Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans l’étoffe riche, les desseins sont sur des papiers de 10 en 10 ; & dans celle-ci, ils sont sur des 8 en 10, parce qu’elle est toute soie, & que dans l’autre la dorure empêcheroit de serrer l’étoffe.

Lorsqu’il est question de lire le dessein, l’on examine dans les tiges les feuilles & les fleurs, dont la quantité de cordes qui doivent être prises peut aller à une certaine hauteur, sans qu’il y ait du changement, comme par exemple, à une dixaine ou deux de hauteur qui seront tirées sans discontinuer ; on en fait un lac qui est placé à la droite de la tireuse, & on continue de lire les petites parties jusqu’à la hauteur où la disposition du dessein oblige de changer ce premier lac pour en lire un second ; & ainsi des autres jusqu’à la fin du dessein. Quand l’étoffe est prête à être travaillée, la tireuse tire ce premier lac, & arrête le bouton tiré entre deux chevilles placées à sa droite ; dans lesquelles chevilles qui n’ont de distance de l’une à l’autre qu’autant qu’il en faut pour y placer la corde qui est arrêtée par le bouton qui est au-dessous, ce lac se trouvant tiré pendant le tems que les autres lacs qui sont legers se tirent, & que l’étoffe se fabrique jusqu’à la dixaine ou ligne transversale du dessein, où il faut changer ce premier lac qui ordinairement est le plus pesant ; lorsque le moment du changement arrive, le dernier lac tire une sonnette qui avertit du changement : pour lors la tireuse sort le lac arrêté entre les deux chevilles, & en place un autre pour continuer son travail.

Comme ces gros lacs sont placés en une seule ligne à la droite des autres boutons, il faut que les chevilles soient placées de façon que chaque bouton soit perpendiculaire aux deux chevilles dans lesquelles il doit être arrêté ; sans quoi la tire seroit gênée : c’est pour cela que la planche des chevilles qui est de quatre pouces de largeur, doit être d’une longueur égale au rang des boutons qui contiennent le gros lac, cette planche est arrêtée solidement à une piece de bois de la hauteur de l’étai du métier, où elle forme une espece de croix, & à une distance du bouton égale à la longueur déterminée qu’il doit avoir pour tenir la soie levée à la hauteur nécessaire pour que la navette puisse passer.

Il est aisé de comprendre que cette façon de lire le dessein soulage beaucoup la tireuse, puisque dans un dessein de 50 dixaines, loin de tirer le gros lac 500 fois, elle ne le tire au plus que 50, même 25 ou 30, suivant la hauteur des cordes arrêtées ; & encore tire-t-elle ce lac seul pour le mettre entre les deux chevilles, le surplus qui n’est pas arrête, étant les plus petites parties à tirer qui ne sauroient la fatiguer.

Il y a encore une observation très-importante à faire sur cette façon de disposer le métier.

C’est une regle, que chaque lac ou bouton doit contenir autant de cordes de tirage qu’il y a de cordes de rame à tirer. Ces cordes qui sont d’un très-beau fil retordu coutent 4 liv. 10 s. jusqu’à 100 s. la livre. Or, si le gros lac contient 100 ou 200 cordes plus ou moins ; le bouton en doit tirer autant pour une fois seulement ; s’il est poussé jusqu’à une dixaine seulement, on épargne sur 100 cordes du lac 900 cordes de moins chaque dixaine, & sur 200 cordes 1800, de trois quarts & plus de longueur chacune ; ce qui, outre cette épargne qui est considérable, dégage par cette diminution de cordes le travail qui seroit beaucoup plus gêné, si le métier contenoit ce millier nombreux de cordages qui est diminué par ce retranchement industrieux.

Les florentines sont montées à 8 lisses pour le satin & autant pour le rabat, ce qui fait 16 lisses égales en tout. Les chaînes sont depuis 60 jusqu’à 75 portées ; les lisses de satin sont armées à l’ordinaire, savoir, une prise & deux laissées ; celles de rabat

baissent de suite ; de façon que ce qui fait figure de florentine à l’endroit de l’étoffe, fait satin à l’envers ; & ce qui fait satin à l’endroit, fait florentine à celui qui lui est opposé.

