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tonneau. Le sel que l’on nomme szybikowa, est plus pur que le premier, il n’en differe, que parce qu’il n’est point en crystaux ; le tonneau se vend 24 florins, & le quintal en bloc pour 4 florins de Pologne.

La seconde espece se nomme makowka ; elle n’est point en crystaux, & ressemble assez à du grais ; c’est un amas confus de petits grains de sel, dont on ne peut point distinguer les figures.

La troisieme espece se nomme jarka ; elle se trouve mêlée avec les deux especes précédentes, qu’elle traverse comme des veines ; ce sont des petits grains de sel blanc, peu liés les uns autres ; & qui sont causes que les blocs de sel se brisent dans les endroits où ils sont traversés par cette sorte de sel. Le jarka fait aussi des couches suivies.

On donne pareillement différens noms aux substances, qui servent de gangue ou d’enveloppe au sel. La premiere se nomme halda ; c’est une argille d’un gris foncé, fort humide, entremêlé de grains de sel, dont quelques-uns sont en crystaux. La seconde s’appelle midlarka, c’est une argille noirâtre, grasse au toucher comme du savon ; on y trouve fréquemment des coquilles dans leur état naturel, dont la cavité s’est remplie de sel. La troisieme espece de substance se nomme zuber ; c’est un mélange de sable, de terre, d’albâtre & de sel ; c’est dans cette substance que l’on trouve le vrai sel gemme, en grands crystaux blancs & transparens comme du verre, lorsqu’on le casse, il se divise toujours par cubes à angles droits, les Polonois le nomment oczkowatae. C’est aussi dans ce sel que l’on voit des cailloux arrondis, des masses de roches composées de différentes couches, & des morceaux de bois ; on y trouve aussi des fragmens d’une roche de la nature du marbre.

Les mines de sel de Bochnia ne sont point à beaucoup près si étendues que celles de Wieliczka. Elles ont été découvertes vers l’an 1251, sous le regne de Boleslas le chaste ; les galeries vont de l’orient au couchant, & ont 1000 lachters ou verges de dix piés de longueur, la largeur de la mine est de 75 lachters du nord au midi. Il y a ordinairement 250 ouvriers qui y travaillent. Les couches de terre qui s’y trouvent, sont à peu-près les mêmes qu’à Wieliczka. Au-dessous de la terre franche, on rencontre de la glaise, ensuite un sable très-fin mêlé d’eau, & enfin une argille noirâtre & compacte, qui couvre le lit de sel, qui n’est point par blocs ou masses, mais par couches suivies, dont l’épaisseur n’est point partout la même. Tout le sel, qu’on en retire se met en tonneaux.

Ces deux mines de sel gemme, sont si abondantes, que l’on croit qu’elles suffiroient pour en fournir à l’Europe entiere. On compte que tous les ans on en retire à peu-près 600000 quintaux, & il n’y a point apparence qu’elles s’épuisent de plusieurs siecles.

Quelques physiciens croient que la mer est redevable de la salure de ses eaux à des grandes masses ou roches de sel gemme qui se trouvent à leur fond, & qu’elles mettent en dissolution ; c’est entr’autres le sentiment du comte de Marsigli ; il ne paroît guere probable, vu que la mer auroit du dissoudre depuis long-tems toutes ces masses salines, s’il en eût existé. M. Schober est d’un sentiment contraire, il regarde le mines de sel de Pologne, comme des monumens qui prouvent d’une maniere indubitable, que la mer a autrefois occupé le terrein, où ces mines se trouvent actuellement ; elle en a été chassée par quelque révolution arrivée à notre globe, on peut le présumer par les coquilles & les corps marins que l’on trouve ensevelis dans ces mines ; le bouleversement a du être très-considérable, puisque des masses énormes de roches, des cailloux arrondis, des arbres, &c. ont été enfouis en même tems sous terre ; d’ailleurs le soufre que l’on rencontre aux environs de

ces mines, prouve qu’il a du y avoir autrefois des volcans & des feux souterreins dans cet endroit. Les eaux salées se sont évaporées peu-à-peu, elles ont déposé leur sel, & ont formé des couches immenses.

