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ses parens qui n’approuvoient pas ce dessein, l’envoyerent à Louvain où sa vocation se perdit. Là il se livra tout entier à la Littérature ancienne & à la Jurisprudence. Il se lia sous Corneille Valere, leur maître commun, à Delrio, Giselin, Lermet, Shott, & d’autres qui se sont illustrés par leurs connoissances. Il écrivit de bonne heure. Il n’avoit que dix-neuf ans, lorsqu’il publia ses livres de variis lectionibus : il les dédia au cardinal Pernot de Granville, qui l’aima & le protégea. A Rome, il se plongea dans l’étude des antiquités : il y connut Manuce, Mercuriales & Muret. De retour de l’Italie en Flandres, il s’abandonna au plaisir, & il ne parut pas se ressouvenir beaucoup de son Epictete : mais cet écart de jeunesse, bien pardonnable à un homme qui étoit resté si jeune sans pere, sans mere, sans parens, sans tuteurs, ne dura pas. Il revint à l’étude & à la vertu. Il voyagea en France & en Allemagne, en Saxe, en Bohème, satisfaisant par-tout sa passion pour les sciences & pour les savans. Il s’arrêta quelque tems en Allemagne, où le mauvais état de sa fortune, qui avoit disparu au milieu des ravages de la guerre allumée dans son pays, le détermina à abjurer le Catholicisme, pour obtenir une chaire de professeur chez des Luthériens. Au fond, indifférent en fait de religion, il n’étoit ni catholique, ni luthérien. Il se maria à Cologne. Il s’éloigna de cette ville pour aller chercher un asyle où il pût vivre dans le repos & la solitude ; mais il fut obligé de préférer la sécurité à ces avantages & de se refugier à Louvain, où il prit le bonnet de docteur en droit. Cet état lui promettoit de l’aisance : mais la guerre sembloit le suivre par-tout ; elle le contraignit d’aller ailleurs enseigner parmi les Protestans la Jurisprudence & la Politique. Ce fut là qu’il prétendit qu’il ne falloit dans un état qu’une religion, & qu’il falloit pendre, brûler, massacrer ceux qui refusoient de se conformer au culte public : quelle morale à débiter parmi des hommes qui venoient d’exposer leurs femmes, leurs enfans, leur pays, leurs fortunes, leur vie, pour s’assûrer la liberté de la conscience, & dont la terre fumoit encore du sang que l’intolérance espagnole avoit répandu ! On écrivit avec chaleur contre Juste-Lipse. Il devint odieux : il médita de se retirer de la Hollande. Sa femme superstitieuse le pressoit de changer de religion ; les jésuites l’investissoient : il auguroit mal du succès de la guerre des Provinces-Unies. Il simula une maladie : il alla à Spa ; il passa quelques années à Liege, & de-là il vint à Cologne, où il rentra dans le sein du Catholicisme. Cette inconstance ne nuisit pas autant à sa considération qu’à sa tranquillité. Les jésuites, amis aussi chauds qu’ennemis dangereux, le préconiserent. Il fut appellé par des villes, par des provinces, par des souverains. L’ambition n’étoit certainement pas son défaut : il se refusa aux propositions les plus avantageuses & les plus honorables. Il mourut à Louvain en 1606, âgé de 58 ans. Il avoit beaucoup souffert, & beaucoup travaillé ; son érudition étoit profonde : il n’étoit presqu’aucune science dans laquelle il ne fût versé ; il avoit des lettres, de la critique & de la philosophie. Les langues anciennes & modernes lui étoient familieres. Il avoit étudié la Jurisprudence & les Antiquités. Il étoit grand moraliste ; il s’étoit fait un style particulier, sententieux, bref, concis & serré. Il avoit reçu de la nature de la vivacité, de la chaleur, de la sagacité, de la justesse même, de l’imagination, de l’opiniâtreté & de la mémoire. Il avoit embrassé le Stoïcisme ; il détestoit la philosophie des écoles. Il ne dépendit pas de lui qu’elle ne s’améliorât. Il écrivit de la politique & de la morale ; & quoiqu’il ait laissé un assez grand nombre d’ouvrages, qu’ils ayent presque tous été composés dans les embarras d’une vie tumultueuse, il n’y en a pas un qu’on

lise sans quelque fruit : sa physiologie stoïcienne, son traité de la constance, ses politiques, ses observations sur Tacite ne sont pas les moins estimés : il eut des mœurs, de la douceur, de l’humanité, assez peu de religion. Il y a dans sa vie plus d’imprudence que de méchanceté : ses apostasies continuelles sont les suites naturelles de ses principes.