On ne se sert point de carrette ordinaire pour faire lever les lisses de la florentine ; & au moyen de celle qui est en usage, on épargne une estriviere chaque marche où il en faut une pour lever la lisse de satin, & une pour faire baisser la lisse de rabat. Une estriviere seule fait tout le mouvement, au moyen d’une carrete fort élevée dont les alerons sont fixés horisontalement, auxquels on attache d’un côté la lisse qui doit baisser, & de l’autre celle qui doit lever ; de façon qu’une seule estriviere attachée à la lisse de rabat faisant baisser la lisse d’un côté de même que l’aleron, lorsque l’ouvrier foule la marche, le fait lever du côté opposé ; & par conséquent la lisse qui lui est attachée. Par exemple.

Au premier aleron d’un côté est attachée la premiere lisse de satin du côté du corps ; & de l’autre la premiere lisse de rabat du côté du battant. Au deuxieme, la quatrieme de satin & la troisieme de rabat. Au troisieme, la septieme lisse de satin & la troisieme de rabat. Au quatrieme, la deuxieme lisse de satin & la quatrieme de rabat. Au cinquieme, la cinquieme de satin & la cinquieme de rabat. Au sixieme, la huitieme de satin & la sixieme de rabat. Au septieme, la troisieme lisse de satin & la septieme de rabat. Au huitieme enfin, la sixieme lisse de satin & la huitieme de rabat.

L’usage est de commencer par la deuxieme lisse de satin & celles de rabat comme elles sont marquées, en suivant le satin à l’ordinaire, pour éviter la contrariété qui se trouveroit entre la huitieme lisse de rabat & la premiere de satin.

Il est bon d’observer encore que les carrettes dans les florentines ne sont pas placées au-travers des estases comme dans les autres métiers. On les attache au plancher & en long, c’est-à-dire, parallelement aux deux estases ; ensorte qu’en suivant l’ancienne méthode, il faudroit à la carrette trente alerons, tandis qu’il ne lui en faut ici que huit ; il faudroit huit carquerons, au lieu qu’ici il n’y a point ; il faudroit seize estrivieres pour les huit marches, tandis qu’on n’en employe que huit.

Machines inventées pour faciliter la fabrication des étoffes. La quantité de machines qui ont été inventées pour faciliter la fabrication de l’étoffe est considérable, attendu le peu d’utilité qui en résulte. Il en est cependant quelques-unes auxquelles on ne sauroit refuser un juste applaudissement.

Telle est, par exemple, celle qui fut inventée en l’année 1717 par Jean Baptiste Garon, fabriquant de Lyon, ou plutôt par le sieur Jurines, maître passementier. Cette machine, qui tient lieu d’une seconde tireuse, de laquelle on ne pouvoit pas absolument se passer pour la fabrication des étoffes riches, ou celles dont la tire est extraordinairement pesante, ne coûte aujourd’hui que 7 livres 10 sols, au lieu de 45 livres que son auteur la vendoit, suivant le privilege qui lui fut accordé de la vendre seul pendant l’espace de dix années, par arrêt du conseil du mois de Mai 1718. Il est vrai qu’elle revenoit à son auteur à 20, 22 livres, le surplus de son prix lui tenoit lieu de récompense. Cette machine très-utile a tellement été multipliée, qu’on ne croiroit pas trop hasarder en soutenant qu’il y en a actuellement plus de dix mille à Lyon.

Après cette machine, a paru sur les rangs celle de Falcon, imaginée en 1738. Elle lui a été attribuée, quoique Basile Bouchon en fût le premier inventeur. Cette machine, aussi inutile qu’elle a coûté de l’argent, n’est mise en pratique que par un seul fabriquant, duquel Falcon a acheté les suffrages pour la