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de grain ; c’est en Hollande qu’on le fabrique ; il faut le choisir tendre, friable, d’un beau jaune doré. On l’emploie pour peindre en huile & en miniature.

Le stil de grain se compose ordinairement avec du blanc de Troie & de la graine d’Avignon ; mais l’espece en est mauvaise, & il change. Il vaut mieux le faire avec du blanc de plomb ou de céruse ; broyer ce blanc bien fin, en le détrempant sur le porphyre, d’où il faut le lever avec une spatule de bois, & le laisser sécher à l’ombre : ensuite prenez de la graine d’Avignon ; mettez-la en poudre dans un mortier de bois, & faites-la bouillir avec de l’eau dans un pot de terre plombé, jusqu’à ce qu’elle soit consommée environ du tiers ou plus : passez cette décoction dans un linge, & jettez y la grosseur de deux ou trois noisettes d’alun pour l’empêcher de changer de couleur ; quand il sera fondu, détrempez le blanc de cette décoction, & le reduisez en forme de bouillie assez épaisse, que vous pétrirez bien entre les mains, & vous en formerez des trochisques, que vous ferez secher dans une chambre bien aérée ; quand le tout sera sec, vous le détremperez de même jusqu’à trois ou quatre fois avec ladite décoction, selon que vous voudrez que le stil de grain soit clair ou brun ; & vous le laisserez bien sécher à chaque fois. Remarquez qu’il est bon que ce suc soit chaud, quand on en détrempe la pâte, & qu’il faut en faire d’autres, lorsque le premier est gâté.

Cette couleur jaune que donne le stil de grain est fort susceptible par le mélange des qualités des autres couleurs. Quand on mêle le stil de grain avec du brun rouge, on en fait une couleur des plus terrestres ; mais si on la joint avec du blanc ou du bleu, on en tire une couleur des plus fuyantes. (D. J.)

STILAGE ou STELAGE, s. m. (Comm.) droit qui se perçoit sur les grains en quelques endroits de France. C’est un droit seigneurial, qu’on nomme ailleurs minage, hallage & mesurage. Il consiste ordinairement en une écuellée de grain par chaque sac qui se vend dans une halle ou marché.

Il y a des lieux où le stelage se leve aussi sur le sel, comme dans la souveraineté de Bouillon. Diction. de Commerce.

STILE, en Botanique, est la partie qui est élevée au milieu d’une fleur, & qui pose par sa partie inférieure sur le rudiment du fruit ou de la graine.

C’est ce qu’on appelle plus ordinairement pistil. Cependant Bradley les distingue : il l’appelle stile, quand il n’est que joint ou contigu à la graine ou au fruit ; & pistil, lorsqu’il contient au-dedans de lui la semence ou le fruit, comme l’ovaire contient les œufs. Voyez Pistil.

Stile, (Critiq. sacrée.) instrument de fer, d’acier, ou d’autre matiere, pointu d’un côté pour former les lettres sur une tablette enduite de cire, & applatie de l’autre pour les effacer. Voyez Tablette de cire.

Cet usage des anciens est très-bien décrit dans ce passage du 4 des Rois, xxj. 13. j’effacerai Jérusalem comme on efface l’écriture des tablettes, & je passerai mon stile dessus plusieurs fois. Dieu vouloit faire entendre par cette métaphore, qu’il ne laisseroit pas la moindre trace de la vie criminelle qu’on y menoit, mais qu’il la détruiroit, comme on efface l’écriture sur une tablette de cire, en tournant le stile & le passant par-dessus. Jérémie, ch. xvij. 1. dit que le crime de la tribu de Juda est écrit avec un stile de fer & une pointe de diamant, & qu’il est gravé sur leur cœur comme sur des tablettes. Mais ces mots d’Isaïe, viij. 5. scribe stilo hominis, écrivez en stile d’homme, signifient une maniere d’écrire simple, naturelle, intelligible, opposée au stile figuré & énigmatique des prophetes. (D. J.)

