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Junon veuve, après qu’elle eut fait divorce avec Jupiter, & qu’elle se fut retirée à Stymphale. Voilà ce qu’ils disoient ; mais cela n’a rien de commun avec la nouvelle Stymphale dont il s’agit ici.

Aux environs de cette ville, il y avoit une fontaine, dont l’empereur Hadrien avoit fait venir l’eau jusque dans Corinthe. Cette fontaine formoit à Stymphale, durant l’hiver, une espece de petit lac, d’où le fleuve Stymphale se grossissoit ; l’été ce lac étoit ordinairement à sec, & pour lors c’étoit la fontaine qui fournissoit de l’eau à ce fleuve, lequel, à quelque distance de là, se précipitoit sous terre, & alloit reparoître dans les terres des Argiens, non plus sous le nom de Stymphale, mais sous le nom d’Erasinus. On disoit que sur les bords du Stymphale il y avoit autrefois des oiseaux carnassiers qui vivoient de la chair humaine, & qu’Hercule les tua tous à coups de fleches. Pisandre de Camire dit qu’il ne fit que les chasser par le bruit des tymbales.

Les déserts d’Arabie, qui engendrent tant de sortes de bêtes, continue Pausanias, avoient aussi des oiseaux nommés stymphalides, qui ne sont gueres moins à craindre pour les hommes, que les lions & les léopards ; car lorsqu’ils étoient poursuivis par les chasseurs, ils fondoient tout-à-coup sur eux, les perçoient de leurs becs, & les tuoient. Le fer & l’airain étoient de foible résistance ; mais il y avoit dans le pays une écorce d’arbre fort épaisse, dont on se faisoit des habits ; le bec de ces animaux rebroussoit contre, & s’embarrassoit de la même maniere que les petits oiseaux se prennent à la glu. Les stymphalides étoient de la grandeur des grues, & ressembloient aux cigognes, avec cette différence, qu’ils avoient le bec beaucoup plus fort, & qu’ils ne l’avoient pas recourbé.

Je ne puis décider, dit Pausanias, s’il y a eu autrefois en Arcadie des oiseaux de même nom que ceux qui se voient aujourd’hui dans l’Arabie, quoique d’une forme différente ; mais supposé, ajoute le même Pausanias, que l’espece des stymphalides soit unique, & qu’elle ait toujours existé comme celle des éperviers, des aigles, & des autres oiseaux ; je me persuade que les stymphalides sont des oiseaux d’Arabie, dont quelques-uns auront volé vers les rives du Stymphale, & que dans la suite la gloire d’Hercule & le nom des Grecs, beaucoup plus célebre que celui des Barbares, aura fait appeller ces oiseaux stymphalides dans l’Arabie même, au lieu qu’auparavant ils avoient un autre nom.

Il y avoit à Stymphale un vieux temple de Diane, surnommé aussi stymphalie. La statue de la déesse étoit de bois, & dorée pour la plus grande partie ; la voûte du temple étoit ornée de figures d’oiseaux stymphalides. Sur le derriere du temple on voyoit des statues de marbre blanc, qui représentoient de jeunes filles avec des cuisses & des jambes d’oiseaux. On disoit que les habitans de Stymphale avoient éprouvé la colere du ciel d’une maniere terrible : la fête de Diane étoit négligée, on n’y observoit plus les cérémonies prescrites par la coutume : un jour l’arcade qu’on avoit faite pour l’écoulement des eaux du Stymphale, se trouva tout à-coup engorgée au point que l’eau venant à refluer, inonda toute la campagne l’espace de plus de quatre cens stades ; un chasseur qui couroit après une biche, se laissant emporter à l’envie d’avoir sa proie, se jetta à la nage dans ce lac, & ne cessa de poursuivre l’animal, jusqu’à ce que tombés tous deux dans le même gouffre, ils disparurent & se noyerent ; les eaux se retirerent à l’instant, & en moins d’un jour la terre parut séche. Depuis cet événement, la fête de Diane se célébra avec plus de pompe & de dévotion.

