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à la vie. La beauté de Xénophon l’avoit frappé. Ce jeune homme fit à sa question une réponse sérieuse, selon son caractere. Socrate l’interrogeant une seconde fois, lui demanda s’il ne sauroit point où les hommes apprenoient à devenir bons. Xénophon déclarant son embarras par son silence & son maintien, Socrate lui dit : suivez moi, & vous le saurez. Ce fut ainsi que Xénophon devint son disciple. Ce n’est pas ici le lieu d’écrire l’histoire de Xénophon. Nous avons de lui la cyropédie, une apologie de Socrate, quatre livres des dits & des faits mémorables de ce philosophe, un banquet, un livre de l’économie, un dialogue sur la tyrannie, l’éloge d’Agésilas & la comparaison des républiques d’Athènes & de Lacédémone, ouvrages écrits avec une grande douceur de style, de la vérité, de la gravité & de la simplicité.

La maniere dont Eschine s’offrit à Socrate est d’une naïveté charmante. Il étoit pauvre : je n’ai rien, dit-il au philosophe dont il venoit prendre les leçons, qui soit digne de vous être offert ; & c’est-là ce qui me fait sentir ma pauvreté. Je n’ai que moi : voyez si vous me voulez. Quels que soient les présens que les autres vous aient faits, ils ont retenu par-devers eux plus qu’ils ne vous ont donné. Quant au mien, vous ne l’aurez pas plutôt accepté qu’il ne me restera plus rien. Vous m’offrez beaucoup, lui répondit Socrate, à moins que vous ne vous estimiez peu. Mais venez, je vous accepte. Je tâcherai que vous vous estimiez davantage, & de vous rendre à vous-même meilleur que je ne vous aurai reçu. Socrate n’eut point d’auditeur plus assidu ni de disciple plus zélé. Son sort le conduisit à la cour de Denis le tyran, qui en fit d’abord peu de cas. Son indigence fut une tache qui le suivit par-tout. Il écrivit quelques dialogues à la maniere de Socrate. Cet ouvrage arrêta les yeux sur lui. Platon & Aristippe rougirent du mépris qu’ils avoient affecté pour cet homme. Ils le recommanderent à Denis, qui le traita mieux. Il revint dans Athènes, où il trouva deux écoles florissantes établies. Platon enseignoit dans l’une, Aristippe dans l’autre. Il n’osa pas se montrer publiquement au milieu de ces deux philosophes. Il s’en tint à donner des leçons particulieres. Lorsqu’il se fut assuré du pain, par cette ressource, il se livra au barreau, où il eut du succès. Ménedeme lui reprochoit de s’être approprié des dialogues que Socrate avoit écrits, & que Xantippe lui avoit confiés. Ce reproche fait beaucoup d’honneur à Eschine. Il avoit bien singulierement saisi le caractere de son maître, puisque Ménedeme & Aristippe s’y trompoient. On remarque en effet, dans les dialogues qui nous restent d’Eschine, la simplicité, l’expression, les maximes, les comparaisons & toute la morale de Socrate.

Nous n’ajouterons rien à ce que nous avons dit de Criton, sinon qu’il ne quitta point Socrate pendant le tems de sa prison ; qu’il veilla à ce que les choses nécessaires ne lui manquassent pas ; que Socrate offensé de l’abus qu’on faisoit de la facilité de son caractere pour le tourmenter, lui conseilla de chercher quelque homme turbulent, méchant, violent, qui fît tête à ses ennemis, & que ce conseil lui réussit.

Simon étoit un corroyeur dont Socrate fréquentoit quelquefois la maison. Là, comme par-tout ailleurs, il parloit des vices, des vertus, du bon, du beau, du décent, de l’honnête, & le corroyeur l’écoutoit ; & le soir, lorsqu’il avoit quitté son ouvrage, il jettoit sur le papier les principales choses qu’il avoit entendues. Periclès fit cas de cet homme, il chercha à se l’attacher par les promesses les plus flatteuses : mais Simon lui répondit qu’il ne vendoit point sa liberté.