Stile, stilus, s. m. en Chirurgie, est un long instrument d’acier qui va en diminuant par un bout, &

se termine en pointe, de maniere qu’il a la forme d’un cone ; & qui sert à étendre & découvrir une partie, ou à l’insinuer dedans.

On a coutume de faire rougir au feu le stile pour l’insinuer dans les canules cannulæ, & le retirer aussitôt ; & on l’y met & l’en retire successivement aussi souvent qu’il est nécessaire ; pour cet effet, il est bon d’avoir deux st les pour les introduire alternativement. Voyez Cannula.

Stile, en Gnomonique, signifie le gnomon ou aiguille d’un cadran, qu’on dresse sur un plan pour jetter l’ombre. Voyez Gnomon.

STILET, s. m. (Gram.) est une sorte de poignard petit & dangereux qu’on peut fort bien cacher dans sa main, & dont les lâches sur-tout se servent pour assassiner en trahison. Voyez Poignard.

La lame en est ordinairement triangulaire & si menue, que la plaie qu’elle fait, est presque imperceptible. Le stilet est séverement défendu dans tous les états bien policés.

Stilet, instrument de Chirurgie, qu’on introduit dans les plaies & ulceres. Voyez Sonde. Anel a imaginé des petits stilets d’or extrèmement déliés, à-peu-près comme des soies de porc, & néanmoins boutonnés par leur extrémité, pour sonder les points lacrimaux, & desobstruer le conduit nazal. Voyez fig. 11. Pl. XXIII. Voyez Fistule lacrimale. (Y)

STILLICIDIUM, s. m. (Architect. rom.) on sait que ce mot signifie d’ordinaire la chûte de l’eau goutte-à-goutte ; mais dans Vitruve il désigne la pente du toît qui est favorable à l’écoulement des eaux ; il appelle au figuré les toîts des cabanes des premiers hommes stillicidia. Pline entend aussi par stillicidia, l’épaisseur du feuillage des arbres quand elle est capable de mettre à couvert de la pluie. (D. J.)

STILLYARD, s. m. (anc. compag. de Comm.) on nommoit autrefois en Angleterre, la compagnie de stillyard, une compagnie de commerce établie en 1215 par Henri III. en faveur des villes libres d’Allemagne. Cette compagnie étoit maîtresse de presque toutes les manufactures angloises, particulierement des draperies. Les préjudices que ces privileges apportoient à la nation, la firent casser sous Edouard IV. Elle subsista néanmoins encore quelque tems en faveur des grandes avances qu’elle fit à ce prince ; mais enfin elle fut entierement supprimée en 1552, sous le regne d’Edouard VI. (D. J.)

STILO, (Géog. mod.) bourg d’Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, sur le Cacino, à six milles de la côte de la mer Ionienne.

C’est dans ce bourg qu’est né Campanella (Thomas), fameux philosophe italien, qui fit grand bruit par ses écrits, & dont la vie fut long-tems des plus malheureuses. Il entra dans l’ordre de saint Dominique, & un vieux professeur de ce même ordre conçut une haine implacable contre Campanella, parce qu’il se montra plus habile que lui dans une dispute publique.

En passant par Bologne on lui enleva ses manuscrits & on les déféra au tribunal de l’inquisition. Quelques paroles qui lui étoient échappées sur la dureté du gouvernement d’Espagne & sur des projets de révolte, le firent arrêter par le vice-roi de Naples ; on lui fit souffrir la question, & on le retint 27 ans en prison. Enfin Urbain VIII. qui le connoissoit par ses écrits, obtint sa liberté en 1626 du roi d’Espagne, Philippe IV. Le même pape le prit à Rome au nombre de ses domestiques, & le combla de biens ; mais tant de faveur ralluma la jalousie des ennemis de Campanella ; il s’en apperçut & se sauva secrettement de Rome en 1634, dans le carrosse de M. de Noailles, ambassadeur de France. Arrivé à Paris, il fut accueilli gracieusement de Louis XIII. & du cardinal de Richelieu, qui lui procura une pension de deux mille livres. Il passa le reste de sa vie dans la