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mis au milieu de la ville, & servit d’azile aux criminels.

Scyros fut enlevée aux Athéniens pendant les guerres qu’ils eurent avec leurs voisins ; mais elle leur fut rendue par cette fameuse paix qu’Ataxerxe, roi de Perse, donna à toute la Grece, à la sollicitation des Lacédémoniens. Après la mort d’Alexandre le Grand, Démétrius I. du nom, surnommé Πολιορκητὴς, le preneur de villes, résolut de donner la liberté aux villes de Grece, prit la ville de Scyros, & en chassa la garnison.

Il n’est pas nécessaire de dire que cette île a été soumise à l’empire romain, & ensuite à celui des Grecs. André & Jérôme Gizi se rendirent les maîtres de Scyros après la prise de Constantinople par les François & par les Vénitiens. Elle passa sous la domination des ducs de Naxie, & finalement sous celle des Turcs, avec le reste de l’Archipel. Voyez l’état présent de cette île au mot Scyros. (Géog. mod.)

Mais il faut se ressouvenir, à la gloire de l’ancienne Scyros, que Phérécide y vit le jour. C’est l’un des plus anciens philosophes de la Grece, le maître de Pythagore, & le disciple de Pittacus. On garda long-tems à Scyros son cadran solaire, comme un monument de sa capacité : quelques-uns prétendoient qu’il avoit tiré la maniere de le fabriquer des écrits des Phéniciens ; mais le plus grand nombre lui en attribuoit l’invention. On croit aussi qu’il a trouvé la cause des éclipses.

Pline dit de Phérécy de qu’il fit en prose le premier ouvrage philosophique que l’on eût vu parmi les Grecs, prosam orationem primus condere instituit : ces paroles signifient seulement qu’il fut le premier qui sut donner à la prose une espece de cadence & d’harmonie. Cicéron loue ce grand homme par un autre endroit bien remarquable, d’avoir enseigné le premier l’immortalité de l’ame ; mais c’est peut-être la transmigration des ames, comme Suidas le pensoit, que Phérécide enseigna le premier.

Quelques savans ont aussi confondu notre Phérécyde de Scyros avec Phérécide l’athénien, qui composa dix livres sur les antiquités de l’attique. Phérécyde l’athénien est postérieur au philosophe Phérécyde de Scyros, & a vécu selon les apparences au tems de Cambises & de Darius. (Le chevalier de Jaucourt.)

Scyros, (Géogr. mod.) île de l’Archipel, à l’orient de Metelin, & au nord-est de Negrepont. Elle est à sept lieues de cette derniere île, à seize de Metelin, & à sept de Scopelo. Elle s’étend en longueur du septentrion au midi, & a environ 60 milles de circuit. On lui donne à-peu-près la figure d’un triangle, & quoiqu’escarpée, elle est agréable, & assez cultivée pour le peu de monde qu’elle renferme, car on n’y compte pas plus de 300 familles de chrétiens Grecs, lesquelles s’appliquent à la culture des vignes qui leur produisent de fort bons vin. Long. 42d. 40-54. lat. 39. 4-20.

Le port de Scyros, est un des meilleurs de toutes les îles de Grece, capable de contenir une grande armée, & où l’on peut mouiller presque par-tout. Il regarde le sud-ouest, & quand l’on est à sa vue, on découvre dans les terres une profonde vallée, qui fait paroître l’île comme s’il y en avoit deux. La premiere montagne qui borne ce vallon, & qui s’offre aux yeux du côté du levant, est toujours fameuse par la mort de Thésée.

Il n’y a qu’un seul village dans l’île de Scyros ; encore est-il bâti sur un rocher en forme de pain de sucre, à dix milles du port dont nous venons de parler. Le cadi est aussi le seul Turc qui soit dans l’île, mais les habitans répondent de lui ; comme ils sont obligés de payer sa rançon, en cas qu’il fût enlevé par les corsaires, ils se mettroient en devoir

de le sauver, si quelqu’un vouloit le faire prisonnier.