Gaspar Scioppius, dont on a dit tant de bien & de mal, marcha sur les pas de Juste-Lipse. Il publia des élémens de la philosophie stoïcienne ; ce n’est guere qu’un abrégé de ce qu’on savoit avant lui.

Daniel Heinsius a fait le contraire de Scioppius. Celui-ci a délayé dans une oraison de philosophiâ stoicâ ce que Scioppius avoit resserré.

Gataker s’est montré fort supérieur à l’un & à l’autre dans son commentaire sur l’ouvrage de l’empereur Antonin. On y retrouve par-tout un homme profond dans la connoissance des orateurs, des poëtes & des philosophes anciens : mais il a ses préjugés. Il voit souvent Jesus-Christ, S. Paul, les évangélistes, les peres sous le portique, & il ne tient pas à lui qu’on ne les prenne pour des disciples de Zénon. Dacier n’étoit pas éloigné des idées de Gataker.

STOIDIS, (Géog. anc.) île de l’Asie, vers la côte de la Carmanie, & au voisinage de l’Inde. Pline, liv. VI. c. xxv. nous apprend qu’on pêchoit des perles sur les côtes de cette île. C’est en vain que Saumaise soutient que Pline, au lieu de Stoïdis, avoit écrit Tyndis ; tous les manuscrits de Pline s’opposent à la correction de Saumaise. (D. J.)

STOLBERG, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne, dans la Thuringe, chef-lieu d’un petit comté de même nom. Ce comté confine avec la principauté d’Anhalt, le comté de Mansfeld & de Hohenstein, & le comté de Schwartzbourg. Les comtes de cette maison possedent encore le comté de Wernigérode.

C’est dans le comté de Stolberg que naquit en 1546 Rhodoman (Laurent) connu dans la littérature par plusieurs ouvrages. Il étoit poëte, & très-versé dans la langue greque ; il a fort bien réussi dans la traduction latine de Diodore de Sicile. Scaliger lui fit obtenir la chaire de professeur en histoire dans l’académie de Wirtemberg, où il mourut en 1606, âgé de soixante ans.

Schneidewin (Jean) savant jurisconsulte, né à Stolberg en 1519, & mort en 1568, étoit le quinzieme des enfans de son pere qui ne l’en aima que plus tendrement. Ce fils devint un habile homme, & fut employé par l’électeur de Saxe dans des négociations importantes. Son commentarius ad instituta, est un ouvrage estimé. (D. J.)

STOLE, s. f. (Antiq. rom.) stola, robe traînante à l’usage des dames de qualité, & sur laquelle elles jettoient dans les jours de cérémonie, un petit manteau.

Cette robe des dames romaines se mettoit par-dessus la tunique, & avoit quelque ressemblance aux habits de cour de nos tems modernes. Si votre maîtresse, dit un poëte, s’habille de quelque robe ample & longue, écriez-vous de toute votre force, que sous cet équipage, elle va mettre le feu par-tout ; mais en même tems priez-la d’une voix timide, qu’elle ne s’expose point aux rigueurs de l’hiver.

La queue de cette robe étoit traînante, & le bas garni d’un tissu très-large, d’or ou de pourpre, lata fascia. Le corps de la robe étoit rayé de différentes couleurs ; elle reçut insensiblement un grand nombre de plis, s’augmenta de volume, fit tomber la toge, ou du moins n’en laissa l’usage qu’aux hommes & aux courtisannes.

Le nom de stole peu altéré a passé dans l’église, & est devenu une partie de l’habillement du prêtre, quand il est devant l’autel. Mais l’étole est bien dif-