervures paroissent & font sur le dos du livre comme de petites côtes. Outre les cinq entailles que l’on fait avec la greque aux petits formats, ou les six aux grands, on en fait aux uns & aux autres une également sur le dos à chaque bout du livre qui sert à arrêter le fil, & qui fait ce qu’on appelle la chaînette, ce qui s’observe toujours aux petits formats, soit qu’on les relie à la greque, soit en nerfs ; mais on ne greque aux extrémités ni les in-quarto, ni les in-folio, lorsqu’ils sont reliés en nerfs, de sorte que la chaînette paroît sur le dos du volume jusqu’à ce que l’on passe à une autre opération qui la fasse disparoître, & dont nous

parlerons ci-après. Alors soit que les feuilles soient destinées à faire un volume relié à la greque, soit qu’on veuille les relier en nerfs, on les coud sur le cousoir avec une longue aiguille d’acier un peu recourbée. Le cousoir est composé de quatre pieces de bois, savoir de la table qui a dans toute sa longueur une espece de rainure percée à jour & large de cinq à six lignes, de deux vis dressées perpendiculairement aux deux extrémités de la table dans la même ligne que la rainure, & d’une traverse avec ses deux cavités en forme d’écrous, qui s’engrene sur le haut des vis. Pour se servir du cousoir, on attache sur la traverse d’en-haut autant de ficelles qu’on veut faire de nervures, & après les avoir espacées suivant le format du livre, on les fait passer par la rainure, & on les arrête par-dessous avec de petits instrumens de cuivre, qu’on appelle clavettes, qui ont un trou quarré par un bout, & sont couvertes en forme de fourches par l’autre. On passe le bout des ficelles dans le trou des clavettes, & on le saisit en tournant, afin qu’il ne s’échappe point ; on passe ensuite les clavettes par la rainure, & on les met de travers lorsqu’elles sont passées, afin que portant des deux côtés de la rainure elles ne puissent s’échapper ni repasser d’elles-mêmes. Que si les ficelles étoient trop lâches, on peut les tendre autant qu’il est besoin, en tournant avec les mains les deux vis du sens qui fait monter la bande, c’est-à-dire qui l’éloigne de la table, ou par un sens contraire la faire descendre, si les ficelles étoient trop tendues. Lorsque le cousoir est ainsi disposé, on prend une feuille de papier marbré qui, pliée en deux, soit de même format que le livre que l’on veut relier, on plie cette feuille de façon que la marbrure soit en-dedans & le blanc en-dehors, & on la coud ainsi d’un bout à l’autre le long des nerfs attachés au cousoir, ensuite on prend une feuille de papier blanc pliée comme l’autre & de même grandeur ; on coud celle-ci comme la premiere, après quoi on prend par ordre les cahiers, & on les coud en conduisant, comme aux deux premieres feuilles, un fil de chanvre dans le milieu de chacun d’eux à commencer du premier de ces nerfs jusqu’au dernier, & en faisant faire à ce fil un tour sur chaque nerf. Lorsque tous les cahiers qui doivent former le livre sont ainsi cousus, on finit par une feuille de papier blanc & une feuille de papier marbré, toutes deux pliées, disposées & cousues comme au commencement. Il est bon d’observer ici que les ficelles de la nervure doivent être de différente grosseur, suivant la grandeur du format. Cette opération faite, on coupe les ficelles à deux pouces loin du livre ; on les éffile de chaque côté, c’est-à-dire qu’on les détord, & qu’on les diminue sur le bout en les grattant avec un coûteau, après quoi on les imbibe de colle de farine, & on les retord en les roulant sur le genouil, de sorte que les extrémités étant seches, roides & pointues, on peut les passer facilement dans le carton, ce qui se fait ainsi : on prend une feuille de carton que l’on compasse, afin d’en tirer parti plus que l’on peut, & qu’il n’y ait point de perte, s’il est possible ; par exemple, si c’est pour couvrir des in-12. on prend une feuille de carton d’une espece qu’on appelle catholicon, on la compasse en dix morceaux que l’on coupe également, & qui servent par conséquent à couvrir cinq volumes in-12 ; le carton se coupe avec la pointe qui est un outil de fer avec un manche de bois de dix-huit à vingt pouces de long, y compris le manche, le bout de l’outil est coupé en chanfrain & très-tranchant ; le reste de l’outil jusqu’au manche est couvert de cuir, & ressemble assez à une lame d’épée plate qui seroit dans son fourreau, mais dont le bout seroit nud ; cette enveloppe conserve la main de l’ouvrier qui empoigne cet outil dans le milieu, & appuie le bout du manche sur le devant