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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/352

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haut des coffres : on leva les madriers qui couvroient le fond du premier déblai, ils n’étoient plus soutenus que par leurs extrémités : on trouva effectivement le terrein baissé de cinq piés le long des coffres, formant un cone renversé de 8 piés de diametre. Jusque-là on ne s’en étoit pas apperçu, parce que dès le commencement de l’ouvrage, le haut du déblai avoit été couvert, pour la facilité des manœuvres ; on connut enfin toute la fluidité du sable bouillant, on répara avec la grande tariere, le mal qu’il avoit fait, & on chassa les coffres jusqu’à un pié & demi dans la glaise. On suppute qu’on avoit été obligé de retirer plus de 90 piés cubes de sable, au-delà du volume dont les coffres occupoient la place : on reprit le nouvel instrument, & on ne fut pas trompé dans l’espérance où l’on étoit, qu’on ne rencontreroit plus les difficultés que l’on avoit eû à surmonter : on perça un lit de 10 piés, d’une terre-glaise couleur d’ardoise, mêlée d’un peu de sable ; on entra ensuite dans une terre séche, dure, & plus claire en couleur que la précédente ; on la prend dans le pays pour du tuf, ce n’est cependant qu’une glaise ; celle-ci avoit 14 piés d’épaisseur : on étoit arrêté de tems-en-tems par de gros cailloux, mais enfin l’instrument les forçoit à se ranger de côté dans les terres, & lorsqu’il les avoit passé, s’ils retomboient, ils étoient obligés de remonter avec lui, parce qu’il remplissoit exactement, au moyen de la terre dont il se chargeoit, le tuyau, pour ainsi dire, qu’il avoit fait : on retira de cette façon, de près de 80 piés de profondeur, des cailloux qui pesoient jusqu’à cinq livres : ils n’étoient pas tous noirs en dedans, comme les premiers. On entra ensuite dans un lit de 18 piés de glaise noire, mêlée d’un peu de sable d’une odeur désagréable : on en fit sécher quelques petites parties, on les brûla, elles rendirent une flamme violette, & une très-forte odeur de soufre : on passa de-là dans un lit de 11 piés d’épaisseur, d’une terre fort grasse, mêlée de beaucoup de veines & de petits morceaux d’une espece de craie blanche, qui tenoit de la nature de la marne à laquelle on croyoit toucher ; mais on trouva encore un lit de 12 piés, d’une glaise bleue fort grasse, sans aucune des marques qu’avoit la précédente : à 10 piés de là on sentit dans une glaise noire de la résistance sous l’instrument, & quelque chose qui s’écrasoit : on le retira, & on en trouva le bout plein d’une terre blanche, & de petits graviers qui ordinairement ne sont pas des marques équivoques : on sonda avec la langue de serpent, & on connut qu’on avoit rencontré la véritable marne.

Comme on ne fera plus d’usage des gros barreaux dont on s’est servi jusqu’à présent, on s’arrêtera un moment pour expliquer la façon de les descendre & de les remonter, lorsqu’il y en a, comme ici, une quantité d’employée. Tous ces barreaux doivent être percés à 2 ou 3 piés de leurs extrémités ; si on ne veut les remonter & les descendre qu’un à un, la manœuvre est facile, mais elle est longue ; pour les descendre & les remonter deux à deux, en les supposant premierement tous descendus, il faut les enlever au moyen du treuil, jusqu’au trou qui est au-dessus de la premiere charniere, dans lequel on fait passer un boulon de fer qui porte un étrier : ce boulon s’appuie sur la manivelle qui est posée sur le coffre : on dégage, en secouant le cable, le crochet de l’étrier qui est à l’extrémité du barreau, on reprend celui-ci, on leve tout jusqu’au trou qui est au-dessous de la seconde charniere, on y passe un boulon avec son étrier, & on démonte les deux barreaux ensemble. On fait à peu-près la même manœuvre pour les descendre : on descend le premier seul, & on le remonte de même, pour avoir la facilité de nettoyer les instrumens qu’il porte, on l’arrête au