L’évêque de Scyros ne subsiste presque que de charités, & loge dans une maison bâtie comme un cachot. Les insulaires parlent encore d’Achille ; son nom même est commun dans l’île, & beaucoup de Grecs le portent, quoiqu’un peu déguisé. Ils ont une église dédié à S. Achillée, & une dévotion particuliere pour ce saint. Voilà ce qu’est actuellement l’état monarchique du roi Lycomede : quoiqu’il ne fût pas brillant autrefois, il est pourtant vrai que c’est surtout de nos jours, qu’on peut lui appliquer le proverbe des anciens, qui désignoient par la principauté de Scyros, un chétif & misérable royaume.

Le nom même de Scyros étoit déja dans l’oubli, quand un poëte Italien le comte (Gui Ubaldo) Bonarelli le fit revivre sur la fin du seizieme siecle par sa Phylis de Scyros, Filli de Scyro. Il remplit cette pastorale de fleurs poëtiques, de graces, & de traits délicats. L’Italie en fut enchantée, mais on trouva par l’examen que l’auteur pensoit toujours moins à peindre les choses naturellement, qu’à les dire avec esprit. On le blâma surtout d’avoir introduit dans sa piece, une nymphe nommée Célie, qui aime également deux bergers à la fois, & qui les aime avec tant de fureur, qu’elle ne trouve que la mort qui puisse terminer son état. Bonarelli fit pour la défense de ce double amour, une dissertation pleine d’esprit & de savoir, mais qui ne convainquit personne qu’il avoit raison. (Le Chevalier de Jaucourt.)

SCYRTONIUM, (Géog. anc.) ville des Egyptiens, selon Pausanias, qui, l. VII. c. xxvij, dit que ce fut une des villes qui envoyerent la meilleure partie de leurs citoyens pour peupler Megalopolis. (D. J.)

SCYSSA, (Géogr. anc.) ville d’Espagne. Polybe, l. XXI. c. xx. écrit Scyssa, & Tite-Live, l. III. c. lxxvj, dit Scyssum. C’est auprès de cette ville que les Carthaginois furent battus pour la premiere fois par Scipion. On croit que c’est aujourd’hui Guissona. (D. J.)

SCYTALE, s. f. (Hist. de Sparte.) rouleau de bois autour duquel il falloit entortiller une bande de parchemin écrite, pour entendre le sens de cette écriture.

Il faut donc sçavoir que les Lacédémoniens, pour empêcher qu’on ne pût déchiffrer les ordres qu’ils envoyoient par écrit à leur général d’armée, imaginerent de faire deux rouleaux de bois, d’une longueur & d’une épaisseur égale, & que le travail du tour avoit parfaitement arrondie ; les Ephores en conservoient un, & donnoient l’autre au général d’armée, qui marchoit contre l’ennemi. Chaque fois que ces souverains magistrats lui vouloient envoyer des ordres secrets, qui ne pussent être déchiffrés en cas qu’on les interceptât, ils prenoient une bande de parchemin étroite & longue, qu’ils rouloient avec justesse autour de la scytale ou rouleau de bois. En cet état ils écrivoient sur la bande de parchemin leurs intentions, qui paroissoient dans un sens parfait tant que la bande de parchemin étoit appliquée sur le rouleau ; mais dès qu’on la developpoit, l’écriture étoit tronquée, & les mots sans liaison ; il n’y avoit que le général seul qui pût y trouver de la suite & du sens, en ajustant la bande sur le rouleau semblable, & la remettant dans la même assiette où les éphores l’avoient mise. C’est ainsi que l’art mystérieux d’écrire en chiffres a été jadis ébauché à Lacédémone. Les Athéniens, malgré leur esprit, n’ont point eu l’honneur de cette invention. (D. J.)

SCYTHARION, s. m. (Botan. anc.) nom donné par les anciens auteurs grecs à un arbre dont le bois étoit d’un beau jaune, & s’employoit dans ces anciens tems pour peindre dans cette couleur. On l’appelloit aussi chrysoxylon, bois d’or, à cause de son