Quelques personnes ont cru que le sel gemme se reproduisoit dans les endroits d’où il a été tiré, c’est une erreur ; il est vrai que les eaux souterreines qui se sont chargées de sel, vont quelquefois le porter en d’autres endroits où elles le déposent à l’aide de l’évaporation ; ce qui ne peut point être appellé une reproduction, mais une transposition.

On trouve encore des mines de sel gemme en plusieurs endroits de l’Europe. Il y en a de fort abondantes dans la Transilvanie & dans la haute Hongrie, près d’Epéries ; elles produisent un revenu très-considérable à la maison d’Autriche. Ces mines ont 180 lachter ou verges c’est-à-dire, 1800 piés de profondeur. Le sel gemme s’y trouve par couches suivies ; ce n’est point une roche, mais de la terre qui les accompagne. On dit qu’il s’y est trouvé des masses ou des blocs de sel qui pesoient jusqu’à cent milliers ; on les divise en morceaux quarrés comme des pierres de taille, pour pouvoir commodément les sortir de la mine, après quoi on les écrase sous des meules ; ce sel est gris de sa nature, mais il paroît tout blanc, lorsqu’il a été pulvérisé. Il s’y trouve des morceaux de sel blancs & transparens comme du crystal ; d’autres sont colorés en jaune & en bleu, au point qu’on en fait des bijoux & des ornemens, qui imitent ceux qu’on fait avec les pierres précieuses. On assure que ces mines de Hongrie ne le cedent en rien à celle de Pologne.

Il y a en Tyrol, à deux lieues d’une ville, nommée Hall, des mines de sel très-abondantes, qui sont exploitées depuis plusieurs siecles. Ce sel est de différentes couleurs, il y en a de blanc, de jaune, de rouge & de bleue ; on le fait dissoudre dans des auges ou dans des réservoirs pratiqués en terre, d’où l’eau chargée de sel, est conduite par des canaux de bois jusqu’à la ville ; là on la fait bouillir pour purifier le sel, qui se vend au profit de la maison d’Autriche ; on prétend que tous frais faits, il donne un produit de plus de deux cent mille florins, c’est-à-dire, cinq cent mille livres par an. Le sel qui se trouve à Hallein, dans l’archevêché de Saltsbourg, est de la même nature que celui du Tyrol, & doit être raffiné de la mêmé maniere.

On trouve aussi du sel gemme de différentes couleurs en Catalogne, dans le voisinage de Cardone ; il y en a de blanc, de gris de fer, de rouge, de bleu, de verd, d’orangé ; quelques morceaux ainsi colorés sont transparens, d’autres sont entierement opaques. Ces sels font des couches les unes au-dessus des autres. On en détache des masses de la même maniere que les pierres dans les carrieres. Il y a lieu de présumer que ces différentes couleurs de sel gemme, viennent de parties métalliques & minérales, qui en rendroient l’usage très-suspect, si l’on n’avoit soin de le purifier avant que de s’en servir. (—)

Sels lixiviels, (Chimie & Médecine.) les sels lixiviels sont ceux qu’on retire par la lessive des cendres des plantes.

Pour avoir ces sels, nous connoissons deux méthodes. La premiere & la plus suivie consiste à prendre la plante dont on veut tirer le sel, récente, mais séchée (le meilleur tems pour la cueillir est un peu avant sa maturité), à la brûler en la remuant sur un foyer propre, à en lessiver les cendres avec de l’eau pure qu’on filtrera & qu’on fera évaporer dans un vaisseau de pierre, de verre, de terre vernissée, ou mieux encore de métal parfait, jusqu’à siccité par une ébullition moyenne, poussant le feu sur la fin, calcinant le sel dans un creuset en le remuant sans le