Voila le récit de Pausanias. La ville de Stymphale se nomme aujourd’hui Vicisse, d’autres disent Vulsi. M.

Fourmont y passant en 1719, ne vit point dans le environs de ce lieu, & n’entendit rien dire aux habitans, des oiseaux stymphalides si célebres chez les poëtes, & dans Pausanias ; mais M. Fourmont découvrit au voisinage de Stymphale, les ruines du tombeau de Térence, sur lequel il avoit fait espérer un mémoire particulier, qui n’a point vu le jour. (D. J.)

STYMPHALIE, (Mythol.) Voyez Stymphale.

STYMPHALIDES Oiseaux, (Mythol.) ce sont des oiseaux monstrueux qui, selon la fable, voloient sur le Stymphale, lac d’Arcadie. Les aîles, la tête & le bec de ces oiseaux, étoient de fer, & leurs serres extrémement crochues : ils lançoient des dards de fer contre ceux qui les attaquoient : le dieu Mars les avoit lui-même dressés au combat ; ils étoient en si grand nombre, & d’une grosseur si extraordinaire, que lorsqu’ils voloient, leurs aîles ôtoient la clarté du soleil. Hercule ayant reçu de Minerve une espece de tymbale d’airain, propre à épouvanter ces oiseaux, s’en servit pour les attirer hors du bois où ils se retiroient, & il les extermina tous à coups de fléches.

On croit qu’il s’agit ici de quelques troupes de brigands qui ravageoient la campagne, & détruisoient les passans, aux environs du lac Stymphale. Hercule trouva peut-être le moyen de les faire sortir de leur retraite, & les fit périr avec le secours de ses compagnons. (D. J.)

STYPTIQUE, adj. (Physiolog. chirurg.) ce mot vient de στύφω, resserrer. Les styptiques sont des remedes propres à arrêter les hémorrhagies. Quand une hémorrhagie considérable est arrêtée par des absorbans ou des styptiques, la cause de la suppression est toujours un grumeau de sang, contenu par la compression, de maniere que l’orifice du vaisseau en est bouché ; ce grumeau a deux parties, dont l’une est en-dedans, l’autre en dehors du vaisseau ; celle qui est en dehors est formée par la derniere goutte de sang, qui en se coagulant, s’est incorporée avec la charpie, la mousse, & les poudres dont on s’est servi pour arrêter le sang ; ces deux parties ne forment souvent qu’un grumeau tout d’une piece, qui, en-dehors du vaisseau, forme comme un couvercle, & en-dedans comme un bouchon : elles contribuent toutes deux à arrêter le sang au moyen de la solidité qu’elles acquiérent par la coagulation, par leur adhérence en-dedans, & avec les parties internes des vaisseaux, & en-dehors, avec son orifice externe.

Lorsqu’on use de styptiques & d’escarotiques, le grumeau se forme plus vîte que quand on n’emploie que des absorbans, ou de simples astringens. Dans le premier cas, le grumeau occupe un plus grand espace dans la cavité du vaisseau, & le bouchon entre plus profondément ; le couvercle, ou la portion externe du grumeau est aussi plus épaisse, parce qu’en même tems que les styptiques & les escarotiques coagulent le sang, ils brulent aussi une portion du vaisseau & de la chair adjacente, qui, s’incorporant avec le sang coagulé, forment avec lui un couvercle plus épais & plus large. Ces réflexions sont de M. Petit.

De tous les styptiques, le plus ordinaire, & peut-être le meilieur, c’est l’alcohol, ou l’esprit-de-vin pur ; il arrête presque sur le champ les hémorrhagies, prévient la putréfaction, & forme une escarre solide quoique mince : de-là vient qu’il est la base de tous les secrets les plus vantés, pour arrêter les hémorrhagies ; mais ce n’est point un styptique universel, ni qui convienne dans tous les cas : il en est de même du styptique de Colbatch, du styptique balsamique du docteur Eaton, du styptique royal, & du styptique nommé boule médicinale, composé de limaille d’acier, d’une égale quantité de tartre, porphirisés avec de la meilleure eau-de-vie de France. (D. J.)