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tures vivantes, de voler, de commettre l’adultere, de mentir, de faire usage de liqueurs fortes. Cette loi prescrit, outre cela, des devoirs très-gênans, & une mortification continuelle du corps & de l’esprit. Les bonzes ou moines de cette religion punissent avec la derniere sévérité, & de la maniere la plus cruelle, les moindres fautes de ceux qui sont soumis à leur direction ; ces moines sont de deux especes, les uns appellés genguis, & les autres appellés goguis. Ils menent une vie extraordinairement pénitente, & leur figure a quelque chose de hideux : le peuple les croit des saints, & n’ose résister à leurs ordres, quelques barbares qu’ils puissent être, & lors même que leur exécution doit être suivie de la mort. Ces bonzes font passer les pellerins qui visitent les temples de Siaka par les épreuves les plus cruelles, pour les forcer de confesser leurs crimes avant que de les admettre à rendre leurs hommages à ce dieu.

Cette religion a ses martyrs, qui se donnent une mort volontaire, dans la vue de se rendre agréables à leurs dieux. On voit, le long des côtes de la mer, des barques remplies de fanatiques, qui après s’être attachés une pierre au col, se précipitent dans le fond de la mer. D’autres se renferment dans des cavernes qu’ils font murer, & s’y laissent mourir de faim. D’autres se précipitent dans les abymes brûlans des volcans. Quelques-uns se font écraser sous les roues des chariots sur lesquels on porte en procession Amida & les autres dieux de leur religion ; ces scenes se renouvellent chaque jour, & les prétendus martyrs deviennent eux-mêmes les objets de la vénération & du culte du peuple.

Il y a plusieurs fêtes solemnelles que célebrent les sectateurs de la religion de Siaka. La principale est celle que l’on appelle la fête de l’homme. L’on y porte en procession la statue du dieu Siaka sur un brancard, celle de sa maîtresse paroît ensuite ; cette derniere rencontre comme par hasard la statue de sa femme légitime : alors ceux qui portent celle-ci se mettent à courir de côté & d’autre, & tâchent d’exprimer par leurs actions le chagrin que la rencontre d’une rivale préférée cause à cette épouse infortunée ; ce chagrin se communique au peuple, qui communément se met à fondre en larmes. On s’approche confusément des brancards comme pour prendre parti entre le dieu, sa femme & sa maîtresse, & au bout de quelque tems, chacun se retire paisiblement chez soi, après avoir remis les divinités dans leurs temples. Ces idolâtres ont une autre fête singuliere, qui semble faite pour décider, les armes à la main, la préséance que méritent les dieux. Des cavaliers armés de pié en cap, échauffés par l’ivresse, portent sur le dos les dieux dont chacun d’eux s’est fait le champion ; ils se livrent des combats qui ne sont rien moins que des jeux, & le champ de bataille finit par se couvrir de morts ; cette fête sert de prétexte à ceux qui ont à venger des injures personnelles, & souvent la cause des dieux fait place à l’animosité des hommes.

La religion de Siaka a un souverain pontife, appellé siako, des évêques que l’on nomme tundes, & des moines ou bonzes appellés xenxus & xodoxins. Voyez ces différens articles.

SIAKO, ou XACO, (Hist. mod.) c’est le nom que l’on donne au Japon au souverain pontife du Budsdoïsme, ou de la religion de Siaka. Il est regardé par ceux de la secte comme le vicaire du grand Budsdo ou Siaka. Voyez l’article qui précede. Le siako a un pouvoir absolu sur tous les ministres de sa religion ; c’est lui qui consacre les tundes, dont la dignité répond à celle de nos évêques, mais ils sont nommés par le cubo ou empereur séculier. Il est le chef suprême de tous les ordres monastiques du Budsdoïsme ; il décide toutes les questions qui s’élevent au sujet

des livres sacrés, & ses jugemens sont regardés comme infaillibles. Le siako a, suivant le P. Charlevoix, le droit de canoniser les saints, & de leur décerner un culte religieux. On lui attribue le pouvoir d’abréger les peines du purgatoire, & même celui de tirer les ames de l’enfer pour les placer en paradis.

SIALAGOGUES, ou SALIVANS, adj. (Médec.) ce sont des remedes qui donnent un mouvement violent aux liqueurs limphatiques & salivaires, & les font sortir par la bouche ; mais quoique le regne végétal fournisse beaucoup de remedes qui excitent la salive, cependant le plus efficace est le mercure ; c’est aussi pour cela que l’on emploie le mercure, lorsqu’on veut procurer sûrement & copieusement la salive.

SIALOGRAPHIE, s. f. dans l’économie animale, la partie qui traite de la salive. Ce mot est composé du grec σίαλον, ou σίαλος, salive, & γράφω, j’écris.

Schurig, médecin à Dresde, nous a donné un livre in-4°. sous le titre de syalographie, imprimé à Dresde en 1723.

De Nuck, un ouvrage in-8°. sous le même titre, imprimé à Leyde en 1690 & en 1722.

SIAM, royaume de, (Géog. mod.) royaume d’Asie, dans les Indes orientales. Ce royaume est appellé, par ceux du pays, Muan-Thai, c’est-à-dire, la terre de Thai. Les Malays & les Péguans l’appellent Tziam, d’où vient le nom européen Siam. Il s’étend depuis environ le septieme degré de latitude septentrionale, jusqu’au dix-neuvieme. Vers le milieu où la ville capitale est située, il est à 14 degrés 18 minutes de latitude septentrionale, & à 120 degrés de longitude.

Il est borné à l’orient par les royaumes de Tunquin, Cochinchine & Camboia ; au midi par la mer, & par le pays de Malacca, dont le roi de Siam possede Ligor, Tanasseri, & quelques autres petites provinces ; à l’ouest par le royaume de Pégu, & au nord par celui de Laos.

Sa longueur, qui se prend du septentrion au midi, est à-peu-près de cent lieues, dans les endroits où elle n’est point occupée par les états voisins. Sa largeur est d’environ cent lieues dans sa plus grande étendue, & d’environ vingt lieues dans sa plus petite. A considerer sa grandeur, il n’est guere peuplé, excepté le long de la riviere. La quantité de peaux de dains & de buffes que les marchands en tirent tous les ans, fait assez voir qu’il contient de grandes forêts & de vastes deserts ; il faut encore remarquer qu’on ne tue ces animaux que dans le voisinage, parce que les tigres & les marais ne permettent pas aux chasseurs de pénétrer un peu avant dans les bois.

Ce royaume renferme douze grandes provinces, dont chacune est gouvernée par un oja, ou prince, en qualité de lieutenant de roi, qui a sous lui plusieurs opera ou officiers inférieurs. Il y a aussi à la cour un oja pour chaque province, qui en ménage les affaires & veille sur la conduite du lieutenant-général de la province.

Les Siamois parlent deux sortes de langues, la vulgaire qui est toute simple, en monossyllabes, & sans conjugaison ni déclinaison ; & une autre qu’on appelle langue bali, enrichie d’inflexion de mots comme les langues européennes. Les termes de religion & de justice, les noms de charge, & tous les ornemens de la langue vulgaire, sont empruntés de la bali ; & il semble de-là, que quelque colonie étrangere se soit habituée autrefois au pays de Siam. Mais c’est un raisonnement que l’on pourroit faire de la plûpart des contrées des Indes, qui ont ordinairement deux langues.

On prétend que les lois des Siamois leur viennent du pays de Laos ; & c’est sans doute parce qu’il y a