Cebès écrivit trois dialogues, dont il ne nous reste que le dernier, connu sous le nom du tableau. C’est

un petit roman sur les goûts, les penchans, les préjugés, les mœurs des hommes, composé d’après une peinture qu’on voyoit dans le temple de Saturne. On y suppose les principes suivans.

Les ames ont préexisté aux corps. Un sort heureux ou malheureux les attend.

Elles ont un démon qui les inspire, dont la voix se fait entendre à elles, & qui les avertit de ce qu’elles ont à faire & à éviter.

Elles apportent avec elles un penchant inné à l’imposture, à l’erreur, à l’ignorance & au vice.

Ce penchant n’a pas la même force en toutes.

Il promet à tous les hommes le bonheur ; mais il les trompe & les perd. Il y a une condition vraie, & une condition fausse.

La poésie, l’art oratoire, la musique, la dialectique, l’arithmétique, la géometrie & l’astrologie, sont de l’érudition fausse.

La connoissance des devoirs & la pratique des vertus, sont la seule érudition vraie.

C’est par l’érudition vraie que nous échappons dans ce monde à la peine, & que nous nous préparons la félicité dans l’autre vie.

Cette félicité n’arrivera qu’à ceux qui auront bien vécu, ou qui auront expié leurs fautes.

C’est de ce séjour de délices qu’ils contempleront la folie & la misere des hommes. Mais ce spectacle ne troublera point leur jouissance. Ils ne peuvent plus souffrir.

Les méchans, au sortir de cette vie, trouveront le désespoir. Ils en seront saisis, & ils erreront ; jouets continuels des passions auxquelles ils se seront livrés.

Ce n’est point la richesse, mais l’érudition vraie qui rend l’homme heureux.

Il ne faut ni se fier à la fortune, ni trop estimer ses présens.

Celui qui croit savoir ce qu’il ignore, est dans une erreur qui l’empêche de s’instruire.

On met encore du nombre des disciples de Socrate, Timon le Misantrope. Cet homme crut qu’il fuyoit la société de ses semblables, parce qu’ils étoient méchans ; il se trompoit, c’est que lui-même n’étoit pas bon. Je n’en veux pas d’autre preuve, que la joie cruelle que lui causerent les applaudissemens que les Athéniens prodiguoient à Alcibiade ; & la raison qu’il en donna, le pressentiment du mal que ce jeune homme leur feroit un jour. Je ne hais pas les hommes, disoit-il, mais les bêtes féroces qui portent ce nom ; & qu’étois-tu toi-même, entre ces bêtre féroces, sinon la plus intraitable ce toutes ? Quel jugement porter de celui qui se sauve d’une ville, où Socrate vivoit, & où il y avoit une foule de gens de bien ; sinon qu’il étoit plus frappé de la laideur du vice, que touché des charmes de la vertu ? Ce caractere est mauvais. Quel spectacle plus grand & plus doux que celui d’un homme juste, grand, vertueux, au-dessus de toutes les terreurs & de toutes les séductions ! Les dieux s’inclinent du haut de leur demeure bienheureuse, pour le voir marcher sur la terre ; & le triste & mélancolique Timon détourne ses regards farouches, lui tourne le dos, & va, le cœur rempli d’orgueil, d’envie & de fiel, s’enfoncer dans une forêt.

SOCZOVA. (Géog. mod.) ville de la Turquie européenne, dans la partie occidentale de la Moldavie, sur la Moldawa, entre Jassy & Newmack. Long. 44. 48. latit. 47. 12. (D. J.)

SODA, s. m. (Gram. & Médec.) c’est ainsi que quelques auteurs appellent un sentiment de chaleur & d’érosion à la gorge, causé par des vapeurs âcres qui s’élevent de l’estomac, & qui sont produites par la fermentation des matieres excrémenteuses. Les bilieux & les mélancoliques sont sujets au soda.