utile que le Créateur nous donnât un discernement du bien & du mal, avec l’amour de l’un & l’aversion de l’autre par une sorte de faculté prompte & vive, qui n’eût pas besoin d’attendre les spéculations de l’esprit ; & c’est-là ce que le docteur Hutcheson a nommé judicieusement sens moral. Princip. du droit naturel. (D. J.)
Sens de l’Écriture, (Théolog.) est la signification que présentent ou que renferment les paroles de l’Écriture sainte.
On peut distinguer cinq sens dans l’Ecriture ; 1°. le sens grammatical ; 2°. le sens littéral ou historique ; 3°. le sens allégoriqué ou figuré ; 4°. le sens anagogique ; 5°. le sens tropologique ou moral.
I. Le sens grammatical est celui que les termes du texte présentent à l’esprit, suivant la propre signification des termes. Ainsi quand on dit que Dieu se repent, qu’il se met en colere, qu’il monte, qu’il descend, qu’il a les yeux ouverts & les oreilles attentives, &c. Le sens grammatical conduiroit à croire que Dieu seroit corporel & sujet aux mêmes infirmités que nous, mais comme la foi nous apprend qu’il n’a aucune de nos foiblesses & de nos imperfections, & que la raison même le dicte, on n’en demeure jamais au sens grammatical, & l’on pense avec fondement que les auteurs sacrés n’ont employé ces expressions que pour se proportionner à la foiblesse de notre intelligence.
II. Le sens littéral & historique est celui qui s’attache à l’histoire, au fait, au sens que le récit & les termes de l’Ecriture présentent d’abord à l’esprit. Ainsi, quand on dit qu’Abrabam épousa Agar, qu’il la renvoya ensuite, qu’Isaac naquit de Sara, qu’il reçut la circoncision, &c. tous ces faits pris dans le sens historique & littéral ne disent autre chose sinon ce qui est exprimé dans l’histoire, le mariage d’Abraham avec Agar, la répudiation de celle-ci, la naissance d’Isaac & sa circoncision.
III. Le sens allégorique & figuré est celui qui recherche ce qui est caché sous les termes ou sous l’événement dont il est parlé dans l’histoire. Ainsi le mariage d’Abraham avec Agar, qui fut ensuite répudiée & chassée à cause de son insolence & de celle de son fils, est une figure de la synagogue qui n’a été qu’une esclave, & qui a été reprouvée à cause de son ingratitude & de son infidélité. Sara est la figure de l’Eglise, & Isaac la figure du peuple choisi.
IV. Le sens anagogique ou de convenance, est celui qui rapporte quelques expressions de l’Ecriture à la vie éternelle, à la béatitude, à cause de la conformité ou proportion entre les termes dont on se sert pour exprimer ce qui se passe en ce monde, & ce qui arrivera dans le ciel. Par exemple, à l’occasion du sabbat ou du repos qui étoit recommandé au peuple de Dieu, on parle du repos dont les saints jouissent dans le ciel. A l’occasion de l’entrée des Israelites dans la terre promise, on traite de l’entrée des élus dans la terre des vivans, &c.
V. Le sens moral ou tropologique est celui qui tire des moralités ou des réflexions pour la conduite de la vie & pour la réforme des mœurs, de ce qui est dit & raconté historiquement ou littéralement dans l’Ecriture. Par exemple, à l’occasion de ces paroles du Deutéronome, ch xxv. vers. 4. Vous ne lierez point la bouche du bœuf qui foule le grain, S. Paul dit dans sa premiere épitre aux Cotinthiens, ch. ix. vers. 10. qu’il faut fournir aux prédicateurs & à ceux qui nous instruisent de quoi se nourrir & s’entretenir.
Le sens littéral a pour objet les faits de l’histoire ; l’allégorique, ce que nous croyons, ou les mysteres de notre foi ; l’anagogique, la béatitude & ce qui y a rapport ; le tropologique, le réglement de nos mœurs : ce qu’on a compris dans ces deux vers :
Littera gesta docet : quid credas allegoria ;
Moralis quid agas, quo tendas anagogia.
On peut remarquer les cinq sens dons nous venons de parler dans le seul mot Jérusalem ; selon le sens grammatical il signifie union de paix ; selon le littéral, une ville capitale de Judée ; selon l’allégorique, l’église militante ; selon l’anagogique, l’église triomphante ; selon le moral, l’ame fidele, dont Jerusalem est une espece de figure. Voyez Allégorie, Anagogique, Litteral, Figuré, Mystique, &c.
Tous les théologiens conviennent qu’on ne peut tirer d’argumens directs & concluans en matiere de religion que du seul sens littéral. Jamais, dit S. Jerome, les paraboles & le sens douteux des énigmes, c’est-à-dire, des allégories que chacun imagine à son gré, ne peuvent servir pour établir les dogmes ; & S. Augustin dans son épitre à Vincent le donatiste, reconnoît qu’on ne peut se sonder sur une simple allégorie, à moins qu’on n’ait des témoignages clairs pour expliquer ceux qui sont obscurs. D’ailleurs, comme chacun peur imaginer des sens mystiques, selon sa pénétration ou sa piété, chacun par la même raison a droit de les rejetter ou d’en imaginer de contraires. Il faut cependant observer que dès qu’un sens mystique est autorisé par l’église ou par le concert unanime des peres, ou qu’il suit naturellement du texte, & que l’Ecriture même le favorise, on en peut tirer des preuves & des raisonnemens solides. Mais le plus sur en matiere de controverse est de s’attacher au sens littéral, parce qu’il est fort aise d’abuser du sens allégorique.
Sens externes, (Physiol.) organes corporels, sur lequels les objets extérieurs causent les différentes especes de sensations, que nous appellons le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vûe, &c. L’auteur de l’histoire naturelle de l’homme vous expliquera mieux que moi comment ces différentes especes de sensations parviennent à l’ame. Elles lui sont transmises, nous dit-il, par les nerfs qui forment le jeu de toutes les parties & l’action de tous les membres. Ce sont eux qui sont l’organe immédiat du sentiment qui se diversifie & change, pour ainsi dire, de nature, suivant leur différente disposition ; ensorte que, selon leur nombre, leur finesse, leur arrangement, leur qualité, ils portent à l’ame des especes différentes de manieres de sentir qu’on a distinguées par le nom de sensations, qui semblent n’avoir rien de semblable entr’elles.
Cependant si l’on fait attention que tous ces sens externes ont un sujet commun, & qu’ils ne sont que des membranes nerveuses, différemment étendues, disposées & placées ; que les nerfs sont l’organe général du sentiment ; que, dans le corps animal, nul autre corps que les nerfs n’a cette propriété de produire le sentiment, on sera porté à croire que les sens ayant tous un principe commun, & n’étant que des formes variées de la même substance, n’étant en un mot que des nerfs différemment ordonnés & disposés, les sensations qui en résultent ne sont pas aussi essentiellement différentes entr’elles qu’elle le paroissent.
L’œil doit être regardé comme une expansion du nerf optique, ou plutôt l’œil lui-même n’est que l’épanouissement d’un faisceau de nerfs, qui étant exposé à l’extérieur plus qu’aucun autre nerf, est aussi celui qui a le sentiment le plus vif & le plus délicat ; il sera donc ébranlé par les plus petites parties de la matiere telles que sont celles de la lumiere, & il nous donnera par conséquent une sensation de toutes les substances les plus éloignées, pourvu qu’elles soient capables de produire ou de réfléchir ces petites particules de matiere.
L’oreille qui n’est pas un organe aussi extérieur