trou qui est au-dessous de son extrémité supérieure : on passe le crochet du cable dans un étrier qu’on place au trou qui est au-dessus de la charniere qui joint deux autres barreaux, on les enleve, & on les monte sur ce premier : on leve les trois barreaux ensemble, pour avoir la facilité de dégager l’étrier qui porte sur la manivelle, on les laisse couler jusqu’à celui qui est au-dessus ; alors un homme, monté sur une petite échelle, en passe un nouveau dans le trou qui est au-dessous de l’extrémité des barreaux : il y met le crochet du cable : on dégage celui qui est sur la manivelle sur laquelle on fait descendre celui-ci : on prend deux autres barreaux, comme il a été dit, on les monte avec les vis & les écrous sur la partie qui sort du coffre, & on continue. Si les barreaux sont plus longs que le poinçon de l’engin, on les fait passer dans un cercle de fer qui est à l’extrémité de l’étourneau ; on peut de cette façon les descendre & les remonter 3 à 3, on gagne par-là beaucoup de tems. Si les deux barreaux ensemble, avec la partie de celui qui sort du coffre, sont plus courts que le poinçon, on les accroche par leur extrémité, on les descend & on les remonte aisément 2 à 2. Il faut avoir grand soin, chaque fois qu’on démonte les barreaux, de faire passer un petit ballet avec de l’eau, dans les trous des charnieres, de laver les vis & les écrous, parce qu’il s’y introduit du sable qui en ruine bientôt les filets.

On s’est arrêté à la marne ; il fut question de mettre les buises en œuvre ; ces buises sont des pieces de bois de chêne de 6 ou 7 pouces d’équarrissage, percées d’un bout à l’autre sur 3 pouces de diametre : on ne leur donne que 9 à 10 piés de longueur, afin d’éviter de les percer à la rencontre, comme parlent les ouvriers, c’est-à-dire, percer la moitié de la longueur par un bout, & l’aller rencontrer par l’autre : ce qui ne manque pas de former un angle qui, quoique fort obtus, ne laisse pas que d’occasionner à l’eau un frottement qu’il est à propos d’éviter le plus qu’il est possible : ces buises étant percées, on en abat les angles, & pour les éprouver, on ferme exactement une de leurs extrémités, on les emplit d’eau par l’autre, jusqu’aux trois quarts, on la presse fortement avec un refouloir, on examine de près si l’eau ne pénetre pas en dehors, on les retourne, & on fait la même manœuvre pour le quart qui n’a pas été éprouvé ; on est sûr par cette précaution, autant qu’on peut l’être, qu’elles sont sans défaut : après ces précautions, on fait entrer, à un pié de l’extrémité de la premiere qu’on doit descendre, deux fortes vis en bois, qui ne pénetrent qu’à trois quarts de pouce, on y accroche un grand étrier qui tient au cable, on l’enleve, & on le laisse descendre jusqu’à ce que ces vis portent sur deux tasseaux qui s’appuient sur les coffres, & dont l’épaisseur ne doit point empêcher qu’on ne dégage l’étrier : on prend une seconde buise, qui est garnie de ses vis, on la présente sur la premiere, elle porte un emboîtement & un cercle de fer dans son épaisseur, dont elle retient la moitié de la largeur, & l’autre moitié entre, au moyen de quelques coups de maillet, dans celle de la premiere buise : on a garni les jointures en dedans, avec de la filasse goudronnée, on les garnit de même en dehors, sur 5 à 6 pouces de hauteur, on les couvre d’une lame de plomb, clouée de très-près, on y attache des molles-bandes, on leve tout, pour démonter les premieres vis & les laisser descendre jusqu’aux secondes : quoique ces vis ne pénetrent point dans l’intérieur des buises, il faut avoir la précaution de boucher les trous qu’elles ont faits, avec un bouchon de liege goudronné, qu’on y fait entrer avec force. La premiere buise doit être délardée, & garnie d’un sabot