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La chaleur de saint Chrysostome contre les souliers brodés, dont la mode subsistoit de son tems, me rappelle celle du frere Thomas contre les coëffures hautes dont j’ai parlé au mot hennin. S. Chrysostome ne s’échauffa guere moins sur cette niaiserie, qu’il auroit fait si l’on avoit élevé des idoles sur les autels des chrétiens. On voit aujourd’hui des femmes qui ont beaucoup de raison & de piété, porter des souliers avec ces ornemens, que ce pere de l’Eglise regardoit comme une invention du diable. Saint Pierre ne desapprouvoit pas les ornemens de ce genre, puisque les saintes femmes qu’il cite pour exemple, en portoient elle-mêmes ; mais il veut qu’on donne une autre attention aux ornemens qui font le vrai mérite.

La mollesse & la galanterie varierent la chaussure ; & la mode inventa une sorte de soulier grec qu’on appelloit sicyonien. Il étoit plus léger & plus délicat que les autres. « Si vous me donniez, dit Cicéron, au premier livre de l’orateur, des souliers sicyoniens, je ne m’en servirois certainement point ; c’est une chaussure trop efféminée ; j’en aimerois peut-être la commodité, mais, à cause de l’indécence, je ne m’en permettrois jamais l’usage ».

On employa le liege pour hausser le soulier, & élever la taille, suivant la coutume des Perses, chez qui la petite taille n’étoit pas en honneur ; l’usage de cette chaussure étoit commun sur la scene & dans les représentations où l’on recherchoit de la majesté. Les coquettes s’en servoient dans les bals, les actrices sur le théatre, sur-tout dans le comique, & s’il est permis de rapprocher des choses infiniment opposées, les prêtres s’en servoient dans les sacrifices.

On ôtoit ses souliers en se mettant à table. On sait le bon mot de Dorion, poëte musicien. Ayant perdu à un festin le soulier qu’il portoit à un pié malade. « Je ne ferai d’autre imprécation contre le filou, dit-il, sinon qu’en me dérobant mon soulier, il ait pu trouver chaussure convenable à son pié ».

Les esclaves ne portoient point de souliers, mais marchoient nuds piés ; & on les appelloit pour cela cretati ou gypsati, des piés poudreux. Il y avoit même des personnes libres qui alloient aussi nuds piés ; & Tacite remarque que Phocion, Caton d’Utique, & plusieurs autres marchoient quelquefois sans souliers ; mais ces exemples sont rares, & généralement parlant, toutes les personnes qui étoient de condition libre, marchoient toujours chaussées, si ce n’étoit dans quelque solemnité extraordinaire de religion, ou quelque calamité publique ; car nous apprenons de l’histoire que, quand on lavoit la grand’mere des dieux, on alloit piés nuds en procession, & que les dames romaines se déchaussoient dans les sacrifices de Vesta.

Tertullien rapporte que les pontifes des payens ordonnerent souvent des processions nuds piés dans un tems de sécheresse : Cùm stupet cælum & aret annus, nudi-pedalia denunciantur. A la mort de Jules César, plusieurs chevaliers romains ramasserent ses cendres, revêtus de tuniques blanches & piés nuds, pour marquer tout-ensemble leur respect & leur tristesse. Lycurgue & la jeunesse lacédémonienne alloient toujours piés nuds.

Les magiciennes dans leurs mysteres magiques, avoient un pié chaussé & l’autre nud ; c’est Ovide & Virgile qui le disent : Unum exuta pedem vinclis, IV. Æneid. Horace parlant de Canidie, assure qu’elle marchoit piés nuds, pour mieux réussir dans ses enchantemens.

Si le lecteur veut réunir à cet article celui de Chaussure, & parcourir en même tems le traité de Balduinus, de calceo antiquo, il n’aura presque rien à desirer sur cette matiere. (Le chevalier de Jaucourt.)

Soulier de Notre-Dame. (Botan.) en anglois, the ladiez-slipper. Tournefort distingue trois especes de ce genre de plante. L’espece commune, calceolus vulgaris, jette une tige d’environ un pié, garnie de quelques feuilles larges, veineuses, ressemblantes à celles du plantain, & rangées alternativement. Elle porte une fleur ordinairement unique, à sommet, composée de six petales inégaux, quatre opposés en croix, & deux placés au milieu. Ces derniers représentent en quelque maniere un soulier ou sabot, de couleur jaune, ferrugineuse ou purpurine-noirâtre. Le fruit qui succede, a la figure d’une lanterne à trois côtés. Il contient des semences semblables à de la sciure de bois ; cette plante croît sur les montagnes & dans les forêts. (D. J.)

Soulier, (Marine.) piece de bois concave, dans laquelle on met le bout de la patte de l’ancre, pour empêcher qu’elle ne s’accroche sur la pointe, quand on la laisse tomber : on n’en fait presque point usage en France.

SOULIERS, (Géog. mod.) bourg de France en Provence, viguerie d’Hières, & diocèse de Toulon. Ce bourg est la patrie d’Antoine Arena, poëte du xvj. siecle, qui se rendit alors célebre par ses vers macaroniques, & en particulier par sa description de la guerre de Charles-Quint dans son pays, dont il avoit été témoin. Il mourut en 1544.

Ce n’est point à Souliers en Provence, mais au château de Souliers dans la province de la Marche qu’est né François Tristan, surnommé l’hermite, poëte reçu à l’académie françoise en 1649, & mort dans la misere en 1655, âgé de 54 ans. On connoît à ce sujet l’épigramme de M. de Montmor, maître des requêtes :

Elie, ainsi qu’il est écrit,
De son manteau comme de son esprit
Récompensa son serviteur fidele.
Tristan eût suivi ce modele ;
Mais Tristan, qu’on mit au tombeau
Plus pauvre que n’est un prophete,
En laissant à Quinaut son esprit de poëte,
Ne put lui laisser un manteau.

Les poésies de Tristan ont été recueillies en trois volumes ; le premier contient ses amours ; le second sa lyre, & le troisieme ses vers héroïques ; mais il se distingua sur-tout par ses pieces dramatiques, qui eurent beaucoup de succès pendant sa vie. Mais sa tragédie de Marianne, retouchée par Rousseau, est la seule qui soutienne encore la réputation de son auteur. Mondori, célebre comédien de son tems, fit de si grands & de si continuels efforts, pour y bien jouer le rôle d’Hérode, qu’il en mourut. Le rôle d’Oreste dans l’Andromaque de Racine, a causé depuis le même sort à Montfleury.

Tristan a fait aussi des poésies sacrées, & a mis en vers l’office de la Vierge. Enfin il composa lui-même son épitaphe, que voici :

Je fis le chien-couchant auprès d’un grand seigneur.
Je me vis toujours pauvre, & tâchai de paroître.
Je vécus dans la peine attendant le bonheur,
Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.

C’étoit Gaston de France dont il étoit gentilhomme ordinaire. (D. J.)

SOULONDRE, (Géog. mod.) petite riviere de France, dans le bas-Languedoc. Elle naît à 2 lieues de Lodeve ; & au-dessous de cette ville, elle coule dans la Lergue. (D. J.)

SOUMELPOUR, (Géog. mod.) petite ville des Indes, au royaume de Bengale, dans les états du grand-mogol, sur la riviere de Gouel, à 30 lieues vers le couchant d’Ougli. Toutes ses maisons sont de terre, & couvertes de branches de cocos. Longit. 102. 20. latit. 21. 35. (D. J.)